Mohamed El Bachir Sall, Directeur des ressources humaines: « la pénurie de sucre n’est pas imputable à la Css »

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Depuis quelque temps, les critiques les plus virulentes pleuvent sur la tête de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css). Elles ont essentiellement trait à la cherté du sucre en dépit de l’existence d’une unité industrielle, mais aussi aux pénuries parfois inexplicables de ce produit sur le marché. Face à ce tollé, Mohamed El Bachir Sall, Directeur des ressources humaines et de la Communication de la boîte est monté au créneau pour rétablir sa vérité. Pour lui, la pénurie de sucre n’est pas à mettre sur le dos de la Css. Elle émane plutôt des spéculateurs qui font tout pour que le produit se raréfie sur le marché, afin de se sucrer sur le dos des consommateurs. Dans cet entretien, Bachir Sall répond, entre autres questions, sur la grève qui avait éclaté dans la boîte, le départ de certains cadres ainsi que le projet Ethanol lancé par la Css pour produire du biocarburant.

Le Sénégal a une unité industrielle de sucrerie, en l’occurrence la Css, mais le prix du sucre reste onéreux pour beaucoup de ménages. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Il faut relativiser ce que vous avancez. Il peut arriver des moments où le prix reste supérieur à celui pratiqué dans les pays voisins, en fonction des cours en vigueur sur le marché mondial. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les fluctuations du prix du sucre importé par les pays qui n’en produisent pas. Il y a d’abord les subventions accordées par certains Etats à leurs exportateurs : dans de pareils cas, d’importantes quantités de sucre sont déversées sur les marchés mondiaux. De ce fait, dès que l’offre dépasse la demande, les prix baissent. Les importateurs des pays non producteurs en profitent pour constituer des stocks importants, qu’ils peuvent brader tranquillement sur leurs marchés respectifs et à des prix très bas. Il s’y ajoute par ailleurs, que la plupart des opérateurs impliqués ne respectent pas en général les règles établies pour régir les transactions en matière d’importations. Dans d’autres situations, il s’agit de calamités ou catastrophes naturelles qui plombent la production de sucre dans les pays concernés. Il s’ensuit parfois une baisse des stocks de sucre à l’échelle mondiale, avec comme conséquence une flambée des prix. Dans ce second cas, le prix de notre sucre est bas. Et c’est le cas aujourd’hui. Nous avons notre unité de production de sucre et notre avantage, c’est que nous sommes indépendants sur les fixations du prix. Nos prix ne sont pas tributaires du cours mondial du sucre. Dans ces deux dernières années, il est arrivé des moments où nos voisins vendent le kilo de sucre à 1.000 Fcfa, alors que les prix que nous appliquons n’ont pratiquement pas bougé depuis une décennie. Hormis un petit rajustement technique nettement inférieur à l’inflation, par exemple simultanément aux coûts de certains intrants entre 20 et 80% (fuel, gasoil, produits de traitement, salaires et autres ….)

Mais tout de même, les ménages achètent le sucre cher

Non, aujourd’hui, le prix du sucre est le plus bas possible. Ce qu’il faut savoir, c’est que le prix est fixé en fonction des coûts de production qui impactent réellement sur le prix et non par référence au prix pratiqué sur le marché mondial. Sinon, on pourrait être tenté d’admettre que chaque fois que le cours monte sur ce marché mondial, il faut suivre la même tendance ; ce qui est peu envisageable. En vérité, le prix n’est pas à 800F Cfa ; c’est la spéculation de certains commerçants qui l’a tiré vers le haut.

On note des pénuries récurrentes de sucre sur le marché. La Css n’a-t-elle plus la capacité de produire du sucre en quantité suffisante ?

Comme vous, nous trouvons ces pénuries dont vous parlez bizarres. Parce que chaque jour, nos ventes se situent entre 700 ou 800 tonnes. Si vous faites le calcul, nous sommes aux alentours de 4.900 tonnes la semaine. Ce qui est largement suffisant, puisqu’en moyenne la consommation des Sénégalais en sucre tourne autour de 2.500 tonnes la semaine. Le sucre produit aujourd’hui est suffisant en campagne. Les causes des tensions notées sur le sucre ont leur origine ailleurs. C’est-à-dire autour des frontières, chez certains industriels et même chez les spéculateurs. Ce qui est sûr, c’est que si tout le monde jouait le jeu, il ne devrait pas y avoir de pénuries.

Donc la pénurie n’est pas imputable à la Css ?

Absolument pas. La spéculation est une des raisons de la pénurie du sucre sur le marché et elle explique en même temps la hausse de prix couramment pratiquée par des détaillants peu soucieux de l’intérêt des consommateurs.

Récemment, une grève a éclaté dans la boîte. Que s’est-il exactement passé ?

Grève, c’est trop dire. Il s’agit du service énergie, qui constitue le moteur del’entreprise. Il était en mouvement plus pour dénoncer le traitement salarial que pour dénoncer de mauvaises conditions de travail. Dans le cadre de l’expansion de la Css, nous avons un programme dénommé KT 150 qui, une fois mis en œuvre, va porter la production de la boîte de 100.000 à 150.000 tonnes dans les 4 prochaines années et ainsi atteindre l’autosuffisance du pays dans ce domaine. Et pour ce faire, nous avons lancé des investissements assez lourds estimés à 70 milliards de FCfa, avec l’acquisition d’une nouvelle chaudière d’une capacité de 150 tonnes de vapeur par heure et d’un turbo alternateur de 25 MW. Et il se trouve que la manipulation de cet outil de dernière génération, dont le fonctionnement est entièrement automatisé, fait appel à des compétences pointues. C’est ainsi que nous avons recruté de nouveaux ingénieurs, pour en faire des chefs de quart qui auront la responsabilité de la bonne marche de la nouvelle centrale.
Les travailleurs qui étaient là sur place ont estimé que le traitement qui est fait à l’endroit des nouveaux venus était discriminatoire. C’est ainsi qu’ils ont décidé d’aller en mouvement. Mais maintenant, Dieu merci, tout est rentré dans l’ordre.

Et les mauvais traitements dénoncés çà et là ?

Il n’y a pas de mauvais traitements des travailleurs à la Css. Certains parmi eux ont voulu aller au-delà de leurs prérogatives. Ce qui est recrutement et salaire ne relève pas des domaines du travailleur, mais de l’entreprise. La vérité est que nous avons recruté de nouveaux ingénieurs et nous leur avons appliqué le prix du marché, ce que les travailleurs du secteur concerné n’ont pas accepté.

De même, il est fait état de beaucoup de départs de vos cadres. Qu’est-ce qui explique cette saignée ?

Ce qui était valable avant ne l’est plus aujourd’hui. De nos jours, les cadres sont trop mobiles. Ils ne sont pas des actionnaires, encore moins des héritiers. Par conséquent, ils sont libres d’aller chercher un meilleur salaire ailleurs. Toutefois, ce qu’il ne faut pas occulter, c’est qu’il y a des départs souhaités par l’entreprise. Heureusement que c’est une infime partie, qui représente un pourcentage d’environ 5% par rapport au total des cadres de la CSS.

Ces départs que vous semblez minimiser ne traduisent-elles pas implicitement ou explicitement, que la boîte ne traite pas ses agents avec la dignité qui sied ?

Nul n’a le monopole de la dignité. Je suis à la Css depuis quelque années, mais je n’ai pas encore constaté qu’on traite les travailleurs au rabais. Pourquoi 95% du personnel font toute leur carrière à la CSS ? Pourquoi recevons-nous des candidatures spontanées, par centaines, tous les mois ? Ne confondez-vous pas les difficultés de la vie à Richard Toll à celles que vous attribuez à la CSS ? Il est évident que la vie à Richard Toll comporte quelques difficultés, comparée à celle qu’on peut avoir à Dakar ou dans d’autres grandes villes.

Depuis quelque temps, la Css a lancé un projet d’éthanol. En quoi consiste-t-il ?

Notre unité industrielle est déjà prête et fonctionnelle. Si vous faites allusion au biocarburant, pour le moment nous n’en vendons pas parce que le marché n’est pas prêt à le recevoir, pour diverses raisons. Les moteurs ne sont pas encore adaptés à recevoir le produit. Par ailleurs, Il n’y a pas de lieux de conditionnement et de stockage adaptés, comme les stations. Pourtant, l’éthanol est une alternative intéressante qui permet d’économiser des devises et de préserver les ressources naturelles ; je veux parler des sources d’énergie d’origine fossile. Mais nous, nous sommes prêts techniquement pour vendre du biocarburant. En attendant, nous produisons et commercialisons de l’alcool de bonne qualité pour les pharmacies et les industries de parfumerie. Nos clients actuels son installés au Sénégal et dans la sous région.

Le Sénégal est confronté à une crise énergétique. Comment la Css fait-elle pour être à l’abri ?

Nous ne sommes pas dans le réseau de la Senelec. On produit notre propre énergie à partir de la bagasse. D’ailleurs, nous avons lancé dans le cadre de la KT 150 d’un coût estimé à 70 milliards, un nouveau turboalternateur d’une capacité de 25 mégawatts. Cela va nous permettre de couvrir largement nos besoins, et même d’être en situation de dégager un surplus qui pourra être injecté sur le Réseau national de la Senelec, et ainsi contribuer à résorber le déficit souvent observé dans la localité de Richard-Toll et ses environs.

Vous pensez à une région comme Saint-Louis ?

Oui. Le surplus obtenu pourrait permettre de soulager effectivement les populations de la région en priorité, pourvu qu’on s’entende avec l’Etat et la Senelec. Nous sommes persuadés que des solutions seront trouvées dans l’intérêt de tous.

Depuis des décennies, la Css détient le monopole sur le sucre. Est-ce que c’est la manifestation d’une certaine allergie à la concurrence ?

La Css est beaucoup critiquée sur la pénurie de sucre et le monopole du secteur ; alors que ce n’est pas tout à fait le cas. Nous n’avons aucune dispense fiscale. Nous n’avons pas le monopole du sucre, je le répète encore. Un pays ne peut pas se développer seulement avec l’import. Et si on suit la logique de certains, on va casser la Css pour faire dépendre le pays des cours mondiaux. En 2009, la tonne de sucre a connu des pics de 700 à 800 dollars la tonne, et pourtant le prix du sucre vendu par la Css n’a pas connu de variations. Dans presque tous les pays de la sous région, le kilo du sucre se vendait à 1000 Fcfa, comme en Côte-d’Ivoire ; ici au Sénégal, le prix était à 650 fcfa. Et je suis sûr que si la Css n’était pas là, les ménages auraient pu payer le kilo à 900 ou même 1000 FCfa. Quel que soit le prix appliqué sur le marché mondial, le Sénégal a une maîtrise sur son sucre. Et ça, c’est un atout qu’il faut préserver. Aujourd’hui, Richard Toll compte 100.000 habitants. Alors qu’avant l’arrivée de la Css, il n’y avait que 6.000 personnes. Et tous les mois, l’entreprise a une masse salariale de 1 milliard de FCfa. C’est une chose pas du tout négligeable. Et puis, quiconque veut construire une compagnie sucrière est autorisé à le faire. Il n’y a aucune interdiction !

Quels sont les gens qui veulent la mort de la Css ?

Ce sont tous ceux qui veulent détruire le tissu industriel sénégalais et faire du pays un souk pour les produits importés. Ce sont aussi tous ceux qui n’ont pas fait du « consommer sénégalais » une stratégie pour promouvoir le développement économique et social. Ce sont enfin tous ceux qui sont peu soucieux de l’indépendance économique du Sénégal, mais plutôt de leurs intérêts propres, et ils sont nombreux de nos jours. Croyez-vous que les actionnaires ne sont pas capables de se muer en importateurs et d’abandonner la Css ? Car il est plus facile et moins risqué d’être importateur que d’être industriel. Prions pour que cette idée ne vienne jamais aux actionnaires !

Entretien réalisé par Papa Ismaila KEITA , lasquotidien.com

 

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