Monsieur Ba, il nous faut parler de la dette du Sénégal.( par Medoune M. Seck )

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Votre responsabilité est engagée

« Circulez, il n’y a rien à voir », voilà en gros ce qu’on peut retenir de l’étrange attitude de Mr. Ba qui endette la nation en notre nom et lui refuse, dans un effarent mépris, devoir et droit de discuter la pertinence de son choix et ses conséquences pour l’avenir du pays.  

Monsieur Ba, contrairement à ce que révèle la suffisance de votre répartie, la politique de l’endettement que, sans débats, vous imposez à la nation pose de multiples interrogations. Des interrogations que nos compatriotes peuvent comprendre d’autant plus clairement qu’en définitive, ce sont bien eux et leurs enfants qui supporteront le lourd fardeau du remboursement. Pensez-vous, dans ces conditions, qu’ils n’aient vraiment rien à vous dire ou rien à dire ?

Monsieur le ministre, soyons clairs et considérons, sans emportements inutiles de votre part ou de celui de vos militants, le contexte social et économique dans lequel la politique d’endettement que vous défendez s’applique. Je vous accorde de m’interroger avec vos propres chiffres. Au jour d’aujourd’hui, on sait que la masse salariale des fonctionnaires de l’État et le service de la dette s’élève à 70% des recettes budgétaires du pays. Il ne nous resterait subséquemment donc, pour faire face aux dépenses de fonctionnements et d’investissement dans tous les domaines, que 30% des recettes fiscales. L’endettement devient inévitable. D’autant plus que nos députés  ne payent que 15000FCFA d’impôt.  Voilà ce que disent vos chiffres, monsieur le ministre et voilà le contexte dans lequel vous êtes en train de faire semblant de ne pas entendre vos compatriotes qui vous demandent d’arrêter votre politique d’endettement pour ne pas hypothéquer davantage encore l’avenir de notre pays et de sa jeunesse!

Monsieur Ba, là encore, soyons des plus clairs. Oui, certes, tous les pays du monde s’endettent et vous l’avez bien répété à souhait. Vos compatriotes comprennent ceci très bien par ailleurs, mais ils comprennent aussi, en plus, ou au moins moralement, que tous les individus du monde, de même que tous les pays du monde, n’ont (hélas) pas la même capacité de rembourser leurs dettes. Affaire de bon sens! Le fait de le savoir engage alors des attitudes qui peuvent être raisonnables comme irresponsables, honnêtes ou simplement mafieuses.

Au plan strictement technique, monsieur le ministre vous savez que la capacité de remboursement de la dette est mesurée par le pourcentage de la dette par rapport au PIB. Or, dès lors qu’on applique ceci au Sénégal : on se retrouve avec un ratio qui est à plus de 61% du PIB (année 2016).

Monsieur Ba, si nos compatriotes savent reconnaitre entre un endettement irresponsable et un endettement nécessaire alors la question de l’endettement du Sénégal ne peut plus être confinée, cyniquement, à une simple querelle d’économistes que tranche, à un moment ou un autre, le pouvoir politique en place, selon sa vision… ou pire encore ses avides intérêts. La question de l’endettement de la nation devient alors une question de haute portée politique et citoyenne, un liant de la nation et même, peut-être, une opportunité pour accélérer l’éducation à la reddition des comptes. Que veut dire pour vous, votre logique de refus d’un débat dans lequel, vous hommes qui faites profession de n’être que les serviteurs de la nation ne pouvez avoir de grandeur autre que celle qui consiste à cultiver l’écoute et la discussion? Pressentez-vous que toute autre forme de grandeur, ici, n’est que fanfaronnade et indigence intellectuelle et morale?

La dette solidaire contractée au nom de la nation, par quelques individus, fait question et heureusement car le contraire aurait été inquiétant! Au regard de l’analyse de la dette par sénégalais entre 2006 et 2016, nous avons un indicateur qui est passé de 177 dollars par habitant à 579 dollars par habitant, soit une progression de plus de 227%.

 

                                                                      Source : Senegal National Debt

Qui, dans ces conditions, ne se serait pas posé un moment pour s’interroger? Qui, sous ce rapport, ne serait pas désappointé de s’entendre dire, en gros, « circulez, il n’y a rien à voir »? Ce qui vaudrait ici pour chaque père de famille responsable, vaut pour chaque pays : il est évident que le taux et le rythme d’endettement de notre pays sont une source d’inquiétude pour tous les patriotes. Seul un débat sérieux peut être opposé à cette inquiétude légitime. Essayons de le poser rigoureusement à partir de trois axes sur lesquels monsieur le ministre la politique que vous appliquez est interpellée.

Oui on peut et on doit à la vérité de noter ici, avant d’aller plus loin, que la dette du Sénégal a connu une accélération historique (bien pire) sous le règne de Abdoulaye Wade et de ses principaux lieutenants de l’époque. Il est aussi tout à fait utile de rappeler que Wade et ses hommes avaient, au demeurant, hérité d’une situation économique exceptionnelle marquée par un virage au vert de l’essentiel des indicateurs macro-économiques du Sénégal. Cette situation d’embellie qui n’avait pu sauver le régime «Dioufien », était le résultat d’énormes sacrifices sociaux imposés au peuple sénégalais à travers des séries de mesures draconiennes restées encore fraiches dans les mémoires (Plan d’urgence « Sakho/Loum », dévaluation…etc.). A ce même peuple, il est demandé encore, sans trop de clarté comme toujours, de supporter de nouvelles charges d’endettements.

Emprunter quand et comment !

Il est vrai que le dernier emprunt contracté au mois de Mai 2017, l’a été à un taux de 6.25% qui est plus bas donc que le taux des eurobons de 2011 (8.75%). Cela peut laisser entendre, à l’avantage de la Présidence Sall et sous votre main, que notre économie serait devenue plus performante. Si vous voulez ! On pourrait même rajouter à votre corbeille, si cela peut faire plaisir, que le taux de croissance annuel moyen du PIB de 2014-2017 (6% depuis la mise en place du PSE) est plus élevé, que le taux de croissance du PIB (1.8% en 2011). En votre fort intérieur, vous savez bien pourtant que cette dynamique est plus complexe et n’appelle pas nécessairement des cris de satisfécit. La facilité à emprunter sur un marché appelle plus de prudence.

En effet, notre nouveau statut de pays à ressource minières rassure les investisseurs et l’exploitation en cours déjà où à venir de ressources telles que le gaz, l’ilménite de Diogo (400% d’augmentation entre 2014-2016) et le pétrole fait présumer que le Sénégal aura assez de devises pour pouvoir payer sa dette. Une bonne production agricole soutenue par une bonne pluviométrie. A cela se rajoute, de manière non négligeable, la stabilité politique du Sénégal, ce qui est une rareté assez notable pour des pays miniers africains. Nous espérons et prions que notre pays reste parmi les exceptions et qu’il ne tombera pas dans ce que les économistes appellent : « the curse of natural resources ».

Ainsi, la combinaison de ces facteurs économico-politiques explique largement l’engouement des investisseurs pour les titres émis par notre pays et notre taux d’emprunt relativement faible de 6,25%. La « ruée » des capitaux vers nos pays  (et qui a profité donc à votre main) procède hélas, également, d’autres calculs qui peuvent nous être aussi faussement favorables que réellement fatal selon la conjoncture. Et, on peut le craindre, c’est cela qui est, sous nos yeux, en train de se vérifier malheureusement encore à nos dépens et sous votre responsabilité, monsieur le ministre.  

La politique monétaire expansionniste adoptée par les pays développés au lendemain de la crise financière de 2008 consistait, vous le savez bien, à faire baisser les taux d’intérêts directeurs des banques centrales, afin de réduire le coût du crédit. Vous n’ignorez pas, non plus, que cette réduction qui visait à encourager l’endettement des ménages et des entreprises dans le but de stimuler les dépenses de consommation et d’investissement, non seulement n’a pas eu les effets escomptés dans leurs économies, mais qu’elle a surtout, aujourd’hui, perdu son caractère temporaire. A nos compatriotes qui se demandent à quoi cela regarde notre capacité d’endettement, on peut répondre que justement la stratégie monétaire des pays développés face à la crise de 2008, bâtie sur une politique d’accommodement monétaire a eu, pour corollaire, de faibles rendement des titres émis par leurs gouvernements, entrainant ainsi, une fuite des capitaux vers des horizons plus rémunérateurs notamment les pays émergents.

Cela veut dire aussi que nous sénégalais aurions été plus rassurés si, au lieu de bomber le torse parce qu’on se fait prêter de l’argent, on avait eu droit à un spectacle plus crédible de votre part consistant à nous expliquer votre stratégie pour faire face à une machine sur laquelle, vous n’avez aucune forme d’influence encore moins de contrôle. Effectivement, les facteurs les plus déterminants de l’engouement pour les titres émis par nos pays sous-développés relèvent moins de ce qui serait la beauté de nos atours que de ce qui a été jusqu’à tout récemment la situation macroéconomique peu favorable dans les pays du Nord. Et, là, est le gros problème. Les pays développés sont en train de tourner le dos à la crise de 2008 et cela se traduit par le relèvement des taux directeurs, notamment aux États-Unis. La conséquence de ce relèvement est évidemment un retour des capitaux dans les pays d’origines et inévitablement une raréfaction des capitaux dans nos pays. Et avec ça en vue, monsieur le ministre, vous ne souhaitez pas parler avec vos compatriotes?

Monsieur Ba être humble et permettre un débat national sur la dette  peut être la garantie d’une prudence nécessaire en lieu et place de votre politique d’endettement facile. L’enjeu étant d’éviter à notre cher pays les graves conséquences d’une crise de la dette.  Aujourd’hui, pour ce qui nous concerne, l’essentiel des facteurs qui ont mené l’Amérique Latine à la crise de la dette des années 80 sont réunis. L’histoire doit nous servir de leçon.  

Cette dette n’est pas soutenable à moyen terme, vous le savez.

Monsieur le ministre, le Sénégal n’est pas un cas particulier, le débat sur sa dette ne peut pas donc contourner  le questionnement sur la soutenabilité du ratio d’endettement. Oui, et vos services peuvent être à l’aise pour le proclamer, à l’heure actuelle la dette du pays est encore soutenable. Cependant aucun économiste sérieux ne peut penser qu’une telle dette soit soutenable dans le moyen et long termes. Souffrez que certains de nos compatriotes qui ne sont pas économistes puissent comprendre pourquoi. L’hypothèse simple qui fonde cette analyse, -comme mentionnée plus haut mais la répétition ici n’est pas de trop- est le contexte de reprise récente de la croissance économique globale, surtout aux États Unis, et dont l’impact va affecter négativement nos coûts d’emprunts. Pour ce qui se demandent comment? Je crois que nous pouvons, facilement, nous accorder sur les facteurs explicatifs. Comme, vous le savez, vous-même, la Banque centrale des États Unis (FED) vient d’augmenter son taux directeur pour une troisième fois en six mois et tous les spécialistes s’accordent pour dire que ce taux va continuer d’augmenter. Ils peuvent d’autant le soutenir que tous les indicateurs macroéconomiques sont au vert. Or, et c’est cela que nos compatriotes doivent savoir, au moins un peu, comme vous le savez déjà suffisamment : au fur et à mesure que les taux d’intérêts y augmenteront, la destination Afrique sera moins attrayante pour les capitaux du Nord. Quelle conséquence immédiate de ceci? La réponse est une rareté des capitaux qui poussera à la hausse les taux d’intérêts pour les pays émergents tels que le Sénégal.

La règle est élémentaire et de base : l’analyse de l’équation de  la dynamique de la dette, de manière très simplifiée montre que le ratio dette-PIB tend à augmenter pour deux raisons : premièrement si le taux d’intérêt est plus élevé que le taux de croissance économique et deuxièmement si le gouvernement à un déficit budgétaire primaire. Alors que notre pays à un déficit budgétaire primaire de 2,3% (année 2016) et le gouvernement fera face à une tendance haussière des taux d’intérêts sur le moyen terme pour les raisons évoquées plus haut. Par conséquent, pour que le ratio d’endettement du Sénégal reste soutenable, il est nécessaire d’avoir un surplus budgétaire primaire (les recettes moins les dépenses de l’état hors service de la dette). Or le Sénégal à un déficit budgétaire que je qualifierai de chronique,  qui avoisine les 3,5% du PIB. Malgré, la baisse des prix du pétrole, l’élimination quasi-totale des subventions de la senelec, et un taux de croissance économique de 6,7% en moyenne, durant ces deux dernières années, le Sénégal maintient encore un déficit budgétaire.

Soutenabilité et responsabilité font bon ménage, monsieur Ba. Et aucun de nos compatriotes n’a besoin de sortir de la Sorbonne pour le comprendre. Si, comme s’y attendent tous les économistes sérieux,  taux d’intérêts augmentent sur le marché des capitaux, comment allez-vous faire, quelles sont vos solutions?

Il se peut que la question ne vous embarrasse point, car les solutions du passé peuplent encore vos tiroirs.  Et, peut-être que vous n’avez pas tort, peut-être qu’hier comme aujourd’hui et demain probablement, vos compatriotes seront encore les premières victimes de vos choix, celles qui vont devoir endurer ce qui sera nécessairement engendré par votre bras :  les coupes sévères pour les dépenses publiques (santé, éducation,  restructuration de la poste, départ volontaire, absence de nouvelle constructions de routes, forages, l’aide sociale etc..), combinées à des augmentations des droits de douanes à la frontière pour augmenter les recettes fiscales, ou encore à des déclarations, par l’État, de défaut partiel ou total sur sa dette.  Oui, monsieur le ministre, peut-être que votre calcul est bon, mais peut-être bien aussi qu’il vous trahira.

La demande de nos compatriotes est très forte, pour qui sait observer, pour déterminer le montant des emprunts de la nation et leurs utilisations. Alors prenez garde et réfléchissez-y ! En Afrique, c’est connu, l’histoire a des coups d’accélérations subites.

Quelques questions légitimes qui demandent des réponses claires

Où sont ceux qui ont été en charge des affaires du Pays et qui doivent, humblement, des explications à leurs compatriotes qui ne comprennent pas ce qui a pu se passer et comment? Le Sénégal, en effet, se retrouve, en dix ans, avec une dette de plus de 61% du PIB. Ce ratio s’élevait à 21% en 2006 à la faveur d’une annulation de sa dette, suite à son entrée (alors fêtée comme une page glorieuse) dans le groupe des pays pauvres très endettés. Comment a-t-on pu en arriver là, dans quels desseins et selon quels critères de jugement? Qu’est-ce qui explique et justifie la très forte hausse de l’endettement de la nation dans la période allant de 2006 à 2017? Moment critique dans lequel, en moyenne, nous, sénégalais, sommes devenus plus pauvres, plus endettés, que nous l’étions dix ans plutôt. Mais, chose plus remarquable encore, moment critique dans lequel, le Sénégal a vu naître beaucoup de nouveaux milliardaires et de millionnaires, tous, plus ou moins, rattachés au champ politique. Si le débat s’impose, monsieur Ba, c’est, au moins, pour cette raison qui semble être vos incapacités à mettre à profit nos ressources pour le bénéfice des populations.

Qu’est-ce que le peuple endetté a gagné dans tout ça? Il faut que cette information soit disponible sur le site du ministère, que chaque sénégalais qui le désire puisse voir et savoir l’utilisation de l’argent qu’on emprunte en son nom. C’est la transparence. Le peuple ne demande pas plus qu’une bonne gestion de nos maigres ressources dans la transparence. Mais puisque nulle part, hier comme à l’horizon, il n’est question, ne serait-ce que d’une simple commission d’enquête parlementaire, alors souffrez que le peuple des villes et des villages, des mosquées et des églises, des universités et des marchés se déclare fondé à vous interpeller publiquement sur l’utilisation des fonds récoltés, notamment, leurs impacts sur le plan économique et social. A titre illustratif, quels sont les projets qui ont été financés par les eurobons de 2011? Où sont les études d’impact économique qui ont conduit à leurs choix? Avons-nous un bon retour sur l’investissement? Monsieur Ba, toujours sur cette dette, quand comptez-vous parlez à nos compatriotes qui vont devoir la payer en 2021?  Serez-vous en mesure de vous acquitter de cette dette sans, encore une fois, nous endetter d’avantage, monsieur le ministre ?  

La question de l’endettement du Sénégal est suffisamment grave pour que, monsieur le ministre, nous puissions sereinement vous prévenir de ceci : vous en répondrez devant le tribunal des vivants avant celui de l’histoire. La situation de cette jeunesse prête à tout pour quitter le pays, même au prix de sa réduction en esclavage en Libye, en est le triste signe annonceur. A bon entendeur…

 

 

Medoune M. Seck :

Diplômé de sciences économique-option monnaie et finance.

 

4 Commentaires

  1. Mr seck : quel diplôme détenez vous? Moi je suis Professeur d’ université, titulaire, docteur en sciences de sciences économiques. Ce que vous dîtes là est absurde : êtes vous réellement diplômé ? Et d’où ? Vous nous faîtes toute une littérature pour des vertes et pas mûres. Avez vous toutes les données ? Non. Les maîtrisez vous ? Non. Alors votre 1ere réaction aurait du être la recherche des données : Informez vous…une contribution intelligente ne se fait pas au niveau d’ une presse en ligne…. Cherchez vous le buzzzz? Raconter des histoires pour se faire connaitre? Faites nous une fiche de présentation de votre personne. Ensuite faites votre biographie. Après cela seulement nous pourrons discuter en gentlemen très au parfum de cette science.. Sénégalaisement

  2. @Papaasy, ce que mr. Seck dit est clair et limpide. Comme lui même l’a dit, point n’est besoin de la Sorbonne pour comprendre. Tes diplomes nous foutes au pole nord, ils sont pareils que ceux de macky et les membres de son machin de gouvernement, de la merde qui n’a servi à rien de bon, si non nous apauvrir d’avantage.

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