Monsieur Guirassy, réformer ne veut pas dire supprimer. (Par Amadou Sow)

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Dans une déclaration largement relayée par la presse, faite lors du vote du budget du
Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Monsieur
Moutapha Guirassy, député à l’Assemblée nationale et promoteur d’école privée
d’enseignement supérieur, propose la suppression du baccalauréat.
Monsieur Guirassy a choisi un moment où nos universités sont confrontées à des sureffectifs,
pour faire une déclaration plus destinée à la consommation du cœur qu’à celui de l’esprit.
Qualifier le baccalauréat d’« Arme de destruction massive de notre jeunesse » relève de
l’hyperbole et de la démagogie.

Monsieur Guirassy, en tant qu’ancien ministre de la communication, vous devriez, en
abordant un sujet aussi sérieux, éviter un certain lexique (« arme de destruction » ;
« débarrassant du bac » ; « il n’a aucune valeur ») qui renvoie beaucoup plus à l’affect qu’à la raison.
En plus de cela, vous proposez en même temps une réforme et une suppression de cet

examen
que vous qualifiez de « criminel ».
A moins que, dans votre esprit, « supprimer » soit synonyme de « réformer ».
Je ne pense pas que vous ayez suffisamment fait des études, avec des experts du domaine

pour
aboutir à une conclusion si radicale sur un sujet aussi sérieux que le diplôme qui ouvre les
portes de l’enseignement supérieur.
Comme seul argument, vous avez évoqué le « très faible taux » de réussite à cet examen que
vous décriez (35%). On ne sait encore pour quelle raison car vous n’en avez donné aucune de
valable.
Le nombre d’étudiants est certes faible (190145, privé y compris au lieu de 320000

étudiants
pour être dans les normes°) mais nos universités sont en surnombre et le niveau de nos
étudiants en est considérablement affecté.
Nous sommes en effet dans une situation paradoxale qui nous pose un dilemme cornélien.
Nous avons besoin de plus d’étudiants pour être dans les normes internationales d’un pays qui
aspire à l’émergence mais nos établissements d’enseignement supérieur sont surpeuplés.
Au lieu d’un (1) enseignent/ dix-neuf (19) étudiants, nous en sommes à un (1) enseignent sur
cinquante-six (56). Ce qui met les enseignements chercheurs dans une situation inconfortable qui affecte leur performance.
Cependant, la suppression du bac, que vous préconisez péremptoirement, est-elle la solution ?
Votre proposition pose essentiellement le problème d’accès à l’enseignement supérieur.

En tout état de cause la massification de nos universités et établissements d’enseignements
supérieurs demeure une condition pour être dans les normes internationales dont nous
sommes encore éloignées.
Monsieur Guirassy, puisque vous semblez vous préoccuper de cette jeunesse « détruite » par
le baccalauréat, demandez à l’Etat d’élargir la carte universitaire, d’achever les infrastructures
en cours dans les universités, de recruter suffisamment de PER et de PATS, et de mettre en
place un programme d’enseignement professionnel pour accueillir certains élèves dès le
collège et le lycée.
Monsieur Guirassy, après avoir mal posé le problème, mal argumenté, vous donnez des
exemples vagues et inappropriés.
Vous faites allusion à des pays européens et américains sans en citer aucun ; ce qui rend
encore flou votre proposition radicale qui, pourtant, si elle est appliquée, sera une véritable
révolution dans notre système éducatif.
En êtes-vous conscient ?
En tout cas, les pays comme la Suède qui ont supprimé le baccalauréat, ont proposé un
système d’évaluation qui, à y regarder de près, est aussi contraignant que l’examen que vous
présentez comme « arme de destruction de notre jeunesse ».
Si l’on prend l’exemple de ce pays, la Suède, le bac a été supprimé en 1968. Il est remplacé
par un Certificat de Fin d’Etudes établi en contrôle continu sur les deux dernières années.
L’accès aux universités se fait sur la base des notes obtenues au lycée ou par le biais des
résultats du Test National d’Aptitude aux Etudes Universitaires.
Tout en nous gardant de confondre test et examen, nous savons qu’un test fait de manière
sérieuse et rigoureuse, est une forme d’examen.
Quant aux résultats des contrôles continus, nous savons aussi comment notre système est
perméable aux fraudes de tous genres.
Mêmes les présidents de jury du baccalauréat au Sénégal sont souvent confrontés à des livrets
comportant des notes gonflées et des distinctions imaginaires, dans le but de multiplier les
chances des candidats pour obtenir la mention et plus tard une bourse à l’université.
Je rappelle aussi qu’en France, pays que vous avez évoqué comme étant en train de penser à
« réformer » (beaucoup plus qu’à « supprimer » cet examen « assassin ») est loin de faire dans
la précipitation.
Le baccalauréat mérite en effet d’être réformé parce qu’il coûte cher au contribuable (frais de
déplacement et indemnités, frais d’organisation, d’impression de sujets et de logistiques) et
prend trop de temps.
Tout cela peut être amélioré par un système d’anticipation de certaines épreuves dont la
correction nécessite plus de temps, comme celles littéraires, par exemple.

Cependant, Guirassy, le baccalauréat a, entre autres, l’avantage de proposer le même examen
pour tous. En conséquence, il garantit l’égalité de chance et une neutralité qui ne laisse pas
aux établissements scolaires la possibilité de complaisance.
Il est aussi incontestablement l’examen le plus sérieusement organisé au Sénégal.
Monsieur Guirassy, ce n’est pas parce qu’on a la chance d’être écouté qu’on se permet de dire
des choses aussi sérieuses sur une question qu’on ne maîtrise guère.
Amadou SOW
FASTEF/UCAD
Mouvement national des Cadres patriotes
Ecole du Parti

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