Mourir Pour Ses Idées Au Sénégal : Koudee Yaa Perte !

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«Mourir pour des idées, c’est bien beau mais lesquelles? Encore s’il suffisait de quelques hécatombes. Pour qu’enfin tout changeât, qu’enfin tout s’arrangeât. Depuis tant de « grands soirs » que tant de têtes tombent . Au paradis sur terre on y serait déjà ». Georges Brassens.

Le parolier français ne penserait pas si bien philosopher s’il se réveillait aujourd’hui au Sénégal. Le pays des renoncements, des reniements et des convictions travesties. On ne tient même plus la promesse faite à nos morts. Oh, sacrilège ! C’est pourtant ce qu’on avait encore de plus sacré, la mort. L’histoire de ce tribun qui prend à témoin le Sénégal entier tout endeuillé par la disparition de sa femme chérie, pour lui jurer fidélité et promettre de rester veuf célibataire le restant de sa vie . . . pour finalement convoler de nouveau moins de 5 mois après la mise en terre de sa défunte épouse, nous en bouche un coin.

L’histoire est plus tragique que comique.
Qui peut contester à un homme le droit de renoncer à faire vœu de chasteté ? Le problème n’est pas là.
Le problème traduit surtout la légèreté avec laquelle les hommes publics font profession de foi sur la base de convictions spontanées, de convictions d’un instant T, qui ne sont plus les mêmes à un autre moment M.
Notre propos n’est pas d’accabler qui que ce soit ici, la chose relevant surtout de la vie privée que chacun mène à sa guise. Dieu, qu’on arrête d’étaler l’intimité des ménages sur la place publique. Il n’y a assurément aucun effet positif à cela, aucun !
Soit heureux, Me. Et la prochaine fois, « déffloomeunn, wakhloomeunn . . . » ne te fera pas faire des cauchemars de revoir le fantôme de ta défunte épouse te questionner en ces termes : « c’est bien toi, mon Maître ? ».

Après tout, les morts ne sont pas morts, mais ils ne sont plus là. Sinon . . .
Cette histoire tragi-comique est simplement une illustration de notre société du renoncement, du reniement, de la trahison.
Il est bien loin le temps où les «héros» pouvaient mourir apaisés avec la conviction que leur sacrifice serve à quelque chose.
Je les plains, tous ces héros-martyrs – eux ou leur famille, partis trop tôt et pour rien. Pour 10 fois rien, ça fait toujours rien . . . rien du tout. Sacrifice vain et par respect pour leur mémoire, on ne peut pas dire inutile, mais tout de même.

Qui peut encore mourir pour ses idées au Sénégal ?
Il serait plus juste d’ailleurs de se demander : qui doit encore mourir pour ses idées ?
Bien sûr, personne ! Aucune âme ne vaut ce sacrifice vain puisque de toutes les façons les idées ne survivent plus à leurs théoriciens.
L’idée est morte, la conviction avec, la lumière s’est éteinte aussi.
L’autre chanteur, pas Brassens, celui là bien de chez nous prophétisait la surprise, si on pouvait éclairer la nuit avec la lumière du jour. Tout le monde serait étonné de ce qu’il nous serait donné de découvrir.
Si nos héros-martyrs pouvaient revenir le temps de voir ce qu’on a fait de leur lég, de leur héritage, ils seraient tellement déçus qu’ils renonceraient à re-partir.

Ils concluraient encore avec le même Brassens en nous apostrophant
Vous, «Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, laissez vivre les autres!
Plus de danse macabre autour des échafauds!
Mourons pour des idées, d’accord, mais de mort lente».
Pour sûr, pour des idées et la dignité,
*Elimane Touré ne serait pas mort, lui dont on nous dit « officiellement » qu’il s’est suicidé pour n’avoir pas supporté de se couvrir de la honte de la garde-à-vue. Foutaise !

*Mamadou Diop ne serait certainement pas mort. Lui, c’est sûr, à voir le Sénégal d’aujourd’hui avec ses compagnons d’hier désormais au pouvoir et qui perpétuent les mêmes travers contre lesquels il a consenti à se sacrifier, il aurait préféré suer à grosses gouttes dans les champs de khelcom de son guide Serigne Saliou plutôt que d’associer son nom pour la postériorité à l’œuvre de renoncement national.
*Jamais Ndiaga Diouf ne se serait sacrifié sur l’autel de la turpitude des politiciens qui l’ont convaincu d’aller au « djihad » devant la mairie de Barthelémy Diaz.

*Même le policier Fodé Ndiaye ne se serait jamais sacrifié pour on ne sait quel ordre pour empêcher le trouble à l’ordre public.
Nos héros-martyrs des temps modernes sont nombreux, j’ai honte rien qu’à l’évocation de leur nom et de ce qu’est devenu le Sénégal pour lequel ils ne sont plus là.

Je parle aux miens qui auraient encore des convictions, laissez-tomber. Je vous préfère encore en vie que de ne pas savoir que dire à votre fantôme puisque nous n’aurons pas été dignes de vos sacrifices.
Dieu, que le pays est sclérosé !

DEGN-KUMPË – PAR ABDOULAYE CISSE

sudonline.sn

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