MOUSTAPHA DIOP, 38 ANS, DIRECTEUR DE TFM Cheval blanc

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Officiellement nommé directeur de la Télé Futurs médias, il quitte la 2stv après six années de collaboration. Portrait de celui qui s’est fait le pari de faire « une vraie télé » dans le paysage audiovisuel Sénégalais.

Comprendre : pourquoi il a quitté la chaîne de télévision privée 2stv ? Il ne parle pas de la crise économique, ni de réduction des coûts en général, mais de convenance personnelle. L’affaire tombe bien : on est le 23 mars 2010, en plein débat sur l’avenir de la Tfm, dont la naissance est escortée par un écheveau politico-personnel entre Wade et You, Moustapha Diop démissionne sans tambours ni trompettes de son poste de Directeur général adjoint de la première chaîne de télévision privée du pays. Juste 10 jours plus tard, début du mois d’avril, Youssou Ndour le sollicite pour en faire le directeur d’une télé encore fantôme. Le 11 avril, une fréquence est octroyée à la Télé Futurs médias. Il dit : « je n’ai pas été débauché, j’ai démissionné avant. » Bonne blague !

La manœuvre du roi du Mbalakh est habile. A force d’avoir une radio et un quotidien très voyants sur ses prises de position, il change de fusil d’épaule : « voyez comme je suis respectueux de la sensibilité du gouvernement. Je ne nomme pas, disons, mon bouillant ex-directeur de publication de mon quotidien Alioune Ndiaye, mais un type détaché, neutre…Et pas plus étiqueté à gauche qu’à droite ». Moustapha Diop préside désormais aux destinées de toute la Maison ronde des Almadies : une centaine de salariés et la cinquième chaîne privée du pays. L’œil est noir, la paupière un peu lourde, un sourcil s’affaisse vers la gauche, l’autre part dans une broussaille vers le front. Un regard, une vraie gueule que voilà a une allure de bcbg : chemise blanche sur pantalon gris. Il est cool, Moustapha. Au téléphone, il dit « bye ». Nonchalant, dégagé, parfois trop. Un manager nommé à une fonction de gestionnaire comme l’est le fauteuil de directeur de la télé ? Bof, « on ne dirige pas seul une telle maison ». Du projet qu’il a pour Tfm, il n’a, pour l’heure, pas dit grand-chose. Son truc à lui, c’est l’audience qu’il entend bien améliorer encore.

Dans le bâtiment qui sert de siège à la Tfm, on ne rit pas. L’heure est à l’enregistrement de l’émission « Waref. » On guette Diop. Avec impatience, avec angoisse aussi. On attend de voir, et surtout d’entendre, ce qu’il va faire de Tfm. Il semble être au four et au moulin. Les sollicitations sont multiples allant des dysfonctionnements dans les domaines administratifs et techniques. Du coup, pas de répit pour lui, pas d’entretien serein pour nous. Le bureau où il reçoit est comme un moulin, on y entre et en sort sans préavis. Moustapha répond aux questions au pif, entre deux phrases et dit : « où en étais-je ? » Le jeu en vaut la chandelle, il sait qu’un objet a pris place juste au-dessus de sa tête : une superbe épée de Damoclès tenue par Youssou Ndour. Qui, outre le pouvoir de nommer les directeurs de sa télé, détient aussi celui de les révoquer à tout moment.

De la bouche de Moustapha Diop sort plus souvent le célèbre velouté profond de sa voix de basse que de grands éclats de rire. Voyons voir : Moustapha sourit. On pourrait le dire soulagé. Ou pas. C’est le propre du sourire qu’il puisse être sans raison. Faire vivre leur slogan « enfin une vraie télé » n’est pas toujours drôle. On pensait jusqu’à une date récente que TFM dominerait le paysage audiovisuel comme le grand chêne de la forêt, impavide et indéracinable. Eh bien cela sent la désillusion en plein nez : pas de vrais plateaux télé. Même s’il le conteste, il avoue que le seul fictif est légué à l’émission de Kouthia : « Kouthia Show. » Les mêmes émissions se pavanent à longueur de journée sur toutes les chaînes. Il dit : « on ne peut pas réinventer l’audiovisuel. Sur le marché, tous les programmes se ressemblent mais, notre touche à nous sera de les améliorer en insistant sur la régularité des émissions. » Une chaîne culturelle de plus alors qu’on a la boulimie de ce concept. « Les annonceurs se bousculent dans ces chaînes, on fait d’abord du commercial, il faut payer les employés à la fin du mois. » En fin de compte, celle qui s’était autoproclamée reine du PAS (Paysage audiovisuel sénégalais) sent sa couronne vaciller. Un progrès ? Pas toujours : la qualité des chaînes privées se vaut et est souvent consternante. Par conséquent, la bataille des programmes s’annonce rude. Entre télénovelas à deux balles, clips, clips encore, clips toujours, et… émissions interactives, espérons que le nouveau « mieux-disant culturel » y trouve son compte.

« Je parle d’expérience. » A chaque phrase, Moustapha ressort sa formule, un rien précieux, qui vient souligner sa trajectoire éclairée de celui qui a fait 7 ans dans l’audiovisuel. A 38 ans, Diop a dû avoir les griffes accrochées au sol pour arriver au sommet : il est tour à tour régisseur, responsable de la production, directeur administratif, directeur général adjoint « Il adore son boulot, il insiste sur la correction sur le plateau. Moustapha est prêt à te cirer les chaussures pour que tu sois impeccable sur le plateau. Il est exigeant, têtu, par fois il oublie que c’est ton patron, ce qui n’est pas bien au Sénégal car tes employés auront tendance à croire que tu n’as pas de caractère », témoigne Bécaye Mbaye. Avec la 2stv, il cultive sa passion pour l’audiovisuel. L’homme y est aimé mais son règne n’est pas sans nuage : Pape Alé Niang, l’un des journalistes vedettes de la chaîne claquera la porte de la 2stv pour avoir passé outre les ordres de sa hiérarchie en invitant sur le plateau Abdou Latif Coulibaly après la parution de son livre Conte et mécomptes de l’Anoci. Sinon, c’est du service privé pur pomme pour ce dakarois qui s’affiche en fils d’agent de la Sones (Société nationale d’exploitation des eaux du Sénégal) : après une licence en informatique et gestion, puis une autre en marketing communication à Iseg en 1996, il devient manager du groupe Darra Ji de 1994 à 2008, en même temps qu’il s’active dans l’événementiel avec la location de logistique dans le domaine culturel. Il est producteur, réalisateur.

Moustapha est né à la Médina, il y a trente huit ans. Il croit en Dieu, et se révèle être un musulman pratiquant. Il a cinq frères et sœurs. Un père polygame, une maman femme au foyer. Il dit : « je suis issu d’une famille pauvre. » A 3 ans, on le confie à sa tante maternelle. Il part vivre à la Gueule Tapée. Il se souvient : « c’est à l’âge de 15 ans que j’ai su que ma famille adoptive n’était pas ma famille biologique. Tellement j’étais choyé par ma tante. En fait, je me suis rendu compte que le mari de ma tante était un Bâ et moi un Diop. » L’établissement Fann Gueule-Tapée accueille le chérubin pour le primaire. Un garçon « ouvert » et pas « timide. » se chamaille à la récrée avec ses camarades avant que l’école Soumbedioune ne prenne le relais, il y fera ses humanités jusqu’à l’obtention du Dfem. L’adolescence sera heureuse mais tourmentée par l’échec au baccalauréat série B en 1992. Une année sabbatique s’en suivra, Diop flâne dans les rues de la capitale. Sa famille lui fera avaler la pilule, il reprend les études en 1993 et finit par obtenir le bac. En 2002, Moustapha se marie avec la mère de ses trois enfants. Le directeur de la Télé Futurs médias dit leur inculquer des valeurs telles que le respect de son prochain, l’ambition de devenir meilleur, l’humilité et la disponibilité envers les autres. Toujours prêt à rendre service, Diop s’est exécuté. « La vie est courte », philosophe-t-il. Avant de nous faire partager sa vision altruiste de la vie : « Tant qu’on peut, il faut s’appliquer à faire le bien. » Amen.

Dans un roman du XIXe siècle, il aurait sans doute été ce que Balzac appelle un « parvenu du bas de l’échelle ». Il se dit issu d’une famille pauvre, le voila propulsé au devant de la scène audiovisuelle sénégalaise, faiseuse de stars par excellence. Sauf que chez lui, le seul motif d’autosatisfaction que l’on décèle est « Main de fer et gant de velours. » Après deux heures d’entretien, Moustapha est debout sur ses 1,77m et ses 78kg. Il est temps d’aller bosser. On lui demande le numéro de sa femme pour un témoignage. Son silence gêné répond pour lui. On le chambre, qu’il s’est fait récupérer par les gros vaniteux du show biz. Il réfléchit, puis répond : « laissez ma femme en dehors de cela. » Caprice de star ? Allez savoir !

lagazette.sn

Aïssatou LAYE

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