« Musulmenteur »: entre culpabilité et délivrance par Birame Waltako Ndiaye

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En confessant publiquement ses petits plaisirs, Souleymane Faye ne fait pas dans la légèreté, il règle des comptes avec lui-même. L’artiste s’est assigné l’attribut de « musulmenteur », il exprime l’embarras du sénégalais partagé entre pudeur par-ci, entente par-là sur le décor fabuleux des valeurs déclamées et la manifeste propension au laisser-aller. Dans cette inconstance, dans les successifs tempéraments conflictuels, se logent, entre objection de conscience et refus du don de soi, les auto-griefs d’imposture, de tartuferie et de trahison. Au Sénégal, être musulman n’est pas toujours synonyme de conviction et de choix; il est dévolution, rôle et discrétion.

« Je mens, je commets l’adultère, je bois du vin, je suis un musulmenteur », a dit Souleymane Faye. Il n’a toujours pas tout dit, il omet de préciser que c’est la société sénégalaise qui pèche par duplicité. Voilà une masse qui connait et admet n’importe quoi à la condition de ne pas dire tout ce que l’on fait. Ce pays sophistiqué de fictions, de condamnations et d’opinions larguées urbi et orbi sans adhérence ni adhésion se berce de projections et d’artifices. Il est question de système de représentation mirobolante échafaudée mais jamais éprouvée.

Les auxiliaires de la morale spéculent sur la dépravation des mœurs sans jamais remettre en cause le créneau des défaillances. Rien de surprenant! Les médiums qui garantissent leur promotion et leur succès sont en partie les principales courroies de transmission des tares tant décriées. Les télés, les radios et les salons rembourrés à partir desquels leurs messages, ciblés et surtout destinés aux moins nantis, n’ont pas intérêt à ce que la tendance se renverse. Les goûts tentaculaires des effets de modes, les illusions captées et les rêves branchés leur servent d’appât et d’éclat

Il faut des Souleymane Faye pour secouer, pour révéler l’ampleur du décalage et la juste mesure des étirements entre les décrets de rigidité et les ancrages à la jouissance. Ces va-et-vient entre traitements et turpitudes acculent aux repentis incessants plus par frayeur que par disposition. Pour cette raison, la sentence populaire accable l’artiste de ses arrêtés immuables: il n’a qu’à faire comme tout le monde. Des gens comme lui, incapables de duplicité et de mystifications faites d’obéissances et de feintes, restent écroués à la marge. Jules Faye a raison de tous les mimiques malmenés, illuminés de craintes et, par la suite, excessifs dans l’euphorie, à répétition.

Encore une fois, une brebis est sortie du troupeau, Jules Faye a péché pour avoir vendu la mèche, semblent soutenir la bien-pensance non moins soumise au régime des faux-semblants. Le retentissement des commentaires sur son âge avancé et sur la nécessité de son repentir pour le salut prochain de son âme égarée fait tilt. Le crime de l’artiste est d’avoir enfreint l’omerta. Ne sait-il pas que ce n’est pas par répulsion des vices que ça ne se dit pas? C’est pour rester exempt de tout reproche au pays des apparences et des hypersensibilités.

La délivrance à la mouvance communautaire, marge sans cesse croissante des individualités, s’annonce de plus en plus. Il n y a pas longtemps le mannequin, Fleur Mbaye, a déclaré publiquement fumer et boire de l’alcool et n’avoir de compte à rendre à personne. Les rideaux se déroulent, la comédie sociale s’édulcore de lassitudes et de contradictions. Il s’agit du sens inversé des ordres qui fait croire que la force des valeurs égrenées en tic tac commande les comportements. N’en déplaise, le courant alléchant des bonheurs accostables et simples se déchaîne contre les promesses de pérennité et d’éternité. Au zénith des déclarations de foi et des appels discordants d’intégrité, Souleymane  Faye, l’artiste, s’est imposé animateur de spectacle.

Birame Waltako Ndiaye

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