Ndongo Samba Sylla répond à Patrice Talon : « Pour être autonome, il faut rompre l’accord de coopération monétaire avec la France »

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XALIMANEWS- Quand le président béninois, Patrice Talon annonce le retrait d’une partie des réserves de change du franc CFA qui sont déposées auprès du Trésor français, c’est le sénégalais Ndongo Samba Sylla qui le corrige.
Selon l’économiste, le président béninois fait une confusion entre réserves de change et réserves d’or. Il rappelle ainsi que les réserves de change sont des moyens de paiements internationaux qui sont toujours déposés sur des comptes à l’étranger. En revanche, les Etats africains pourraient décider de récupérer l’autonomie sur la gestion de leurs réserves de change déposées à Paris, mais pour cela ils doivent rompre la convention de coopération monétaire qui les lie à la France.
« Pour être autonome, il faut rompre l’accord de coopération monétaire avec la France », a-t-il expliqué notamment.

6 Commentaires

  1. POUR RAPPEL – POUR RAPPEL –

    Pourquoi le Franc CFA est le dernier avatar de la Françafrique
    02/10/18 11h54
    Par
    Nicolas Bove
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    Une journaliste et un économiste publient un livre important sur le Franc CFA qu’ils considèrent être « l’arme invisible de la Françafrique ». Retour sur un système monétaire hérité de la colonisation et qui pèse encore aujourd’hui sur le développement des pays d’Afrique de l’ouest et centrale, en compagnie des deux auteurs.

    La France maintient-elle encore une emprise néocoloniale sur les états africains qui furent au cœur de son empire ? Au fondement de cette emprise, il y aurait, selon ses détracteurs, le franc CFA. Créé en 1939 à la veille de la Seconde Guerre mondiale par la métropole, les francs CFA (pour les trois ensembles d’alors, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale et les Comores) participent à la création de la zone Franc, une zone monétaire fondée sur le franc métropolitain et dépendant des autorités de Paris. Cette monnaie a survécu à la décolonisation et perdure aujourd’hui.

    Alors que le sujet de l’indépendance monétaire monte en Afrique francophone, la journaliste française Fanny Pigeaud et l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla entendent apporter les clés de compréhension de ce qu’ils tiennent pour être une atteinte à la souveraineté monétaire des pays membres de la zone Franc à travers leur livre. Ils entreprennent de déconstruire le discours de légitimation du Franc CFA en le resituant dans l’histoire de sa construction. Pour les deux auteurs qui nous ont répondu conjointement par mail, l’enjeu est important car « il s’agit de dire : non à l’impérialisme français, oui à l’amitié et au respect entre les peuples. En ignorant ce discours, la France continue de faire le pari du passé. »

    Quelles sont les spécificités de cette zone monétaire qui, sommes toutes, par certains aspects, n’est pas si différente dans son fonctionnement, de la zone euro?

    Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla – Le franc CFA est la monnaie d’une zone coloniale, la zone franc. Celle-ci a été créée en 1939, dans un contexte d’effondrement du système monétaire international et de montée du protectionnisme. Avec les indépendances, les zones monétaires coloniales ont toutes été démantelées à l’exception de la zone franc qui a survécu en Afrique grâce, entre autres, aux « accords de coopération » que la France a imposés à ses ex-colonies. Actuellement, l’espace franc CFA comprend deux unions monétaires : l’UEMOA qui regroupe 8 pays utilisant le franc de « la communauté financière africaine » émis par la BCEAO ; la CEMAC qui compte 6 pays utilisant le franc de la « coopération financière en Afrique centrale » émis par la BEAC.

    Ces 14 pays forment avec les Comores les « pays africains de la zone franc ». La zone franc fonctionne selon des règles communes : les deux francs CFA ont une parité fixe vis-à-vis de l’euro (auparavant du franc) ; à l’intérieur de la zone, les profits et dividendes peuvent être rapatriés librement, les mouvements de capitaux sont libres ; le Trésor français garantit la valeur externe de ces monnaies – en promettant de prêter des euros aux banques centrales quand elles n’ont plus de devises ; contre cette garantie, la France est représentée dans les instances des banques centrales, la BCEAO et la BEAC, où elle a un droit de veto implicite. Cependant, cette garantie a rarement été effective, comme nous l’expliquons dans le livre. Les banques centrales sont en plus tenues de déposer 50% de leurs réserves de change dans un compte spécial du Trésor français, appelé « compte d’opérations » (au lendemain des indépendances, cette proportion était de 100%) qui a un fonctionnement très particulier. Toutes ces règles ont été mises en place pour créer un environnement de « stabilité monétaire » permettant à la France et à ses entreprises de drainer les richesses des pays africains vers elles. Elles restent en vigueur et elles permettent à Paris d’avoir un contrôle non seulement sur la monnaie, mais aussi sur l’économie et la politique.

    Votre ouvrage fournit une analyse extrêmement rigoureuse, sur le plan historique, économique et géopolitique, du fonctionnement du franc CFA et est également marqué par un ton critique à l’égard de ce système ; est-il à considérer, aussi, comme un manifeste pour l’abolition des francs CFA ?

    Notre point de vue, que de nombreux économistes africains ont développé avant nous, est que le système CFA est un anachronisme institutionnel qui dessert économiquement les pays africains et les maintient sous la tutelle politique du gouvernement français. Ce constat fait, il faut évidemment étudier et exposer les possibilités de changement. Nous évoquons donc dans le livre les voies possibles de sortie du franc CFA, en mettant l’accent sur la nécessité pour les pays africains de se doter de monnaies plus souveraines tout en restant solidaires. Il appartiendra aux lecteurs de juger si notre démonstration est convaincante.

    Partant du constat que le Franc CFA sert les intérêts de l’état français, à quel titre pourrait-il accepter de s’en séparer ?

    Plusieurs raisons devraient pousser les responsables de l’État français à envisager au plus vite la fin du système CFA. L’une d’elles est économique : le système CFA freine le développement des pays africains qui l’utilisent et contribue donc à créer de la misère, du chômage, de l’émigration… Les autorités françaises disent vouloir lutter contre l’ »émigration illégale », elles doivent par conséquent revoir la manière dont elles envisagent les relations avec les actuels pays de la zone franc si elles tiennent vraiment à avoir des résultats. Une autre raison est liée à la démographie. En 1945, à la création du franc CFA, les actuels pays africains de la zone franc étaient moins peuplés que l’Hexagone. Aujourd’hui le rapport est totalement inversé : ils comptent environ 162 millions d’habitants contre 64 millions en France. Cela veut dire que le contrôle exercé par le gouvernement français sur le système CFA va être de moins en moins facile à justifier.

    Sur un autre plan, la situation ne va bientôt plus être tenable non plus : les citoyens africains du continent voient bien, même s’ils n’en maîtrisent pas encore tous les aspects techniques, que le système CFA est injuste et nocif pour les économies de leurs pays, et les prive de souveraineté monétaire, tout en débordant largement sur le politique. Cette situation alimente un sentiment anti-français qui ne cesse de grandir et pourrait bien finir par mettre à mal les positions économiques françaises dans ces pays. Il est donc dans l’intérêt de la France de bâtir enfin des relations « normales » avec les actuels États de la zone franc si elle ne veut pas être confrontée à une rupture violente.

    Vous parlez des intérêts de l’État français et de ses entreprises, quelles conséquences le système du Franc CFA a pour les Français ? En quoi sa disparition pourrait les affecter ?

    Le franc CFA est un instrument inventé par la France pour faire participer ses colonies africaines à sa reconstruction après la Seconde guerre mondiale. Il est aujourd’hui un pilier du fonctionnement du « pré carré » qu’elle est parvenue à maintenir, malgré les indépendances africaines. Le franc CFA lui donne de nombreux avantages. Il lui permet par exemple d’acheter les matières premières africaines, généralement libellées en dollar, dans sa propre monnaie, ce qui lui évite d’avoir à utiliser ses devises. Le franc CFA donne aussi aux entreprises et produits français des marchés importants et stables. Malgré sa petite taille, la zone franc joue même un rôle de soupape de sécurité pour la France, qui est une puissance déclinante sur le plan économique, comme l’illustrent ses déficits commerciaux vis-à-vis du G8 et de la Chine. Ce n’est qu’en Afrique qu’elle parvient à vraiment tirer son épingle du jeu.

    Pour beaucoup de grandes entreprises françaises qui profitent de l’environnement offert par la zone franc, les enjeux sont clairs : l’Afrique ou la mort ! Sur le plan diplomatique, la zone franc continue de donner à la France un rayonnement international et une influence sans commune mesure avec son poids économique. Si le franc CFA disparaissait, ce serait donc la fin du modèle néocolonial qui a servi de boussole à la politique de la France en Afrique. Cela mettra en péril sa « grandeur » et son « prestige ». Il serait exagéré de croire que l’abolition du franc CFA aurait un impact direct immédiat sur l’économie française ou sur les conditions de vie des citoyens français. Toutefois, une Afrique francophone progressivement libérée de la domination néocoloniale condamnerait à moyen terme la France et ses entreprises évoluant sur le continent à s’adapter à un environnement auquel elles n’ont jamais été préparées.

    M. Bolloré est visé par une information judiciaire concernant les conditions, suspectes, d’obtention des terminaux des ports de Conakry et Lomé, voyez-vous dans les difficultés que rencontre ce géant, jusque-là intouchable, une annonce d’un changement en cours ?

    Les difficultés que le groupe Bolloré rencontre sur le continent sont le résultat d’actions judiciaires initiées en France par des acteurs français. Pour l’instant, à quelques rares exceptions près, les chefs d’Etat africains ne semblent pas être prêts, ou n’osent pas remettre en cause les positions souvent monopolistiques que ce groupe ou d’autres entreprises françaises occupent. Ce sont plutôt quelques déclarations très critiques à propos du franc CFA, formulées notamment par le président du Tchad, Idriss Déby, qui peuvent laisser penser qu’il y a une évolution : la parole, longtemps contenue, semble en partie se libérer. Mais c’est surtout du côté des citoyens qu’un changement est le plus perceptible : ils ont un discours de plus en plus critique et le font savoir de plus en plus dans des manifestations, des conférences, sur les réseaux sociaux, etc. Cette pression citoyenne pourrait bien finir par avoir un impact sur les dirigeants africains et la manière dont ils acceptent ou non les desiderata français.

    Au même titre que la Francophonie, critiquée avec virulence cette année, par l’écrivain Alain Mabanckou entre autres, serait-il envisageable de porter un projet commun permettant une intégration plus équilibrée entre les différents pays membres dont la France et à travers elle l’Europe ? Sinon, quelles perspectives sont à entrevoir avec les partenaires africains voisins ?

    Il y a sans doute beaucoup de choses à inventer dans le cadre des relations entre les pays africains et l’Europe. Mais, au préalable, la France et l’Union européenne doivent changer leur manière de penser et de se conduire. Depuis le début des années 2000, la Commission européenne fait tout, par exemple, pour imposer au continent des accords de libre-échange, appelés Accords de partenariat économique (APE), complètement déséquilibrés et au seul avantage de l’Europe. Cela ne peut rien donner de bon.

    En l’état actuel de la situation politique au sein des pays membres des zones CFA et entre eux, quelles perspectives monétaires peut-on envisager dans le cas d’une sortie collective du Franc CFA ? Comment cette sortie peut-elle se réaliser ?

    Une sortie « collective », ce que nous appelons « sortie panafricaniste » dans notre livre, suppose que les pays africains dénoncent ensemble la convention de coopération monétaire et la convention de compte d’opérations qui les lient à la France. Les deux blocs monétaires – UEMOA et CEMAC – seraient maintenus dans un premier temps. Mais il n’y aurait plus de garantie française, plus de comptes d’opérations et plus de représentation française dans les instances de la BCEAO et de la BEAC. Les avoirs sur les comptes d’opérations repasseraient sous le contrôle des pays africains qui deviendraient responsables de leur politique monétaire et de change.

    Si une « sortie panafricaniste » s’avère compliquée, des pays pourraient décider individuellement de ne plus faire partie de la zone franc, comme l’ont fait Madagascar et la Mauritanie en 1973. Bien entendu, si ce sont les « grands » pays, c’est-à-dire ceux qui pèsent financièrement le plus, qui prennent ce chemin, c’en sera probablement fini de la zone franc : le système CFA reposant sur la solidarité dans la gestion des réserves de change, il ne peut plus fonctionner durablement si les plus gros apporteurs de devises se retirent. En Afrique de l’Ouest, à part la Côte d’Ivoire, tous les pays vivent depuis les indépendances une situation chronique de déficit de leur balance commerciale (exportations inférieures à leurs importations). Par conséquent, si la Côte d’Ivoire opte pour une monnaie nationale, l’UEMOA pourra difficilement se maintenir. Ceci permet de comprendre pourquoi l’armée française est intervenue aussi violemment en Côte d’Ivoire en avril 2011. Comme nous le racontons dans notre livre, le gouvernement de Laurent Gbagbo était sur le point de sortir du système CFA…

    Après, la question est : on sort du franc CFA pour faire quoi ? La CEDEAO, un ensemble de pays d’Afrique de l’Ouest, dont fait partie l’UEMOA, propose de partager une monnaie unique. Nous pensons que ce projet est politiquement plombé par le manque de volonté des pays de l’UEMOA, qui n’ont pas encore fourni le plan de sortie du franc CFA exigé comme préalable par le Nigéria. Par ailleurs, indépendamment de l’aspect politique, une monnaie unique n’est peut-être pas une bonne idée au vu des différences dans les spécialisations économiques des pays concernés, du poids démesuré du Nigéria qui pèse plus de 70% du PIB de la région, et de la faible intégration commerciale régionale. La meilleure option est dans doute celle de la création de monnaies nationales reflétant le niveau économique de chaque pays, mais reliées par une unité de compte commune et une gestion solidaire des réserves de change.

    Vous évoquez une vidéo d’un collectif de 7 artistes africains à laquelle nous nous sommes fortement intéressé aux Inrocks (« 7 minutes contre le CFA ») : quelle emprise a ce discours anti Franc CFA a auprès des populations des pays concernés ?

    De plus en plus d’artistes africains, notamment des rappeurs, écrivent et chantent pour dénoncer le franc CFA. Outre le collectif « 7 minutes contre le franc CFA », on peut citer le Sénégalais Didier Awadi ainsi que le duo 4A/Joe NPRA, auteurs de tubes récents sur ce sujet. Cet « arctivisme », pour reprendre l’expression d’Elom 20ce, rappeur togolais, conforte la conviction des jeunes et des moins jeunes déjà un peu informés, participe à l’éveil des autres. Même si ces derniers ne sont pas au fait des détails techniques concernant le franc CFA, ils comprennent que le franc CFA est un point d’entrée, le plus décisif sans doute, dans le cadre de la lutte pour une « seconde indépendance », pour « le droit des peuples à l’autodétermination », des problématiques très actuelles. Le message de tout ce monde est très responsable. Il s’agit de dire : non à l’impérialisme français, oui à l’amitié et au respect entre les peuples. En ignorant ce discours, la France continue de faire le pari du passé.

  2. La zone franc n’a jamais été franche. Car les intérêts de la France toujours mis en premier plan mettent durablement en mal le développement de l’Afrique. Nos gouvernants aussi, à travers le temps, se prêtent à ce jeu malhonnête préférant devenir milliardaires indifférents de la paupérisation de leurs peuples aux visages faméliques agonisants dont ils prétendent pourtant défendre les intérêts. C’est même une preuve évidente des sources des souffrances variées des africains. Une humanisation consciente s’impose alors face à cette humiliation impitoyable imperturbable. « Vaincre ou périr. »
    arco.
    Rigobert Coffi AMEGAN.

  3. Messieurs dames, vous savez, tout ce que vous dites c’est nul. Vous êtes des éhonté. J’ai même entendu une idiote dire que TALON est indigne, une ivoirienne en plus.
    Sénégalais, ivoiriens balayez chez vous d’abord avant de regarder chez les autres. Vos présidents Sall et Ouattara sont des défenseurs corps et âmes du fcfa on dirait même des préfets français. Là Côte d’Ivoire et le Sénégal sont comme des départements français.
    TALON à eu le courage d’annoncé les couleurs et vous osez critiquer ça pendant que chez vous c’est la merde, la honte, la pourriture.
    Respectons nous un peu.

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