Notre problème, est-ce celui du coût du loyer à Dakar ou d’une politique d’habitat en général, désincarnée? Par Mandiaye Gaye

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 De mon point de vue, l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) a examiné cette question de logement, très importante voire cruciale pour tous les Sénégalais de moyenne condition, avec des œillères. C’est  comme  si, elle avait reçu un ordre de mission spécifique, d’examiner un seul  et unique aspect d’une question aussi vaste et globale pour les populations sénégalaises, qui est celle de  l’habitat en général. Le loyer, entendu ici par certains  comme logement, recouvre de manière beaucoup plus vaste et générale,  l’habitat. Il ne devrait pas dès lors, être examiné sous l’angle étriqué et unilatéral, circonscrit de surcroit et strictement à Dakar, si tant est, que l’Etat cherchait et voulait trouver une solution sérieuse et responsable à cet épineux problème qui empêche beaucoup de Sénégalais de dormir sur leurs deux oreilles. En tout cas cela y ressemble beaucoup, au vu du tintamarre qui est fait autour de la baisse du loyer, comme une solution miracle du problème. Or dans l’absolu, le coût du loyer est un épiphénomène dans la solution globale du problème de l’habitat, car les Sénégalais aspirent quand même à devenir des propriétaires et non d’éternels locataires, mêmes avec des coûts de loyer modiques.

A cet effet, l’Etat doit se pencher sérieusement, de manière approfondie et responsable, à asseoir  une politique de l’habitat  efficiente et efficace, face à une question nationale aussi urgente qui englobe tout le pays. Il fallait à mon avis, une étude globale qui ressortirait au plan national, la situation générale de l’habitat aujourd’hui. Une situation qui nous ferait l’état des lieux depuis l’avènement de  l’alternance à nos jours, en nous présentant un bilan exhaustif avec preuves à l’appui, des  constructions réalisées par l’Etat en : logements sociaux, administratifs, moyen standing et grand standing. Ce qui permettrait à tous les Sénégalais de constater réellement d’abord, si l’Etat central s’est avant tout acquitté correctement ou était sur la voie de faire  son devoir régalien, consistant à loger les citoyens décemment et en relation avec l’article 15 de la Constitution, qui stipule que : » Le droit de propriété est garanti par la présente Constitution »

Au lieu de vouloir régler de manière superficielle et partielle un seul aspect d’un problème global, il faut plutôt saisir le taureau par les cornes pour une solution globale et définitive. En fait, l’un des problèmes cruciaux du Sénégal parmi tant d’autres, est bien celui de l’habitat. L’actualité en ce moment dans notre pays, est bien dominée par la révélation des scandales financiers, dont Me Wade et ses amis sont les auteurs, et l’ampleur des dégâts est incroyable parce si abyssale. Mais, on semble oublier dans le même temps, que des scandales fonciers gravissimes ont aussi, eu effectivement lieu au cours des 12 ans de magistère de Me Wade, sans que les concernés soient inquiétés tant soit peu. De véreux promoteurs immobiliers privés se la coulent douce, dont certains ne sont d’ailleurs, que des prête-noms des dignitaires du régime libéral. Ils se sont bien sucrés sur le dos du peuple sénégalais en disposant des terres du domaine national ou de l’Etat, dans des conditions scandaleuses avec la complicité de Me Wade, à des prix dérisoires, qui défient tout bon sens, au détriment de nos sociétés immobilières nationales laissées en jachères ou privées de terres pour exécuter leur programme en logements sociaux surtout. Ces scandales fonciers ont eu un impact négatif et ont rendu plus accru les difficultés de trouver la solution de l’Habitat à Dakar. Quelles mesures, compte prendre le Gouvernement face à cette hémorragie foncière ?

A propos de promoteurs immobiliers, Nous avons là, les preuves évidentes constitutives d’un scandale foncier sans précédent. Voici des gens, à qui des terres ont été bradées à de vils prix, et qui les ont transformées pour en faire des affaires juteuses. On peut citer parmi eux, au moins deux cas principaux, qui sont les plus frappants, il s’agit de : Mbamkiyou Faye et de Cheikh Amar. Il y en a bien sûr d’autres bénéficiaires véreux, qui ont obtenu des terres à des prix très réduits et même parfois gracieusement, ainsi que des facilités de crédits au niveau de la BHS pour la construction de cités chèrement vendues, en lieu et place de la Sicap et de la SNHLM créées à cet effet. A l’arrivée, non seulement les coûts sont excessivement chers, donc inabordables pour les Sénégalais moyens, mais par-dessus le marché, certains d’entre eux, livrent des logements de piètres qualités, qui ne  respectent même pas les normes d’urbanisme les plus élémentaires et moins encore le cahier de charge avec les servitudes annoncées et prévues. Par conséquent, parmi eux, il y en a plus d’arnaqueurs avec une publicité mensongère à travers les médias, que de promoteurs honnêtes et de bonne foi, qui respectent leurs engagements.

Le cas des terres de l’aéroport Léopold Sédar Senghor mérite une attention particulière et un traitement rigoureux de la part de l’Etat, compte tenu de la gravité des faits. Ces terres, ont  fait l’objet d’un partage scandaleux et indécent entre une minorité d’individus privilégiés par Me Wade, à l’image de ceux-là, qui se sont  également enrichis illicitement ou ont profité de biens mal acquis par le biais de leurs fonctions dans l’appareil d’Etat. Tous ces gens dans les deux cas, qui se sont rendu coupables, devront aussi être audités et que les terres acquises frauduleusement ou illégalement, soient rendues au peuple sénégalais.

Toutes ces malversations et injustices, dont Me Wade est l’artisan principal avec ses acolytes, doivent être réparées et les fauteurs sévèrement punis. Sinon, ce serait une manière déguisée et commode d’encourager des voleurs, à conserver et à jouir de leur butin tout tranquillement et impunément.

L’absence d’une politique cohérente de l’habitat en général et celle de l’habitat social en particulier, est une évidence et est l’une des caractéristiques notoires du régime de l’alternance. L’anarchie qui a règné dans ce secteur, montre suffisamment le peu de préoccupation que le pouvoir de Me Wade a attaché à ce secteur vital, dans la vie d’une société humaine et d’un citoyen. Mais enfin, y avait-t-il d’ailleurs, un seul secteur où cela allait mieux  avec Abdoulaye Wade?

Au total, les sociétés nationales, la Sicap et la SNHLM ainsi que la Banque de l’Habitat du Sénégal, qui ont principalement en charge, la construction de logements sociaux  et l’attribution de crédit pour l’habitat, en direction de tous les citoyens ont manifestement échoué, au vu de la faiblesse de leurs réalisations quasiment  nulles, depuis la survenue de l’alternance en 2000. La mission qui leur était dévolue historiquement ou plus exactement, la raison de leur création, était de : concevoir un vaste programme de construction et de réaliser de nombreux logements sociaux, moyens standing en général et de grand standing en particulier, en vue de satisfaire les besoins importants ou de combler le déficit criard dans le domaine de l’habitat social au plan national. Cette noble mission hautement sociale a été complètement dévoyée par le régime libéral de Me Wade, en s’accaparant lui et les siens, de l’essentiel des terres du Sénégal à leur profit presque exclusif.

Le but initial de ces organismes d’Etat était essentiellement social, ce qui avait poussé et motivé l’Etat à faire contribuer tous les salariés et les entreprises sous la forme d’une taxe pour l’habitat, qui s’est muée d’ailleurs plus  tard, en taxe de développement. C’est ainsi que la Sicap, et l’OLHLM transformée après en SNHLM, ont beaucoup contribué à l’époque, à la construction de nombreux logements à loyers modérés à la portée du niveau de revenus des Sénégalais en son temps. Ceci au moins tendait vers la réalisation de cet objectif idéal : un Sénégalais un toit.

Aujourd’hui, en lieu et place d’atteindre cet objectif, ces sociétés nationales-là et cette banque de l’habitat, construisent plutôt, avec l’argent des pauvres contribuables sénégalais, des villas de grand standing (Keur Gorgui) d’une part ou d’autre part accorde des prêts importants aux nantis et autres privilégiés du pouvoir pour construire des châteaux et des Palais, au détriment des Sénégalais de faibles bourses et des nécessiteux potentiels de logement social. Ainsi, en laissant en rade, cette masse de populations en quête d’habitat social, nous sommes témoins  d’une opération inédite et désolante. Cette situation ou pratique ignoble, qui est présentement en cours dans tout le pays, est une réalité, que le pouvoir en place, ne devrait pas du tout ignorer. Et ceci, n’est nullement  le fait de la cherté du coût du loyer, absolument pas !

Il faut rompre avec cette pratique d’exclusion de Me Wade, qui est quasiment sa marque indélébile en matière de politique d’habitat et qui consiste, à déguerpir les zones des terres occupées par : les pauvres, les établissements administratifs ; ou affectées aux réserves foncières de sécurité, aux zones militaires stratégiques pour les redistribuer aux tenants du pouvoir,  à leurs affidés et autres marabouts, aux amis étrangers riches et  à certains corps de l’Etat, qui étaient chargés d’assurer à tout prix, le maintien au pouvoir de Me Wade.

Le président  de la République et son Gouvernement, doivent chercher maintenant les raisons fondamentales qui sont à la base de l’augmentation des loyers, plutôt que suivre la clameur et les rumeurs. L’échec voulu sciemment de la Sicap, de la SNHLM et de la BHS par la démission de l’Etat  libéral sous Wade à poursuivre et à intensifier les programmes nationaux de construction de logements le plus largement  possible, n’est pas étranger renchérissement des loyers. Le fait que l’Etat ait délibérément suspendu les programmes de ces sociétés pour des raisons obscures, en les faisant remplacer par des promoteurs privés, a induit une pénurie ou rareté des logements sociaux dans le pays. Et immédiatement, est rentré en jeu, ce phénomène économique incontournable, qui est la loi de l’offre et de la demande, contre laquelle, une injonction autoritaire ne peut absolument rien du tout, surtout, quand le produit est entre les mains d’un privé libre de louer ou de ne pas louer. Le plafonnement autoritaire du loyer est une idée inopérante et inefficace.

La seule solution idéale ou réponse adéquate de l’Etat, est de mettre à disposition et en abondance des logements sociaux à des prix accessibles à tous, pour obliger les propriétaires privés à baisser leurs prix au même niveau voire en dessous s’il sent la perte de son chiffre d’affaire. Un autre élément de taille, qui est aussi du ressort des pouvoirs publics, qu’ils peuvent bien actionner et qui participerait efficacement à baisser les coûts des loyers. Il s’agit du coût actuel des matériaux de construction dans notre pays par rapport à leur niveau, en 2000. Les prix des matériaux de construction qui ont si flambé depuis lors, en plus d’une absence presque totale de leur contrôle par l’Etat est un impact qui intervient négativement dans la construction de logements. Si nous considérons principalement : le ciment, le fer, le béton, le sable, l’eau, etc., qui rentrent dans toutes les constructions bâties, et constituent à cet effet, les éléments fondamentaux qui détermineront le coût du loyer du propriétaire privé, c’est aussi simple que cela, il se répercute sur le coût de production. A l’examen, des hausses de ces prix des matériaux de construction cités plus haut, de 2000 à nos jours, nous nous rendons effectivement compte de manière objective, du pourquoi  et du comment, le loyer est en hausse permanente.

Par ailleurs, il faudrait que l’Etat nous explique, pourquoi avec la présence de 3 trois usines de production de ciment dans notre pays et dont la principale matière première qui rentre dans sa fabrication est aussi extraite du sol sénégalais, il n’est pas possible de baisser son prix, à un niveau raisonnable pour permettre en conséquence, la baisse des coûts de production dans le bâtiment ? Et, il devrait également en être de même pour tous les autres produits locaux, dans la mesure où aucun d’entre eux, ne fait en principe l’objet d’importation, par conséquent, exempté de  la TVA.

On ne peut pas vouloir une chose et son contraire, à cet effet, l’Etat doit donner le premier, le bon exemple, en usant de ses prérogatives et de sa souveraineté pour baisser les lourds  impôts et taxes insupportables sur ces produits, car, ils grèvent considérablement les prix des matériaux de construction, par voie de conséquence, les coûts de production des logements.

Alors, au lieu de décider arbitrairement de plafonner les loyers ou de s’en prendre aux propriétaires privés de maisons individuelles et autres, qui ont sûrement sué sang et eau pour bâtir leur maison avec leurs propres moyens, dans le but de se procurer quelques ressources pour survivre, l’Etat, et principalement son chef, qui sont les principaux responsables de cette hausse tant décriée, ont l’obligation et doivent prendre les mesures idoines qui s’imposent pour remédier à cette situation qui relève exclusivement de leur compétence. Gouverner dit-on, c’est prévoir ! Ainsi au lieu de reconduire les mêmes erreurs  ou bêtises que Me Wade et son régime ont commises, il faut beaucoup prêter attention aux plaintes, et complaintes des populations, qui exigent depuis le 25 mars 2012, une rupture nette dans la conduite des affaires publiques, et s’atteler aussi à résoudre les problèmes majeurs et urgents des Sénégalais dont l’habitat. C’est pourquoi objectivement, en lieu et place de répéter les sempiternels vœux pieux, ou de s’attarder à trouver des boucs émissaires pour justifier la cherté des loyers, il me semble hautement et socialement plus utile et raisonnable pour l’Etat, de se battre et de faire en sorte pour que, chaque Sénégalais ait un toit à la portée de sa bourse, plutôt que de se focaliser sur une baisse hypothétique des loyers pour des logements qui ne relèvent pas de la propriété de l’Etat. Et, comme il est dit plus haut, le coût des loyers est bien fonction du prix des matériaux de construction que l’Etat est en mesure de fixer d’autorité et il en dépend forcément.

Alors pour booster la construction des logements sociaux ou individuels, le président de la République et l’Assemblée nationale devraient courageusement et résolument, s’orienter plutôt vers la baisse des prix des matériaux de construction, en les ramenant à des coûts raisonnables. Ensuite à travers la Sicap, la SNHLM et la BHS que l’Etat remette en selle, en reprenant les programmes de construction qui ont été gelés injustement ou bêtement.  L’Etat a le devoir de construire comme par le passé des logements sociaux à loyers modérés, en fonction du pouvoir d’achat, et des salaires du Sénégalais moyen, en quantité suffisante à travers tout le territoire national.

Mandiaye Gaye

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