Nous réconcilier avec le travail par Madiambal Diagne

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«Travaillez, prenez de la peine: /C’est le fonds qui manque le moins. /Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine, /Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. /“Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage /Que nous ont laissé nos parents: /Un trésor est caché dedans. /Je ne sais pas l’endroit; mais un peu de courage /Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout. /Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’oût: (Ndlr : Moisson du mois d’août en Français ancien) /Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place /Où la main ne passe et repasse.“ /Le père mort, les fils vous retournent le champ, /Deci, delà, partout: si bien qu’au bout de l’an /Il en rapporta davantage. /D’argent, point de caché. Mais le père fut sage /De leur montrer, avant sa mort, /Que le travail est un trésor.»
Dites-moi, est-ce que cette fable de la Fontaine est encore enseignée dans nos écoles ? Que les Sénégalais sont fâchés avec le travail ! Le Premier ministre, Aminata Touré, devait faire ce matin du 21 octobre 2013, sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. La cérémonie est reportée à huitaine, à la demande de l’Assemblée nationale, pour cause de séjour prolongé des députés dans leur bled au lendemain de la Tabaski. Pourtant le gouvernement, lui, a décidé de reprendre le travail dès le lendemain de la fête musulmane, en tenant de façon normale la réunion du Conseil des ministres. Mais les députés qui venaient juste de reprendre leurs activités, car la session parlementaire avait été ouverte l’avant-veille de la Tabaski, avaient encore besoin de se prélasser. La plupart de ces députés, qui prolongeaient leur farniente, avaient pourtant répondu à une réunion convoquée par le président de la République pour vider les contentieux nés au sein du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar suite à des batailles de sinécures. Comme quoi, s’il s’agit de parler de la répartition des avantages et autres sinécures que leur confère leur statut de député, nos illustres parlementaires peuvent quitter leur base, mais pas pour faire le véritable travail pour lequel ils ont été élus. L’agenda de la session parlementaire se trouve ainsi chamboulé. Les commissions techniques devraient commencer le 23 octobre leurs travaux d’examen du budget de l’année 2014. Ces travaux seront finalement interrompus pour permettre au chef du gouvernement de s’adresser aux députés.
Cet état d’esprit d’oisiveté n’est pas nouveau chez nos députés. Le culte de la paresse et de la fainéantise est tel que l’honorable député Iba Der Thiam, depuis son accession à l’Assemblée nationale, a porté en bandoulière, à chaque Législature, une proposition de loi tendant à déclarer journée chômée et payée le lendemain de la Tabaski. Non, il n’a point besoin de savoir que les Sénégalais ne travaillent pas assez, encore moins que le Sénégal fait partie des pays où on dénombre le plus de jours fériés au monde. Non, le député n’a pas besoin de savoir que cette fête musulmane n’est pas fêtée seulement qu’au Sénégal et qu’aucun autre pays au monde ne donne des jours de repos supplémentaires après la fête. Au Sénégal, on commence à fêter la Tabaski deux jours avant, et les festivités se prolongent cinq jours après. Le député n’a pas non plus besoin de savoir ce que penseraient les chefs d’entreprise qui peinent à payer les salaires de leurs employés pour cause d’improductivité. Mais enfin, comment peut-on savoir ce que coûte à une entreprise le paiement de salaires légaux et les cotisations afférentes, si on n’a jamais eu à payer de sa poche un salaire légal, encore moins cotisé pour la retraite ou la sécurité sociale d’un employé ?
Il est grand besoin de remettre ce pays au travail et les élites devraient prêcher par l’exemple. C’est au Sénégal que le travailleur trouve exceptionnel de devoir reprendre le boulot moins d’une semaine après la Tabaski, la Korité, le jour de l’an, le Magal, la Tamkharit, Noël, Pâques, Nouvel an, Ascension ou Assomption et on en oublie. C’est au Sénégal, un pays peuplé à plus de 90% de musulmans, où l’on ne travaille pas des jours de fêtes religieuses chrétiennes, qui ne sont guère célébrées dans aucun pays de tradition judéo-chrétienne. C’est dans ce pays où le travailleur assidu à la tâche fait l’objet de quolibets de la part de ses collègues, qui le considèrent «gëm serviss ni bouton».
C’est aussi dans ce pays où des travailleurs restent des mois en grève tout en exigeant le paiement régulier de l’intégralité de leurs salaires. C’est aussi dans ce pays où l’entreprise est toujours en arrêt de travail, le temps que les travailleurs fassent une délégation pour faire des parlottes au domicile d’un collègue qui a perdu un lointain parent ou qui baptise un enfant ou se marie. Même ses collègues qui, d’ordinaire, ne lui adressent pas la parole, se feront un devoir de faire partie de la délégation. Tout prétexte pour s’éloigner du travail est bon. Et dans ces conditions, on voudrait que les entreprises prospèrent et créent des emplois ! Dans ces conditions, on voudrait que le Sénégal ne soit pas un pays pauvre ! La première loi de Newton sur le mouvement déclare qu’un objet en mouvement a tendance à rester en mouvement, et un objet immobile a tendance à rester immobile. Cette loi s’applique aussi aux gens. Alors que certains sont naturellement poussés à achever leurs projets, d’autres sont apathiques, nécessitant de la motivation pour surmonter leur inertie. La paresse, un style de vie pour certains, est une tentation pour tout le monde, surtout au Sénégal.

Madiambal Diagne
[email protected]
lequotidien.sn

5 Commentaires

  1. C’est etonnant. Que cet article ne sucite aucune reaction. La preuve que la paresse est une virtue bien commune des internautes senegalais. Ou est sadaga Diop. L’eternel pamphletaire.

    Merci MAdiambale de mettle le doigt la ou il fait mal.

    • Pour que les gens travaillent, commençons par supprimer toutes les caisses noires du pays, de la présidence à toutes les structures étatiques( assemblée nationale, tous les ministres, dont le premier, zéro caisse noire, ZERO,….), supprimons aussi ces juteux marchés de gré à gré, qui rapportent 15 à 40 % des montants à ceux qui les passent. supprimons toutes les magouilles possibles, avec des contrôles internes, externes et des audits privés. Tout cela avec une justice indépendante, honnête, juste et équitable.
      On ne peut pas se développer avec cette calamiteuse situation. Regarder les pays développés, tout est contrôlé avant, pendant et après. Pas de marché gré à gré dans les pays développés. C’est de la ma

  2. Dans notre pays règne un paradoxe: Les gens travaillent peu mais veulent gagner beaucoup beaucoup d’argent, des villas, des voitures, des femmes,des terrains,…. . La variable travail n’est pas déterminante pour être riche. Le jeux est faussé par ces caisses noires et les marchés juteux des gré à gré. On s’enrichit à coup de milliards. Tout l’entourage de ces privilégiés profitent de ces mannes, parfois sans aucune mérite. Ce sont des niveaux de vie super élevé.
    Pour que tout le monde se mettent à travailler: supprimons toutes les caisses noires du pays, interdisons tous les marchés de gré à gré qui ne servent qu’à enrichir cette caste d’opportunistes. Aucun pays développé n’a des caisses noires. Aucun pays développé fait des marchés de gré à gré, où, tout le monde le sait, on reçoit de 15 à 40 % des sommes engagées.
    Sans aucune possibilité de s’enrichir illégalement, tout le monde va travailler. On ne va plus courir derrière tel ou tel responsable pour avoir de l’argent.
    Cela va de paire avec des structures de contrôles internes, externes, voir par des boites d’audit privées.
    Cela va aussi avec une justice équitable, juste, honnête et indépendante.
    AUCUN PAYS NE PEUT SE DÉVELOPPER AVEC AUTANT DE MAGOUILLES ET A TOUS LES NIVEAUX. ON PASSE PLUS DE TEMPS A SE REMPLIR LES POCHES QU’A TRAVAILLER.Les budgets des pays développés sont diffusés et consultables partout. Quiconque peut réclamer des éclaircissement et ester en justice s’il voit des manquements.
    VIVE UN SÉNÉGAL SANS CAISSE NOIRE ET SANS MARCHE DE GRÉ A GRÉ. TOUT LE PAYS DOIT SE LEVER POUR CELA. C’EST LA CONDITION DE NOTRE DÉVELOPPEMENT.

  3. je suis d’accord avec vous Mr Diagne et meme je dirais que le travail donne un sens a la vie, ma question reste ce qui est a l’origine de votre constat , je pense qu’il y’a un gap trop enorme entre les administreurs et les administres, ce qui explique ce manque de culture pour le travail, tout un chacun aime gagner plus sans coup ferir, comment peut on se developper dans ces termes? il y’a trop de malaises et de frustations et un equilibre doit etre instaure dans le milieu pour une meilleure motivation au travail.

  4. Tout le monde est d’accord pour dire que le sénégalais ne travaille pas, mais personne pour dire exactement pourquoi. Pourquoi ? Des comme Madiambal Diagne. Les sénégalais voient, toujours, réussir ceux qui ne travaillent pas et ne voient presque jamais réussir ceux qui travaillent. Des Madiambal Diagne deviennent millionnaires et roulent en 8X8. Par quels moyens ? Financement de l’ambassade de la France pour mentir dans le sens voulu par l’ambassadeur. Alors, si l’on peut devenir millionnaires par le mensonge, est ce que cela incite au travail ?

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