Offre de rachat des usines Dangote : Serigne Mansour Sy veut devenir «borom ciment»

Le marabout affirme avoir droit à plus de mille hectares sur les terres attribuées à Dangote. Ayant tenté en vain de recouvrer son bien, il veut rembourser le milliardaire nigérian, afin de faire fonctionner l’usine au seul profit des Sénégalais.

Le khalife général des tidianes, Serigne Mansour Sy, s’est invité sa­medi dernier dans le dossier de la ci­menterie Dangote, située à Pout. Par la voix de son fils, Moustapha Sy Dja­mil, le guide religieux de Ti­vaouane a officiellement proposé à Aliko Dan­gote, le milliardaire nigérian propriétaire de l’usine, qui est phase de finition, de lui racheter son investissement, afin que l’exploitation se fasse «par des Sénégalais et pour des Sénégalais». Le fils du khalife a expliqué que l’importance des investissements réalisés ne leur po­sait pas problème, car le chef religieux a suffisamment de crédibilité auprès de bailleurs de fonds pour obtenir leur appui pour financer le rachat de la cimenterie. De plus, le conflit sur les terres de Pout a tellement attisé les sensibilités, que de nom­breux disciples religieux, au Sé­négal et ailleurs dans le monde, ont déjà exprimé leur souci d’aider la com­munauté tidiane, à travers son guide, à en sortir de par le haut. Et cette proposition de rachat était une manière, selon Moustapha Sy Dja­mil, de permettre à tout le monde de sortir de cette histoire sans humiliation.

Car a expliqué Moustapha Sy Dja­mil, «voir cette usine fonctionner à côté, sur nos terres, sans rien faire, serait une humiliation pour nous. Ce terrain est de­venu pour nous une question d’honneur». Cette solution de rachat et ces sentiments ont été expliqués au représentant de Dan­gote au Séné-gal, M. Aramin Mbacké, sans que l’on sache quelle a été sa réponse.
Moustapha Sy Dja­mil a expliqué que Serigne Mansour voulait mettre en place une grande exploitation agricole, dont les fruits allaient pouvoir financer les œuvres de la Fondation El Hadj Malick Sy, qui est consacrée à l’enseignement religieux de base et même universitaire, ainsi qu’à la formation professionnelle pour les jeunes garçons et filles du Sénégal, et aussi à tous les disciples tidianes de par le monde. Dans cet ordre d’idées, le guide religieux avait introduit, quelque temps après son élévation au grade de khalife, une de­mande de reclassement pour la forêt classée de Pout. Il faut souligner que le chef religieux possédait déjà, mitoyen à cette forêt, une propriété de 500 ha.

Sur les 7 000 ha de forêt, il a donc sollicité que lui en soient accordées 5 000, qui constituent la part de bonne terre, les 2 000 restant étant principalement constituées de pierraille, déclare Moustapha Sy Dja­mil. Le processus d’autorisation a pris tellement de temps, pour n’aboutir qu’en 2006, bien longtemps après que le Président Abdou Diouf a quitté le pouvoir. Le 2 octobre de cette année, le ministre Thierno Lô, en charge de l’Environnement, transmet au chef de l’Etat trois projets de décret pour le reclassement de la forêt de Pout au bénéfice des grands marabouts de Tivaouane, Serigne Mansour Sy, pour 1 194,54 ha, de Touba, Serigne Saliou Mbacké, pour 942,07 ha, et pour la régularisation du village de Daral Peuhl, pour 57,14 ha.

Si Serigne Saliou Mbacké est parvenu à entrer en possession de son décret d’attribution, cela n’a jamais été le cas de Serigne Mansour Sy. «Bien que quelqu’un de très bien placé au sein de l’appareil de l’Etat lui ait affirmé avoir vu ledit décret, nul ne semble en avoir gardé de trace», déclare M. Sy Dja­mil. Alors qu’ils étaient occupés à chercher à mettre la main sur ce décret volatile, Serigne Mansour Sy et ses proches apprennent avec surprise que la part du domaine qui leur avait été attribuée était en train d’être morcelée, au bénéfice d’autres attributaires. C’est ainsi que selon eux, une structure dénommée Kheweul a reçu 60ha, la Sococim en a obtenus 300, et des marabouts Mbacké-Mbacké ont également reçu leur part. Et, s’indigne Moustapha Sy Dja­mil, «ces gens ont voulu introduire la zizanie dans la maison de El Hadji Malick, en attribuant une partie des terres à mon vénéré oncle Abdou Aziz Sy Junior, le jeune frère de mon père, pour qui il a tellement de considération». Mais assure-t-il, personne ne peut détériorer les relations entre les familles religieuses de ce pays.

Néanmoins, si les héritiers de Serigne Saliou, forts du décret attribuant à leur défunt père une partie de cette forêt de Pout, ont semblé privilégier la voie de la Justice pour faire libérer la partie de leurs terres occupée par l’usine de Dangote, le khalife général des tidianes n’a pas ce loisir, car il n’a aucun titre de propriété en sa possession, sauf les dires des autorités qui déclarent avoir vu ce document.

Néanmoins, son porte-parole de samedi dernier assure qu’il a les moyens d’empêcher la cimenterie Dangote de fonctionner normalement, s’il le voulait. Toutefois, Seri­gne Moustapha Sy Dja­mil explique qu’il n’est pas question pour son père d’en appeler à une quelconque action illégale ou violente. Et le constat étant fait que l’usine est presqu’entièrement sortie de terre, on ne pourrait plus la démolir ou faire comme si elle n’existait pas, il a fait la proposition de la racheter, pour que les terres de Pout, par l’agriculture ou par l’industrie, servent les desseins auxquels Serigne Mansour Sy les a destinées.

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