[Opinion] Les Jambars en Arabie

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LES JAMBARS EN ARABIE

Par un message du Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur (Maese), le Président de la République du Sénégal, a annoncé aux députés, qu’il comptait envoyer 2100 hommes au Yémen. Une décision qui ferait suite à une demande du Roi Salman Ben Abdel Aziz Al Saoud, à l’occasion de la visite officielle qu’il a effectuée en Arabie saoudite le 2 avril dernier.

Dans son message lu par le Ministre, le Président de la République soutient que «Depuis plusieurs mois, des forces terroristes occupent le Yémen, après avoir renversé les institutions légitimes du pays et menacent l’intégrité territoriale de l’Arabie Saoudite. En violation flagrante du droit international et en défiance totale des injonctions du Conseil de sécurité, ces forces ont continué à renforcer leur équipement militaire et à déployer activement leurs activités armées en s’emparant d’Institutions gouvernementales ainsi que d’une partie de l’arsenal de défense du pays, dont des avions de combat et des missiles balistiques qu’ils commençaient à déployer notamment le long de la frontière saoudienne, ce qui constitue une grave menace pour l’Arabie Saoudite» et d’ ajouter aussi que «cette rébellion constitue, à dire vrai, une sérieuse menace à la paix, à la sécurité et à la stabilité de pays frères et amis partenaires traditionnels du Sénégal, avec lesquels nous partageons des valeurs essentielles. Ce sont justement ces valeurs que nous portons ensemble avec ces pays, dont l’un abrite les Lieux Saints de l’Islam, qui sont directement remises en cause.»

Cependant une analyse de Patrice Gourdin, Enseignant en relations internationales et en géopolitique auprès des élèves-officiers de l’Ecole de l’Air de 2011, nous permet de comprendre que la situation au Yémen ne date pas d’aujourd’hui. Il ne s’agira point d’ en faire une encyclopédie, mais de fixer la problématique du pays.

Ce pays le plus pauvre du Proche-Orient, est vaste presque comme la France, (527 968 km2) compte presque autant d’habitants – 23 580 000 – que l’Arabie Saoudite – 25 721 000, autrefois appelé “Arabie heureuse“, fut une région prospère même si l’analphabétisme (50% de la population) et le chômage (au moins 35% de la population active) ne peuvent que s’accroître, alors que près de la moitié de la population a moins de 15 ans et que le pays a l’un des taux d’accroissement naturel les plus élevés du monde (3,45% en 2010) tandis que l’agriculture ne parvient pas à couvrir les besoins alimentaires du pays. La mal-gouvernance sera à la base de la crise politique de janvier 2011 avec des manifestations réclamant le départ du président Saleh car corruption, népotisme, autoritarisme, tribalisme (les 75 tribus, regroupées en confédérations, jouent un rôle politique non négligeable, tant comme acteurs que comme objets), incurie et discriminations rongent le pays et c’est pourquoi d’ailleurs le Yémen est considéré comme un État « inachevé ».

Il y existe aussi un islam pluriel car pratiquement tous musulmans, les Yéménites se partagent entre sunnites – environ les deux tiers – et shiites – environ un tiers. Leur dispersion dans l’espace national accentue le contraste lié à la géographie : minoritaires dans la population totale, largement absents des régions du pays ouvertes sur l’extérieur (le sud et l’ouest), les shiites sont majoritaires dans la partie isolée qui se trouve au nord de Yarim. Plusieurs mouvements politico-religieux opposés aux califes abbassides sunnites trouvèrent refuge dans les montagnes du nord, difficiles d’accès. C’est la marginalisation des populations shiites suscita la nostalgie de cette époque et nourrit un mécontentement qui s’exprime par le vote en faveur du parti d’opposition Al Haq, et qui tourna à la révolte ouverte en 2004, sous la direction d’Hussein Bader al-Din al-Houthi.

Toutefois, les shiites ne se retrouvent pas tous dans le combat des houthistes, mais eu égard au rejet suscité par l’antishiisme extrême et l’expansionnisme territorial des Saoudiens, il apparaît mobilisateur de dénoncer les sirènes wahhabites auxquelles le pouvoir aurait succombé.
La mal-gouvernance et le poids des tribus qui vendent leur soutien « tribalisme d’État » avec le sous-emploi, le manque d’établissements scolaires et l’absence de développement économique qui affectent particulièrement le pays et éclaire l’évolution du houthisme, du communautarisme vers la contestation.
La réunification a été problématique en plus de contentieux frontaliers avec Oman (bornage incomplet), l’Arabie Saoudite (contrôle de zones aquifères et pétrolières) et l’Érythrée (possession des îles Hanish, clé de l’accès à la mer Rouge) et également peu désireuse de voir un voisin pauvre presque aussi peuplé qu’elle devenir une menace, l’Arabie Saoudite œuvre constamment, ouvertement ou discrètement, à l’affaiblissement du Yémen. Ibn Saoud, le bâtisseur de la puissance qui porte son nom, aurait recommandé à ses successeurs de toujours entraver le Yémen.
La position de carrefour stratégique majeur érige également le Yémen en enjeu international. Les Britanniques l’avaient observé très tôt et ils firent du port d’Aden l’un de leurs principaux points d’appui entre 1839 et 1967. Le pays est aussi à proximité de vastes “zones grises“ : régions contrôlées par des tribus, États faibles ou faillis comme la Somalie, le Soudan, l’Irak, le Pakistan ou l’Afghanistan. Terre de foi rigoriste, il a fourni un important contingent de combattants au djihad international depuis la guerre d’Afghanistan, en 1979. Près de la moitié des prisonniers regroupés par les Américains à Guantanamo après les attentats de 2001 étaient de nationalité yéménite, à titre d’exemple exemple.
La guérilla houthiste, active depuis 2004, s’appuie sur la complicité de la tribu des Qairis, qui vit de part et d’autre de la frontière yéméno-saoudienne. L’intervention ouverte des forces de Riyad, entre novembre 2009 et février 2010, visait à préserver l’intégrité territoriale et la sécurité de l’Arabie Saoudite. Celle-ci redouterait le soulèvement des tribus frontalières et les infiltrations d’éléments hostiles. En plus du fait que Riyad voit la main de son rival religieux et régional, l’Iran, derrière la révolte houthiste. Donc soutenus par ce dernier et le Hezbollah, les houthistes ne veulent pas du projet fédéral du président de transition, Abd Rabo Mansour Hadi présentement en exil.
L’Arabie saoudite est fortement convaincue que sa propre minorité chiite – officiellement 10% des habitants, mais sans doute près de 20% – menace la stabilité du royaume. La situation au Yémen, à son flanc sud, l’inquiète d’autant plus qu’au nord elle est sous pression de Daesh, qui a enrôlé plusieurs milliers de Saoudiens et ne cache pas sa volonté de libérer les lieux saints de l’islam. L’armée saoudienne est suréquipée et entraînée par les États-Unis. Pourtant, les dirigeants n’ont en elle qu’une confiance limitée, au point de demander au Pakistan et à l’Égypte de déployer 30 000 soldats à la frontière nord et le Sénégal aussi car les autres pays du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (Émirats arabes unis, Oman, Qatar, Koweït, Bahreïn) sont déjà engagés à ses côtés.
La décision du Président de la République nous semble mal inspirée au regard des missions jusqu’ ici accomplies par nos Jambars. Autre facteur non négligeable, la géopolitque locale et sous-régionale avec le Mali à nos portes et le Nigeria qui respire grâce à l’ action conjointe du Tchad, du Cameroun et du Niger en plus d’une élection présidentielle apaisée. L’ Arabie saoudite est un « pays ami », cependant un contingent de 2100 hommes et certainement les meilleurs, comme c’est toujours le cas, mérite une réflexion approfondie qui ne doit en rien être altérée par des pétrodollars en espèces sonnantes et trébuchantes. Il ne faudrait surtout pas oublier le « Machtkampf » que se livrent l’ Iran et l’ Arabie saoudite sur la région. En envoyant des troupe, le Sénégal, de facto prend position pour Ryad au détriment de l’ Iran qui est également un « pays ami ».
Depuis 2014, le Plan Sénégal Emergeent indique le cap pour 2035, en déclinant les objectifs stratégiques, les programmes sectoriels et les actions. Il fournit un cadre d’action précis pour la période 2014-2018. Cette émergence supposera de la Nation sénégalaise un effort soutenu et continu sur une longue durée, au – delà des mandats politiques. De même, l’ambition de l’émergence nécessitera beaucoup d’efforts, voire des sacrifices, des intérêts seront remis en question, des habitudes bousculées, l’ouverture et la tolérance seront requises pour tous. Ces sacrifices seront nécessaires et à long terme bénéfiques pour tous. C’est dans cette optique que le Président a parlé « d’administration de développement ». Développement dans le sens lebretien du concept, c’est à dire « le passage, pour une population déterminée, d’une phase moins humaine à une phase plus humaine, au rythme le plus rapide possible, au coût le moins élevé possible, compte-tenu de la solidarité entre toutes les populations. » Ce sera le plus à payer et le Sénégal en sortira plus fort et l’avenir de ses enfants mieux assuré. Pour cela, la Vision doit être comprise et partagée par tous, afin que l’objectif d’un avenir meilleur justifie les sacrifices d’aujourd’hui. Ces sacrifices ne sont pas des jambars revenant dans des cercueils, élevés à titre posthume au rang ou au grade de…Est ce que le Yakaar suscité et transformé en essai réussi au soir du 25 mars 2012 doit se muer en mercenariat au servie du wahabisme triomphant et de la famille Al Saoud au détriment de l’enrichissement de notre patrimoine social, une élévation de la santé morale et intellectuelle de la populaion, une amélioration du niveau de vie des travailleurs?
C’est toute la question !!!

Ben Yahya SY
Convergence des Cadres Républicains
France / Sénégal

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