Oumar Sarr, le Bon, la Brute et le Truand. ( Par Serigne Saliou Gueye)

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Ils sont tous les trois de confession libérale. Ils jouissent tous les trois d’une certaine légitimité au vu de leur cursus au sein du PDS. Aujourd’hui, ils sont en guerre contre les Wade. Malgré toutes ces ressemblances qui les présentent comme un bloc monolithique, ils représentent à eux trois toute l’hétérogénéité de l’Alliance Suqqali Sopi. Ils s’appellent Oumar Sarr, El Hadji Amadou Sall et Babacar Gaye.

Au regard de la situation politique actuelle entre Oumar Sarr et les Wade, le désormais N°2 du PDS aurait pu faire l’affiche du célèbre western de Sergio Leone de décembre 1966 qui a fait le bonheur des cinéphiles amateurs des détonations perçantes des colts 45. A lui seul, il incarne l’archétype de ce « triello » de chasseurs de primes du film « le Bon, la brute et le truand » qui est considéré comme la quintessence du style « western spaghetti ».

En bon coordonnateur du PDS, Oumar est resté, à la chute des Wade, dévoué et loyal au chef de la tribu. Mais au fil des années, il est apparu une autre figure hétéroclite qui fait passer Oumar du bon à une brute et à un truand (escroc politique). En brute cynique, il exécute les militants qui contestent les décisions des Wade. En fin truand, il pactise avec le pouvoir pour en retirer un bénéfice personnel. Même s’il a généré quelque sympathie en 2012, les militants ont fini par le détester pour son côté roublard et manipulateur.

Le bon

Oumar Sarr incarne l’archétype du bon militant libéral et désintéressé, entièrement dévoué à la défense du PDS et des Wade. Quand, au lendemain de la présidentielle de 2012, les militants du PDS, comme des rats désespérés, quittaient à la hâte, le navire libéral drossé sur l’écueil de la défaite électorale, Oumar était l’un des derniers Mohicans à croire au vieux et au PDS. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le Grand Pontife libéral l’avait nommé à la surprise quasi-générale secrétaire général adjoint, coordonnateur du parti. Une sorte de N° 2 du PDS même si, dans la réalité des faits, tout le monde savait qu’il ne jouait qu’un rôle de chauffe-place en attendant que, Karim Wade, le véritable légataire, enchevêtré dans l’écheveau judiciaire, puisse avoir les coudées franches et prendre son trône.

Ainsi le PDS passait sous les fourches caudines du nouveau régime en voyant 25 de ses dignitaires figurer sur une liste de supposés délinquants que le Procureur général devait transmettre à Aliou Ndao, nommé Procureur spécial de la Cour de la répression et de l’enrichissement illicite (Crei) réactivée en la circonstance. Une telle situation avait provoqué plusieurs défections au sein du PDS, des transactions en catimini, des négociations souterraines et une transhumance déguisée sous l’apparat d’un transfert de compétence en faveur du régime de Macky Sall. Oumar Sarr, quoique figurant parmi les 25 traqués, n’a jamais varié dans sa loyauté envers les Wade. D’ailleurs par stratégie politique, il a soutenu mordicus la candidature de Karim Wade à la présidentielle de 2019 sur proposition de Babacar Gaye, autre figure marquante de la fronde qui secoue actuellement le PDS. Mais cette proposition de candidature politiquement insensée et inconséquente a eu le malheur de chambouler le PDS et d’ouvrir la porte à moult départs.

La brute

Souleymane Ndéné Ndiaye a préféré créer son parti pour ne pas être derrière le gosse. Aliou Sow n’a pas mis de temps pour créer le mouvement citoyen dénommé 2.17 pour soutenir Macky Sall avant de porter sur les fonts baptismaux le Mouvement des patriotes pour le développement (MPD/Liggeey). Pape Diop, Habib Sy, Serigne Mbacké Ndiaye et Abdoulaye Baldé ont tourné casaque. D’autres responsables de moindre envergure rejoindront les prairies beige-marron. Quand Modou Diagne Fada a osé rédiger un mémorandum en octobre 2015 dans lequel il prônait qu’« après 41 ans d’exercice, le Parti démocratique sénégalais doit faire sa mue. Moins d’immobilisme, plus de démocratie, plus de transparence dans les prises de décisions, plus de transparence dans les choix de nos candidats à l’élection présidentielle. Et encore une fois : permettre à ceux qui ont tant fait pour le parti de se reposer pour laisser la place à d’autres qui ont envie de continuer l’œuvre de maitre Abdoulaye Wade », Oumar Sarr et compagnie ont mené le combat parlementaire pour le délester de son fauteuil de président de groupe parlementaire des Lib-Dem pour installer Aïda Mbodj, future démissionnaire du PDS. Et sur la base de l’article 36 des textes du parti, Fada est exclu du PDS auquel il a adhéré en 1988. Cette exclusion a exaspéré l’enfant de Darou Mousty au point qu’il s’est déchainé sur le coordinateur du PDS en ces termes peu amènes : « Oumar neukheu est un nullard et avec son groupe, ils sont des incapables. Oumar Sarr est un homme indigne, c’est pourquoi à cause d’un poste, il accepte tous les coups et sa dignité est tout le temps piétinée. C’est un incapable à qui je ne confierai rien parce qu’il ne sait rien faire. Oumar Sarr est une marionnette, il ne sait même pas parler. Mais s’ils pensent que ça sera facile de me faire partir du PDS, ils se fourrent le doigt dans l’œil. Ce sont des incapables qui ne sont là que pour se faire humilier. »

Et le 27 mars 2017, à l’issue d’une réunion du secrétariat national du PDS, Pape Samba Mboup et Farba Senghor, qui tenaient la guillotine lors de l’exécution de Fada, sont, à leur tour, exclus pour manquement à la discipline du Parti. Comme quoi, l’évêque Talleyrand avait raison de dire qu’«en politique, la trahison est une question de date ».

Lorsque des rumeurs de déstabilisation du PDS par Pape Samba Mboup et Farba Senghor ont été soulevées, le Libéral en chef a, dans une missive rédigée le 6 mars 2017, désavoué tous ceux qui contestaient le leadership du coordonnateur national adjoint du PDS. « Je félicite et renouvelle ma totale confiance au frère Oumar Sarr que j’ai choisi pour me seconder dans la conduite des affaires de notre parti. Il exécute sa mission avec compétence, loyauté et beaucoup de lucidité et de retenue. Il a mon total soutien », dixit le fondateur du PDS. C’est donc dire combien Oumar était coté à la bourse wadienne. D’ailleurs son dévouement pour Wade l’a conduit en prison le 21 décembre 2015 pour « faux et usage de faux et diffusion de fausses nouvelles » avant de bénéficier d’une liberté provisoire le 26 janvier 2016.

Lors de la présidentielle de février 2019, Oumar Sarr a été le bourreau principal de Madické Niang qui s’est autoproclamé plan B du PDS après que le Conseil constitutionnel a fini d’invalider la candidature de Karim Wade. « Madické connait bien les statuts et le règlement intérieur du PDS. En posant publiquement sa candidature à l’élection présidentielle alors que le PDS avait déjà choisi son candidat, il sait qu’il se met ipso-facto en dehors du PDS. Ce sont des règles que nous avons librement acceptées en adhérant au PDS», a-t-il soutenu sardoniquement.

Babacar Gaye qui fait partie du triumvirat de frondeurs de l’Alliance Suqqali Sop a même été victime des coups bas de son allié d’aujourd’hui. « Depuis hier 5 avril, je ne suis plus membre de la Commission nationale chargée de la Vente des cartes et du Renouvellement des Structures du PDS ainsi que de la Délégation de la tournée nationale, pour convenance personnelle », a écrit, le 06 avril 2018, Babacar Gaye sur le mur de sa page Facebook. Quelques jours après la tenue du Comité directeur où il a signifié sa démission de la commission de la vente chargée de la vente des cartes au PDS, le porte-parole du PDS d’alors s’est expliqué sur les raisons d’une telle décision : «Mon renoncement est dû à une divergence de vues profondes. La manière dont le parti est administré et avec la manière dont ces initiatives ont été prises. Nous n’étions pas en phase avec eux sur la façon d’organiser la tournée et sur la composition des membres de la tournée. » En réalité, tout est parti d’un comité directeur où Oumar Sarr, le coordinateur du PDS, a retiré la parole à Babacar Gaye qui a voulu se prononcer sur des questions de stratégies. Le coup de massue interviendra le 23 avril 2019 sur la tête de celui qui n’est plus désormais le Porte-parole du Secrétaire général national du PDS. Dans sa page facebook, Babacar Gaye évoque des machinations sibyllines pour altérer ses rapports avec Wade. Et Oumar Sarr était le premier suspect du secrétaire général de la fédération PDS de Kaffrine.

A cette démission s’est ajoutée celle de Bassirou Kébé, responsable libéral à Nioro qui digérait mal la cooptation de Lamine Bâ dans la Commission chargée du renouvellement des structures.

Le Truand

Mais l’analyse en profondeur des secousses telluriques qui agitent le PDS a montré que le coordonnateur et N°2 du parti n’a jamais joué aux bons offices pour éviter l’exclusion ou le départ volontaire ou forcé de plusieurs militants libéraux. Un coordinateur assure et veille à la cohérence de son parti. Il est ce chef d’orchestre incontournable qui assure l’harmonie et l’animation de l’action de ses camarades. Il propose une répartition des différentes tâches à accomplir et détermine un agenda de travail selon un planning bien élaboré. Tout militant du parti doit contribuer à la facilitation de l’action du coordinateur en collaborant étroitement avec lui. Un coordinateur tient un langage de réconciliation et d’ouverture pour massifier son parti. Mais le discours d’Oumar Sarr a toujours été plus que radical pour exécuter les militants jugés « impénitents » ou « indisciplinés ». Et son inaccessibilité a toujours été décriée par ses frères de parti. En fin truand (escroc) et habile stratège politique, il a fait le vide autour de lui au point que certains voyaient dans sa stratégie une manœuvre, soit pour s’imposer en dernier ressort comme le plan B du PDS qu’il a toujours rejeté, soit pour jouer en catimini sa partition en collusion avec le président Sall afin d’empêcher toute participation du PDS à la présidentielle de 2019. Cette dernière option déboucherait sur un mot d’ordre de boycott à la présidentielle qui augmenterait les chances d’un Macky vainqueur au premier tour. Finalement, elle est adoptée par le Secrétaire général national Abdoulaye Wade. Même si quelques têtes de Turcs allaient braver l’oukase du chef, des milliers de militants du Sopi se seraient abstenus d’aller voter le jour de la présidentielle.

La présidentielle passée, Macky réélu, c’est l’heure de la matérialisation des promesses tenues par le président : amnistie de Karim Wade et récompense d’Oumar Sarr. On parle d’un gouvernement élargi du côté du pouvoir où siégeraient des éléments du PDS dont Oumar Sarret d’une amnistie de Karim Wade en cas de participation du parti au dialogue politique. Ce refus du PDS de participer à ces assises politiques est la pomme de discorde entre le mentor et le secrétaire général national adjoint qui tient vaille que vaille à marquer de sa présence le dialogue de Macky. Ce qui est sûr dans cette histoire, les mythes et les mystères se superposent et chacun des protagonistes tient à ses intérêts crypto-personnels. Mais le dernier remaniement mortifère du secrétariat général du PDS où Oumar Sarr est défenestré, discrédite la présence du désormais ex-coordinateur du PDS dans ce dialogue national où il siège en son propre nom. Cette méthode exclusiviste est fustigée par les triumvirs de l’Alliance Suqqali Sopi, qui pourtant, dans un passé récent, ont joué le rôle de bourreaux quand Fada, Pape Samba Mboup, Madické Niang, Farba Senghor étaient conduits stoïquement à la potence.

Aujourd’hui, l’Alliance Suqqali Sopi est née pour porter la revendication de tricards boudeurs rétifs aux mutations en profondeur comme le suggéraient Modou Diagne Fada et compagnie dans leur mémorandum de 2015.

« Le PDS, qui est et restera un parti libéral social et démocratique, ne peut souffrir l’absence de débats avec une direction unilatérale prenant des décisions en dehors de ses instances régulières », dit le communiqué du 23 août de l’Alliance Suqqali Sopi. Mais cette revendication réformiste est viciée par un péché congénital. Ceux qui ont mis sur le billot à la tête des hérétiques revendiquant plus de démocratie interne ne peuvent pas échapper à la guillotine s’ils sont coupables de la même faute. Le Seigneur Jésus Christ nous enseigne que « tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée ». Alors, les rhétoriques contestataires qui remettent en cause la dynastie des Wade aux fins de faire surgir des idées neuves, des stratégies inédites et des refontes fusionnelles ne peuvent pas émaner d’un groupe de conservateurs réacs, de récents panégyristes du Roi et du Prince qui ont toujours joué un rôle de bouchers dans la décapitation des renégats qui ont osé ramer à contre-courant de la volonté du chef.

Ainsi dans un instinct de survie, Oumar Sarr avec ses compères, livre les derniers soubresauts à l’instar d’un animal égorgé sur l’autel d’un rituel sacrificiel. Ses armes et ses talismans se sont révélés inopérants devant la guillotine encore tranchante et saignante du PDS. C’est kafkaïen !

3 Commentaires

  1. On peut aborder la question de la tragédie grecque par une analyse narrative séparative d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide ou de Zeus, Ulysse, Œdipe. On en perdrait surement de vue la portée et l’ampleur dans le temps et dans l’espace. Ainsi, perdre de vue les traits communs qui les relient consistant à placer toujours les personnages face à la fatalité de leur destin, la place de l’homme, la justice ou encore la vérité. Caricaturer et ironiser sur le Bon, le Truand et la Brute, est réducteur, manquer de vue d’ensemble, de profondeur, face à une longue gangrène érosive qui ronge dramatiquement le PDS depuis bientôt une décade et qui suit son développement inexorable, comme un long fleuve qui suit son cours, face à une société hébétée par tant d’égarement, d’ambition de père pour un fils et de subjectivisme qui dépasse l’entendement. Elle nous enseigne surtout qu’une tragédie ne peut se terminer de façon heureuse. En aucun cas, un parti politique de longue date ne peut être réduit en une entreprise familiale. Le durcissement, l’entêtement, l’aveuglement sont synonymes d’égarement, de chute certaine dans les enfers de toute dictature tyrannique et despotique. A moins que par un revirement inespéré et inattendu, il se reprenne de son élan ridicule, irresponsable et incompréhensible. Mais Le mécanisme semble trop bandé pour espérer pareil heureux revirement. Un sursaut existentiel sartrien, Être ou ne pas être. Un combat pour l’honneur, la justice, la vérité et la dignité humaine. Une attitude toute empreinte de noblesse et de valeur pour ceux qui se dressent pour dire non, assez, c’est assez! Pour une approche objective d’une situation concrète, ne jamais perdre de vue l’ensemble et la juste portée des choses. Ce qui importe dans toute tragédie, c’est la leçon qu’elle nous enseigne.

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