Panne de la radiothérapie, sous équipement du plateau technique: La rançon du laxisme

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XALIMA NEWS – Acheté en 1989 en deuxième main, la radiothérapie de l’hôpital Aristide Le Dantec a alerté plusieurs fois avant de tirer sa révérence. Un manque d’anticipation qui révulse les acteurs qui crient à une absence de vision et de planification de la part des gouvernants.

Le sujet fait l’actualité, ces derniers jours. La panne de la radiothérapie de l’hôpital Aristide Le Dantec est sur toutes les lèvres et fait l’objet de posts sur les réseaux sociaux et de chronique dans les média. Si les profanes semblent étonnés et même parfois choqués, les initiés eux estiment que cette situation n’ a rien de surprenant. C’était prévisible, disaient-ils presque en chœur. D’autant plus qu’à plusieurs reprises, la machine est tombée en panne, laissant les malades dans le désarroi. Acheté depuis 1989 en deuxième main, l’appareil a évidemment servi pendant des années. Mais son heure a sonné depuis longtemps. Il était arrivé à un moment ou il était peut-être tout aussi malade que les patients qui étaient traités grâce à son utilisation.
Sauf que l’Etat du Sénégal et les acteurs de la santé ne semblaient pas s’en inquiéter outre mesure. Durant tout le temps que l’appareil est resté défectueux, on n’a jamais entendue l’une des deux parties soulever la questions. Ainsi donc, l’acquisition d’une nouvelle machine n’a guère été inscrite au rang des priorités. Il a fallu que Mamadou Moustapha Dieng, oncologue radiothérapeute de l’institut du cancer sonne l’alerte à propos de l’état de santé de la machine et de son utilité actuelle lors du lancement de « Octobre Rose » au mois de septembre. A cet effet, Dr Dieng déclare : « nous sommes largement sous équipés en matière de radiothérapie en Afrique noire. L’appareil du Sénégal est dépassé, il n’est plus utilisé dans les pays européens, mais il nous rend d’énormes services. Il se place dans l’arsenal thérapeutique et suppose qu’on doit l’entretenir et la rendre beaucoup plus performante. On peut faire le saut moderne et aller vers les appareillages modernes ».
Mesurant sans doute la gravité de la situation, il avait précisé qu’il fallait un autre appareil, puisque c’est une question de souveraineté de pouvoir traiter la totalité des malades de cancer dans son pays. Ce spécialiste ne semblait pas se poser des questions sur la ressource humaine, d’autant plus qu’il y a de quoi être rassuré. Par contre, son souci principal, c’est le matériel. « Mais parallèlement, il faut renforcer le plateau technique qui existe localement pour améliorer la prise en charge des cancers », affirmait-il.
Mais rien n’indique qu’il a été entendu. Malheureusement, quelques mois après, le scénario redouté s’est produit. La machine est tombée en panne. Le docteur, Serigne Fallou Samb qualifie cette situation de reniement. Sur sa page facebook, il a soutenu que l’amnésie des hommes politiques du pays est très préoccupante. « Ces hommes ne se nourrissent que de slogans, et n’ont de plan, que des milliards. Ils ont aucune vision, ni stratégie encore moins de politique cohérente. Comment expliquer cette pane de l’unité de radiothérapie de l’hôpital Le Dantec? Cette panne n’est que la partie visible de l’iceberg. Elle démontre l’absence de planification au sein du ministère de la Santé », se désole t-il. « Ce ministère est infesté de lobby affairistes incontrôlables qui sont mêlés dans toute sorte de scandale », a t-il dit.

Une machine de deuxième main, vieille de 28 ans.
Mais le problème est que la médecine n’est pas que scientifique. Ce qui fait qu’on ne parle plus de bon médecins mais de médecin outillé. « On est dans l’ère de l’évidence base médecine; l’ère du bricolage médical est désuète. La médecine, c’est une obligation de moyens et non de résultats. L’Etat a obligation de mettre à la disposition des médecins des outils de diagnostic et de prise en charge à la hauteur pour les populations. La panne de l’unité de radiothérapie est une faute lourde parce que prévisible. La machine est vieille et dépassée. L’Etat doit apprendre à sanctionner », recommande-t-il.
De son coté, un médecin qui a requis l’anonymat va plus loin. Pour lui, les priorités de l’Etat sont ailleurs. Il ne comprend pas pourquoi les autorités ont laissés les choses arriver à ce stade. « Nous avons toujours dénoncé la faiblesse du plateau technique. Mais on a préféré construire des centres de conférences, des trains express et organiser des conseils décentralisés à coût de milliards », a fustigé notre interlocuteur. Selon notre source, au delà de l’absence de radiothérapie, le Sénégal ne dispose que de deux radiothérapeutes. D’ailleurs, l’un était en formation. Du coup, l’offre est largement insuffisante pour faire face à la demande. « Nous manquons de tout au Sénégal. Il y a des blocs qui sont fermés et même des maternités. La maternité de La Dantec est fermée depuis 10 ans maintenant. Elle ne s’ouvre pas à cause du manque de matériel. Ce n’est pas sérieux », s’est-il indigné.
Le secrétaire général du syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames) estime que la situation est catastrophe. De son point de vue, on ne peut pas, dans un pays qui aspire à l’émergence, avoir certaines difficultés. « On ne peut pas comprendre un système comme le nôtre qu’on puisse pas mettre en place le matériel nécessaire pour la prise en charge adéquate des populations. C’est plus qu’une négligence. Dans la gestion de nos structures de santé, il est prévu des mécanismes de contrôle et de suivi des équipements afin qu’on ne puisse pas arriver à cette situation », fait remarquer Dr. Boly Diop. Pour lui, il y a des manquements à plusieurs niveaux qui ont fait qu’aujourd’hui, cet appareil est en panne. Dans un pays qui se respecte, dit-il, devant une situation pareille, les autorités devraient en tirer les enseignements et prendre leurs responsabilités.
Embouchant la même trompette, un autre médecin a exprimé son incompréhension sur la démarche de l’Etat. « On nous parle de couverture maladie universelle tout en laissant des malades mourir. L’Etat a financé à coût de millions le référendum, mais ne parvient pas à acheter une machines de 2 milliards de Francs Cfa. C’est honteux », c’est offusqué notre interlocuteur.

Par Abdourahmane DIALLO (Stagiaire)
(Source: EnQuête)

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