Par Ibrahima BAKHOUM

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«On n’attend pas d’être au gouvernement pour apprendre à gérer un ministère ». La remarque adressée en son temps par feu Iba Ndiaye Diadji, au ministre de l’Education nationale, Kansoubaly Ndiaye aurait pu, en d’autres circonstances être opposée au Président Macky Sall, lorsque le chef de l’Etat, cité par le quotidien l’Observateur, dans son édition d’hier lundi, avance une explication à ce qui se dessinerait comme un imminent remaniement de son gouvernement.
Le président de la République convoquerait des « orientations stratégiques –pas politiques du tout – (rapporte le journal) pour procéder à des rééquilibrages, redressements et correctifs inhérents à tout début de gestion ».

Pourvu que dans la tête du chef de l’Etat, « début de gestion » ne renvoie à novice dans la gestion. Le cas échéant, on demanderait à Macky Sall ce qu’il faisait dans les différents gouvernements de Abdoulaye Wade dont il devint même le chef, pendant quatre 3 bonnes années entre 2004 et 2007. Ce n’est pas tout. Certains de ses ministres, conseillers et autres partenaires dans la gestion ont été ou avec le régime libéral défunt ou avec les socialistes. Ces derniers et ceux de leur camp n’avaient d’ailleurs jamais laissé passer l’occasion de rappeler aux nouveaux venus de 2000, à quel point leur gestion était teintée d’amateurisme. Revenus au pouvoir, on pouvait s’attendre de leur part qu’ils fissent plus vite et mieux, dès l’entame, pour la satisfaction des besoins des populations. Sauf que le régime présidentiel, tel qu’il fonctionne dans notre pays, ne peut avoir qu’un comptable, en l’occurrence Macky Sall, depuis mars.

Le chef de l’Etat a quand même l’excuse du caractère hétéroclite de son équipe et du fait que dans les rangs, figurent des personnalités qui avaient postulé aux mêmes fonctions, ce que le peuple ne leur a pas accordé. Ont-ils renoncé pour autant à rebondir demain, dès que l’occasion (démocratique, souhaitons-nous) leur sera donnée de battre l’actuel locataire du Palais de la République ?

Quand les termes de la confrontation pour le pouvoir se présentent ainsi, comment ne pas reconnaître la légitimité de mesures destinées à mieux gérer les rapports présents pour envisager un second mandat en 2017 ? Le président de l’Apr n’en écarte plus le rêve. Il doit donc s’assurer que nul, dans le gouvernement, ne joue une partition à le gêner dans ses manœuvres pour l’avenir. Que ces personnalités manquent au rendez-vous de Macky et du peuple par incompétence ou par calcul politicien, le résultat resterait le même. Le président de la République a besoin de gagneurs. Il aurait donc déjà identifié les loosers du gouvernement. Voila qui ne pouvait attendre.

Macky Sall ne peut en outre et plus longtemps, faire l’impasse sur une réalité sociopolitique héritée des premiers gouvernements post indépendance. Le Président Senghor, repris plus tard par Diouf et Wade, avait toujours souci d’équilibrage régional dans la constitution des équipes. Les moins servis dans l’Exécutif étaient récompensés par la présence à l’Assemblée nationale ou dans les administrations publiques, aux fonctions les plus élevées.

Résultats présents, atouts à venir

Les différents redécoupages territoriaux qui ont donné naissance à d’autres régions (aujourd’hui 14 contre 7 sous Senghor) ne sont pas pour faciliter la tâche à un président de la République qui veut limiter au minimum (présumé) nécessaire, le nombre des membres du gouvernement, casse les agences spécialisées, met une chambre parlementaire entre parenthèses et veut faire plus dans la diplomatie avec moins d’ambassades. Tout cela aurait été plus facilement gérable si, pour le second tour de la présidentielle, le tombeur de Me Abdoulaye Wade n’avait dû s’appuyer sur autant de fortes personnalités politiques qu’il y a dans BBY. Sans parler des familles religieuses de plus en plus éclatées et tout aussi intéressées au partage du gâteau. On notera qu’au nombre des retouches annoncées, figurerait le retour à la récente formule de retirer l’organisation des élections aux services du ministère de l’Intérieur. Si cela se confirmait, Macky Sall jetterait une pierre dans le jardin de ceux qui ne voyaient « aucune pertinence » à créer un ministère uniquement chargé d’organiser des élections. Le président Abdoulaye Wade avait donc beau être « le seul au monde » à initier un département dans le genre de celui qu’il confia à Cheikh Guèye, sa trouvaille pourrait avoir finalement convaincu le nouveau pouvoir de l’intérêt à confier les élections à un ministère qui n’aurait que cela comme attributions. Retour à une formule fortement dénoncée par l’opposition d’avant mars 2012.

Il n’est toutefois pas dit que Macky Sall serait en train de marcher sur les traces de son prédécesseur et ex « père » politique. S’il retirait les élections au ministère actuellement dirigé par Mbaye Ndiaye pour les confier à une structure indépendante de type Ceni, il obtiendrait l’adhésion de franges importantes de l’opinion. Nombre de ses alliés dans le pouvoir avaient, en son temps, demandé l’institution d’une Commission Electorale Nationale Indépendante pour « crédibiliser » les consultations populaires. Cela parce que la confiance n’est pas la qualité la plus détectable dans les rapports tels qu’entretenus par les politiciens.

Réalisme politique ou coupable opportunisme ?

Pour populaire que pourrait avoir une telle initiative de création d’une Ceni, elle ne suffirait pas à permettre au président de la République de s’en tirer sans dommages. Macky Sall n’a pas fini de trouver des niches pour répondre aux sollicitations de ceux qui estiment lui avoir ouvert les portes du palais de la République. La Commission électorale répondrait d’autant moins à une telle demande de postes, qu’elle doit être indépendante par définition, dans ses moyens et dans son fonctionnement, ce qui exclut la possibilité de « récompenses partisanes ». Il est vrai que le président élu le 25 mars 2012 a déjà montré jusqu’où il pouvait ne pas faire trop attention aux principes d’indépendance d’institutions appelées à se mettre au-dessus des contingences politiciennes et autres coteries partisanes. Au moment de nommer, il y a quelques mois, un nouveau membre au Conseil Constitutionnel, le Chef de l’Etat avait clairement avoué au président Cheikh Tidiane Diakhaté qu’il proposait à l’Institution un « homme à lui » qui avait déjà été un de ses très proches collaborateurs dans les fonctions gouvernementales de Macky Sall, dans le régime de Abdoulaye Wade.

Des mois auparavant, le patron de l’Apr voyait dans le Conseil constitutionnel, le mal absolu incapable de dire « non à la candidature » du président sortant. Le déni d’indépendance n’avait jamais été aussi fortement exprimé, concernant les « 5 Sages ». Un tel rapport aux principes pourrait expliquer que demain, le gouvernement doive être élargi, loin de la promesse électorale immédiatement appliquée au tout début de l’équipe constituée par le Premier ministre Abdoul Mbaye. On avait déjà les prémisses d’un wadisme dans la spirale des nominations, depuis que la vanne mackyste a été ouverte pour arroser des parents, proches, amis, soutiens politiques et partisans. On ne compte plus le nombre des ministres conseillers du Chef de l’Etat.

Macky Sall a été rattrapé par la realpolitik. Les Sénégalais ne lui en tiendront pas rigueur si le déficit d’éthique politique est compensé par la « gouvernance vertueuse », encore et toujours promise dans la gestion des affaires publiques. Mais d’une concession à l’autre, la somme des compromis rapprocherait de préjudiciables compromissions.

sudonline.sn

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