Pétrole du Sénégal : Bénédiction pour le pays, malédiction pour Macky. Par chérif Ben Amar Ndiaye

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Les ressources minières d’un pays ne sauraient en elles-mêmes constituer une malédiction pour ses populations. C’est leur exploitation et leur gestion non orthodoxes, à l’encontre de l’intérêt général et à l’opposé des aspirations populaires, qui causent les malheurs que l’on observe dans beaucoup de pays pétroliers. Leur accaparement qui résulte de l’expropriation illégitime de ces richesses nationales par des dirigeants malhonnêtes et cupides, est très souvent la cause des révoltes et crises qui se produisent dans les pays producteurs. C’est ce qui semble se profiler dès l’entame des enjeux provoqués par les découvertes prodigieuses du gaz et du pétrole au Sénégal. Du délit d’initié au conflit d’intérêt, tout dans le processus d’attribution des licences d’exploitation, indique des velléités de tentatives malsaines d’intrusion de prises d’intérêt particulier ou partisan, au plus haut niveau de l’Etat et à caractère familial.
Tout d’abord, les raisons qui expliquent les départs successifs de la dame Nafy Ngom Keita de l’IGE et ensuite de l’OFNAC, sont révélatrices de l’implication des autorités en haut lieu, dans les nébuleuses du dossier pétrolier et gazier sénégalais. Les défenseurs du Président Sall, pour dédouaner leur mentor, nous répètent comme des perroquets que lorsqu’il est arrivé au pouvoir, la licence d’exploitation a déjà été donnée aux controversés complices Frank Timis et Aliou Sall, par Karim et le père Wade. On sait de manière irréfutable que ce décret des autorités sous Wade, n’a jamais été officialisé et ne respectait pas les termes du code pétrolier sénégalais. Wade est crédité d’un bon sens des affaires et n’avait donc pas voulu brader les intérêts du pays, Karim n’aimait pas Frank Timis qu’il considérait comme étant de la fripouille. Aujourd’hui ce dernier le lui rend bien. Au départ du Président Wade, on sait que le britannique Tullow Oil qui fut déclassé, est revenu à la charge pour attaquer le décret des Wade. Macky en bon renifleur du soufre pétrolier, s’est empressé de transmettre le dossier à l’IGE, espérant peut-être charger la barque de Karim à la CREI. Nafy Ngom après enquête lui recommandait l’annulation expresse et ferme du contrat signé par les Wade. Cette même annulation déclasse du coup les Timis. Macky les a remis dans le circuit. Le 19 janvier 2012, le Président Sall leur signe un décret d’attribution des licences d’exploration Saint et Kayar. Pourquoi ?
L’homme d’affaires plus que l’architecte et ami plus qu’intéressé des Présidents africains, au gré des successions ou alternances, Pierre G Atepa, nous affirme avoir présenté Aliou sall à Frank Timis qui lui a demandé de lui trouver quelqu’un pour ses intérêts pétroliers au Sénégal. De tous les experts et spécialistes en hydrocarbures que regorge le Sénégal, il n’avait trouvé qu’Aliou Sall journaliste et conseiller économique à l’ambassade du Sénégal en Chine, pour faire l’affaire. En fait, futé et d’une finesse d’esprit reconnue, il avait senti le pouls des perspectives électorales qui plaçait Macky comme étant le mieux à même de défaire Wade. Il aurait vraisemblablement donc dit à son ami Frank de parier et de miser sur Aliou Sall, inculte en matière pétrolière, mais très avantageux frère du très probable futur Président qui lui est expert en la matière. Aliou Sall mis sur pied son « Petro Tim Sénégal SAU » filiale de « PetroAsia » enregistrée aux iles caïmans. Un délit d’initié potentiel qui finira par être avérée, puisque Macky va passer outre les recommandations de l’IGE. Très certainement en toute connaissance de cause. Pour être édifié il suffit, au lieu de s’emmurer dans un silence coupable, de déclassifier le rapport de l’IGE avant la date du 19 juin 2012, date de la signature du décret marqué du sceau du diable.
Campons le décor et les personnages de la pièce théâtrale : Macky Sall President de la République, ancien responsable et ancien directeur de Petrosen ainsi que ancien Ministre des mines. Aliou Sall journaliste et conseiller diplomatique en chine. Frank Timis et Eddie Wang hommes d’affaires pas très vertueux qui interviennent dans la prospection et l’exploration pétrolière, en approchant malicieusement les entourages présidentiels africains. Rappelons que Frank Timis pour ses recherches au Libéria s’était approché opportunément de Robert Alvin Sirleaf, fils de la présidente Libérienne et ancien Directeur de la compagnie pétrolière nationale. Et enfin le réseau social linkdin.com nous apprend que Cheikh Tidiane Gassama, fils de Macky Gassama proche parent de Macky Sall, est lui « office manager » de Petro Tim Limited, une étoile de la galaxie interstellaire de sociétés gravitant autour de Frank Timis. On peut y ajouter un conseiller imprégné d’affaires pétro-gazières, Baba Diao, surgi de l’ombre récemment pour défendre Macky contre Abdoul Mbaye. Tous ces personnages se sont retrouvés comme par hasard autour des intérêts du pétrole sénégalais. Il n’y aurait rien de suspect ni de suspicion à avoir quant à un délit d’initié ou à un conflit d’intérêt. Ce serait simplement du « lebboo lippoon ».
Abdoul Mbaye vient récemment dans un argumentaire bien étayé et démonstratif, de nous fournir des preuves que les décrets signés par Macky sont «corrompus par de fausses informations ». En effet, Pétro-Tim limited a été créée 2 jours après les signatures en sa faveur des contrats de recherche et de partage de production(CRPP). De même que PetroAsia Ressources limited, société mère de la première (Petro-Tim limited) est elle aussi créée le 6 mars 2012 à Hong Kong. Ces sociétés n’ayant ni ressources financières conséquentes ni expérience éprouvée dans la recherche pétrolière, sont donc des « véhicules-remorques » qui ne répondent absolument pas aux critères et exigences du code pétrolier qui stipule : « Nul ne peut être titulaire d’un titre minier d’hydrocarbures ou d’un contrat de services, s’il ne justifie des capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les opérations pétrolières. » (Art 8-Loi 98-05/ 08 janvier 1998 portant Code pétrolier).
L’attelage ainsi monté devait être conduit pour se rattacher à un mastodonte dans l’exploration et la production pétrolières : Kosmos Energy. Cette mission aurait un but précis : La cession de titres pour récolter au passage des bénéfices financiers substantiels. D’où les questions persistantes posées à Macky : Etait-il au courant au moment de signer les décrets de la présence de son frère dans le dispositif de Frank Timis ? Quels sont les véritables actionnaires de Petro-Tim Limited ? Le mutisme méprisant de Macky frise l’aveu suggestif. Que l’Etat du Sénégal puisse traiter avec des intermédiaires sulfureux et non directement avec Kosmos Energy, semble douteux et perplexe. Ailleurs des procédés de ce genre ont révélé des financements occultes de campagne électorale. Est-ce le cas ? L’avenir est devant nos yeux comme disent nos amis ivoiriens.
La bataille judiciaire qui va s’engager, constituera le grand dénouement de cette affaire Petro-Tim. La bourde De Frank Timis qui a décidé de porter plainte contre des membres de l’opposition, est le piège qui va se refermer sur lui et sa bande. A Londres ou à Dakar, les dossiers seront enfin dépouillés, décortiqués et écumés. Les révélations se dévoileront au grand jour. Le tonitruant avocat Maître El hadji Diouf qui ne fait pas dans la discrétion mais dans la promotion de lui-même, sera sûrement le flambeau de la vérité qu’il allumera malgré lui.
Il semble que nos « ancêtres les gaulois » sont rentrés dans la dance, pour ouvrir une porte de sortie à Macky. La visite inopinée et expresse de Manuel Valls en serait la raison. Bien sûr ce serait pour entrer dans le jeu et abattre les cartes françaises qui sont présentées comme de meilleurs atouts pour une réélection mieux assurée de Macky. Le « Mackysallisme » a donc poussé Frank Timis à s’engager dans le combat judiciaire pour l’éjecter plus proprement et sans trop de dommages. Et ainsi permettre à Macky de casser les contrats et de les mettre les appels d’offre sur le marché. Le brillant argumentaire d’Abdoul Mbaye donne suffisamment de matières pour dénoncer les contrats signés en toute illégalité. En tout cas la démission d’Aliou Sall est un début de sortie de crise mais insuffisant. Il faut aller plus loin : Annuler les décrets qui représentent aujourd’hui des facteurs de spoliation du peuple sénégalais. Sinon Mr le Président, ce forfait de plus dans votre mandat qui risque plus que jamais d’être unique, vous sera fatal. C’est la malédiction qui vous guette vous-même et non le pétrole qui est une bénédiction pour le Sénégal.
Cherif Ben Amar Ndiaye
Kaadoubitimrew.com

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