Pétrole: que gagnera le Sénégal ?

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Pétrole découvert au Sénégal : les choses se précisent. Par Fada Ndao

L’opérateur écossais Cairn qui a découvert du pétrole, en association avec Petrosen, Far et Conocco Phillips (dont les parts ont récemment été rachetées par l’australien Woodside), au large de Sangomar à la fin de l’année 2014, a publié hier Mardi 16 Août, son rapport du 1er semestre. Cairn avait découvert deux gisements, SNE et FAN. Il est indiqué dans ce rapport que suite aux forages d’évaluation (qui servent à préciser la taille du gisement de pétrole) qui ont été réalisés durant l’année 2015 et début 2016, les réserves récupérables (appelées « réserves 2C ») pour le gisement SNE s’élèvent à 473 Millions de barils de pétrole. Ce qui correspondrait, d’après un calcul basique, sur une période de 20 ans, à environ 65000 barils de pétrole / jour soit environ l’équivalent de l’actuel production journalière d’un pays comme le Cameroun, 12eme producteur africain de pétrole.

Ces réserves récupérables ne sont en réalité qu’une partie (environ 40 %) du pétrole qui se trouve sous terre, car Dame Nature est comme ça : malgré toute la technologie du monde, elle ne vous donne pas tout et il devient, à un moment donné de la vie du gisement, trop coûteux de sortir le pétrole du gisement. D’où la notion de « réserves récupérables ». Une nouvelle phase de forages d’évaluation pour préciser la taille des réserves récupérables est prévue par Cairn, elle débutera fin 2016 / début 2017 et devrait aboutir probablement à une augmentation du volume des réserves récupérables. Peut-être arriverons-nous à un total de 500 à 550 millions de barils pour SNE. Je ne traiterai pas ici le gisement FAN qui n’a pas encore été évalué de manière précise, même si ses réserves 2C tourneraient environ à 900 millions de barils, soit deux fois la taille de SNE.

La question clé : que gagnera le Sénégal ?

Il s’agit là d’une évaluation que je tente. Et elle comporte beaucoup de conditions et sera sans doute fausse car je ne connais pas le futur, notamment le prix du baril qui change sans cesse, ni les changements fiscaux, ni le contenu détaillé du contrat entre Cairn, ses partenaires et l’Etat etc. Mais cette évaluation peut donner une idée et un ordre de grandeur plus ou moins fiable car je m’appuie sur des contrats pétroliers existants, des lectures spécialisées, une observation de ce qui se fait en général dans le monde pétrolier, les dispositions du code pétrolier sénégalais et les lectures de tous les rapports publiés par Cairn depuis fin 2014. Voici donc les conditions en question :

* Si on part de réserves récupérables de 550 millions de barils, avec une production qui débutera en 2022. Cairn, dans un document officiel, pense commencer la production entre 2021 et 2023.

* Si la production s’étale sur 20 ans, soit 75 000 barils jours. (Cairn prévoit pour l’instant, dans un document officiel) entre 50 000 et 100 000 barils / jours)

* Si le prix moyen du baril oscille autour 70 dollars (USD) à partir de 2022 et durant toute la période de production.

* Si Petrosen (la société nationale des pétroles du Sénégal) augmente sa part du capital dans son association avec les autres compagnies pour passer de 10 % à l’heure actuelle à 20 % comme le lui permet le code pétrolier. Cela l’obligera d’une part à participer à hauteur de 20% des investissements pour les opérations pétrolières (exploration + production) et lui permettra d’autre part de toucher 20 % des bénéfices nets, comme n’importe quel actionnaire d’une société où il y’a des associés.

* Si l’association des compagnies qui va exploiter le gisement se rembourse les frais d’exploration qui ont été investis de 2014 à 2022 (début de la production) + les coûts de production après 2022 en prenant pour elle environ 55 % de la production comme pourrait le prévoir le contrat pétrolier entre l’Etat et l’association des compagnies. On appelle « Cost Oil » cet argent destiné à rembourser les opérations pétrolières. Ce chiffre de 55% est une estimation de ma part basée sur les taux du cost oil fixés par le code pétrolier.

* Si la part du pétrole autre que le « Cost Oil », part que l’on appelle le « profit oil » et qui correspond aux 40 % restants hors remboursement, est partagé 50 / 50 entre l’Etat et l’association des compagnies. Généralement quand la production tourne autour de 75000 barils/jours, c’est ce ratio de 50 /50 qui est appliqué sur le profit oil pour le « partage de production » entre l’Etat et l’association de compagnies.

* Si l’Etat du Sénégal touche, dans le meilleur des cas prévus par le code pétrolier, environ 8 % de royalties (redevances), c’est à dire 8 % du montant de la production totale de pétrole.

* Si l’Etat touche 30% des bénéfices réalisés par l’association de compagnies. Ces 30 % correspondent à l’impôt sur les sociétés (IS) que toute société doit payer à l’Etat.

Je néglige volontairement d’autres postes de recettes comme la subvention à la formation (environ 200 000 dollars par an versés à Petrosen), ou encore le volet RSE (environ 150 000 dollars par an) destiné aux populations ou encore la location du périmètre pétrolier (15 dollars/km²/an sur le permis pétrolier). Ces rentrées sont importantes dans le rôle qu’elles jouent (formation, RSE) mais demeurent négligeables sur le long terme vu les volumes en question.

Ce qui donne, de manière très simplifiée :

Chiffre d’affaire/jour = 75 000 barils x 70 dollars = 5.25 Millions USD
Chiffre d’affaire/année = 5.25 millions x 365 = 1916 millions de dollars
Cost Oil/jour = 5.25 millions x 55 % = 2.88 millions USD
Profit Oil total/jour = 5.25 millions – 2.88 millions = 2.37 millions USD
Profil Oil de l’association des compagnies/jour = 2.37 millions x 50 % = 1.185 millions USD
Profit Oil de l’association des compagnies/année = 1.185 millions x 365 = 432,5 millions USD

Profit Oil de l’Etat/jour = 1.185 millions USD
Profit Oil de l’Etat/année = 1.185 millions x 365 = 432.5 millions USD
Royalties (redevances) de l’Etat /jour = 5.25 millions x 8% = 0.42 Millions USD
Royalties de l’Etat /année = 0.42 millions x 365 = 153.3 millions USD
Impôt sur les sociétés (IS) gagné par l’Etat sur le profit Oil annuel de l’association des compagnies = 432.5 millions x 30 % = 129.75 millions USD
Bénéfice net annuel de l’association de compagnies = Profit oil annuel – IS = 432.5 – 129.75 = 302.75 millions USD
Part annuelle de Petrosen (donc indirectement de l’Etat) dans le Cost Oil = 2.88 millions x 20 % x 365 = 210.24 millions USD
Dividendes annuels de Petrosen (donc indirectement de l’Etat) dans le bénéfice net = 302.75 millions x 20% = 60.55 millions USD
Dividendes annuels des autres compagnies (Cairn, Woodside, FAR) dans le bénéfice net = 302.75 – 60.55 = 242.2 millions USD

Total part annuelle de l’Etat = Royalties annuel + Profit oil annuel + Impôt sur les sociétés + Part de Petrosen dans le cost oil + Dividendes de Petrosen = 153.3 + 432.5 + 129.75 + 210.24 + 60.55 = 986.34 millions de dollars par an.

Ces 986.34 millions de dollars sont l’équivalent de 51 % du montant total du Pétrole qui sera produit. Cela revient à dire, si on part sur mes estimations, qu’environ 51 % du pétrole sous terre, découvert par Cairn, iront sous forme d’argent dans les caisses de l’Etat et 49 % dans les caisses des compagnies étrangères. Dans un pays comme l’Indonésie, la part finale qui revient à l’Etat est d’environ 75 %, 25 % pour les compagnies étrangères. Cette différence est due à l’expertise indonésienne, la qualité de leurs ressources humaines et de leur savoir faire financier, technique qui leur a permis progressivement d’augmenter la part totale revenant à l’Etat au cours des années. Le Sénégal doit donc à mon avis anticiper, renforcer Petrosen qui sera notre bras armé technique et financier dans l’association des compagnies, former des ingénieurs, des économistes de l’énergie, rapatrier les ressources humaines sénégalaises de qualité dans ce domaine où qu’elles soient dans le monde et surtout avoir une société civile vigilante qui veillera sur l’utilisation de l’argent qui sera ramené par le Pétrole. Car 986,34 millions de dollars c’est environ 573 milliards de FCFA. Si l’on rajoute au gisement de SNE, celui de FAN, découvert aussi par Cairn et qui semble être deux fois plus gros en taille, et que l’on repart sur la même hypothèse de calcul simplifié, on peut penser que FAN rapportera autour de 1150 milliards de FCFA soit un total FAN + SNE de 1723 milliards. Cela représente plus la moitié de l’actuel budget du Sénégal. Avec tout cet argent, nous pourrions réinvestir dans les énergies renouvelables qui sont la seule voie de salut écologique et économique sur le long terme, améliorer l’accès à la santé ( le budget du Ministère de la Santé est actuellement de 150 milliards), créer de nouvelles universités, faire moins d’importations et soutenir l’agriculture et la petite industrie/artisanerie locale, créer un fonds bloqué pour les générations futures, améliorer nos villes, promouvoir et financer la culture etc.

Le pétrole ne sera une malédiction que si nous en décidons ainsi. Il peut être une formidable opportunité pour les sénégalais d’aujourd’hui et de demain. Les dirigeants sénégalais actuels et futurs, ainsi que le peuple, ont le devoir de ne pas dilapider ce trésor géologique que la nature a mis des millions d’années à créer.
Fary Ndao
Ingénieur géologue

5 Commentaires

  1. Voila ce qu’on attend de ceux qui sont au pouvoir; clair, limpide et surtout transparent. Mais qu’est-ce-qui empecherait au gouvernement de proceder de la sorte. Mais la cachoterie, le flou entretenu autour du petrole de ce pays ne presage rien de bon. Dans ce pays, on discute de tout sauf du partage des ressources. Pourquoi les gens qui sont dans le regime en place sont les seuls a profiter des subsides de la nation. Croyez-moi si la lumiere n’est pas faite sur cette mane que Dieu a l’intention de tous les senegalais (Misericorde); ca va peter. Regardez autour, tous les pays ou le petrole est un malheur, un groupe d’hommes a voulu s’accaparer de tout au detriment des autres. Il est temps que l’on soit courageux dans ce pays et se dire des verites crues sans fards. Macky Sall est entrain de faire un « social ingenering » extremement dangeureux pour ce pays; les supputations et les protestations commencent a empester le contrat social….Milles fois attention. Ce pays est celui de Cheikh Ahmadou Bamba, Elhadj Malick, de Baye Niass. de Limamou Laye. Celui qui cherchera a le bruler sera brule lui-meme

  2. Panama Papers Afrique : Ces « amis » suspects d’Aliou Sall (Ouestafnews)
    Le Sénégal dans les Panama Papers, ce sont des liens qui mènent toujours vers le cœur du pouvoir. Autant les archives du cabinet Mossack Fonseca (MF) relient Karim Wade au scandale dit des « Panama Papers » à travers ses co-inculpés dans l’affaire des « biens mal acquis », autant ses relations d’affaires relient Aliou Sall, frère de l’actuel Président Macky Sall, à des détenteurs de comptes offshore aux pratiques douteuses, cités dans les mêmes documents.

    Panama Papers Afrique : Ces « amis » suspects d’Aliou Sall (Ouestafnews)
    Après une première série d’articles publiés le 03 avril 2016, l’équipe d’Ouestaf News, membre du Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ), continue son minutieux travail indépendant d’investigation qui s’appuie sur les millions de documents à la base de ces révélations.

    A la lumière de ces documents, Ouestaf News revient ici sur les « amitiés » du frère du Président Macky Sall qui, de journaliste à fonctionnaire dans une ambassade, est devenu en moins d’une décennie un magnat des affaires, grâce à ces « relations ».

    Parmi ses « amis » en affaires au passé trouble, l’un a pour nom Albert Cortina, actionnaire majoritaire de la Banque de Dakar ouverte en avril 2015 dans la capitale sénégalaise. Une banque qui, depuis son ouverture, fait jaser. L’autre s’appelle Frank Timis, patron de Petro-Tim Limited, dont la filiale Petro-Tim Sénégal, est active dans l’exploration et la recherche d’hydrocarbures au Sénégal.

    Points communs entre l’Espagnol et l’Australo-roumain ? Pour s’implanter au Sénégal ils se sont liés à Aliou Sall, le petit frère du Président Macky Sall. Allez savoir pourquoi ?

    Gérant de Petro-Tim, M.Sall est aussi « administrateur indépendant » de la BDK, pendant que d’autres pensent qu’il en est actionnaire. Ce qu’il nie vigoureusement.

    Frank Timis, l’habile manœuvrier

    Au milieu des années 90, cet homme d’affaires s’adresse à Mossack Fonseca pour enregistrer une multitude de sociétés offshore parmi lesquelles Castle Europa Ltd, Albion Holdings, Regal Group Service Inc. Cette dernière a été enregistrée aux Iles Vierges britanniques par le bureau de Mossack Fonseca à Hong Kong en 1996.

    Dans les registres on peut constater plusieurs mouvements dans l’actionnariat de Castle Europa où les parts ont migré vers Albion Holdings via une autre société dénommée Castle Partners à partir de 1997.

    Les fichiers de MF, consultés par Ouestaf News, renseignent aussi sur des liens entre Timis et le controversé homme d’affaires anglais, Chris Hudson. Ce dernier est le promoteur d’une fondation (Yarrow Foundation) secrètement placée au Panama par le cabinet MF. Il fait lui aussi face à des accusations d’évasion fiscale dans son pays.

    Joint par des confrères roumains, membres de ICIJ, Timis a reconnu avoir travaillé avec Mossack Fonseca, soulignant toutefois qu’il n’ya rien d’illégal dans sa collaboration avec le cabinet panaméen.

    Timis, un passé récent mais trouble

    Dans son pays d’origine, la réputation de Timis reste entachée par quelques « affaires ». Les confrères roumains membres de ICIJ rappellent son implication dans l’affaire de la mine d’or de Rosia Montana en Transylvanie (centre ouest de la Roumanie). Les 300 tonnes d’or que Timis et ses associés canadiens entendaient exploiter via un procédé axé sur l’usage de 12.000 tonnes de cyanure (connu pour ses effets néfastes sur l’environnement et la santé) s’est heurté à un refus populaire qui a précipité des milliers de Roumains dans les rues, à plusieurs reprises au cours de l’année 2013, des manifestations que certains médias ont qualifié de « plus importantes » depuis la chute du communisme.

    C’est cet homme d’affaires atypique, au passé trouble, qui va donner une opportunité à Aliou Sall, alors en poste à l’ambassade du Sénégal en Chine, de définitivement opter pour le privé.

    Présenté comme un « magnat » des mines, l’Australo-roumain, selon le magazine américain Forbes, était, en 2011, crédité d’une fortune d’un milliard de dollars.

    Depuis l’éclatement de l’affaire dit des Panama Papers, Timis et ses multiples affaires suscitent un regain d’intérêt. D’aucuns rappellent ses condamnations par deux fois en Australie pour détention d’héroïne.

    Aliou Sall connaissait-il le passé de cet homme au moment d’entrer en relations d’affaires avec lui. Interrogé par Ouestaf News dans le cadre de cette investigation, l’intéressé n’a pas voulu répondre.

    « L’homme (Frank Timis) sait nouer les bonnes alliances et annoncer les bonnes nouvelles dans un seul but : le profit », dit de lui le magazine spécialisé en informations économiques et financières, Financial Afrik. Les faits lui donnent raison : en dehors d’Aliou Sall, Timis, pour conduire ses affaires au Liberia, s’est aussi lié au fils d’Ellen Johnson Sirleaf, Alvin Sirleaf, souvent mêlé dans des histoires de corruption.

    Au Sénégal, si Aliou Sall ne fait l’objet d’aucun procès, diverses sources rapportent qu’il a été auditionné par l’Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac), tellement les supputations ne manquent pas sur son dos. Surtout à propos de l’affaire Petro-Tim. D’ailleurs, on ne peut manquer de s’interroger si le départ précipité de Mme Nafi Ngom Keita (qui occupait le poste de présidente de l’Ofnac) n’est pas lié à cette audition.

    Le départ inattendu de la dame a eu lieu au moment où les médias évoquaient le début des auditions sur l’affaire Pétro-Tim, après notamment le passage d’un membre du Forum civil, M. Birahim Seck.

    De toute évidence, l’enquête promise sur ce dossier par l’Ofnac (institution mise en place par le Président Sall pour, disait-il, promouvoir une gouvernance « sobre et vertueuse »), tarde à aboutir.

    Petro Tim, conflit d’intérêts ou délit d’initiés ?

    Si le passé de Timis entache si sérieusement la réputation de son « associé » sénégalais Aliou Sall, c’est surtout en raison de Petro-Tim qui formellement établit le lien entre les deux et qui suscite moult interrogations au Sénégal.

    Cette société a été officiellement créée le 7 juillet 2012 par Aliou Sall, comme une « société anonyme unipersonnelle », selon des informations disponibles sur le site du Bureau d’appui à la Création d’Entreprise (BCE), qui dépend de l’Apix (Agence chargée de la Promotion des Investissements et des grands travaux).

    Détail intéressant, Petro-Tim a été officiellement créé quelques mois seulement après l’arrivé de M. Macky Sall au pouvoir !

    Au Sénégal Petro Tim a été attributaire de deux permis de recherche pétrolière (sur les blocs de Cayar offshore et de Saint-Louis offshore profond), accordé par décrets N° 2012-596 et N°2012-597 signés par le président Macky Sall lui-même, en juin 2012, à peine trois mois après son accession au pouvoir.

    Par la suite Petro-Tim avait signé, un contrat de partage de production d’hydrocarbures avec l’Etat du Sénégal (qui détient 10% dans l’affaire contre 90% pour l’entité de Frank Timis).

    Deux ans plus tard, soit en juillet 2014, Petro-Tim a revendu 60% de ses parts à la compagnie américaine Kosmos Energy (qui a annoncé des découvertes de gaz et de pétrole au Sénégal) à hauteur de 200 milliards FCFA, selon un montant régulièrement avancé dans la presse locale et internationale.

    Dans cette transaction, font remarquer les experts, l’Etat du Sénégal via notamment, la Société des Pétroles du Sénégal (Petrosen), n’a pas fait prévaloir son « droit de préemption ». Pourquoi ?

    Les dernières révélations de l’inspecteur des impôts Ousmane Sonko, souligne aussi un autre problème lié à la nébuleuse Petro Tim : le fisc sénégalais aurait dû recouvrer dans cette transaction quelque 90 milliards FCfa qui n’ont jamais été déclarés.

    Toutes ces transactions ont fini de faire du dossier Petro-Tim une saga médiatico-financière inextricable, que même les experts ont du mal à démêler. Plusieurs non-dits entourent l’affaire, poussant quelques acteurs de la société civile à parler de « nébuleuse » et à réclamer des comptes. Il ne se passe presque pas de semaine sans que des Sénégalais protestent via les médias où les réseaux sociaux contre le « bradage » des ressources pétrolières et gazières du pays au profit du frère du Président.

    Curieusement le gouvernement n’a encore jamais éclairé l’opinion publique de manière convaincante pour faite taire ces accusations. Une seule fois le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne, lors d’une conférence de presse, en décembre 2014, a tenté de blanchir Aliou Sall à qui l’ex-Président Abdoulaye Wade prête d’être le détenteur des 30% encore détenus par Petro-Tim après la transaction avec Kosmos Energy.

    Officiellement, et selon le site du BCE, Petro-Tim est une « Société Anonyme Unipersonnelle » au capital de 10.000.000 FCfa, dont le gérant est M. Aliou Sall !

    En dehors de la controverse sur les transactions, l’implication de M. Sall dans la création de Petro-Tim pose un autre problème.

    C’est alors qu’il était fonctionnaire à l’ambassade de Chine qu’Aliou Sall rencontre Frank Timis qui lui dit qu’il cherche un « représentant » au Sénégal pour ses affaires. Aliou Sall se propose volontaire !

    Question : un fonctionnaire ou un diplomate envoyé par son pays pour le représenter peut-il conclure des relations d’affaires sans qu’il n’y ait conflit d’intérêt ? En poussant un peu plus loin, on peut s’interroger sur l’existence potentielle d’un délit d’initié. Seule la loi peut en juger. Pourvu encore que l’affaire soit portée en justice ou fasse l’objet d’une enquête indépendante. Ce qui n’est pas le cas pour le moment.

    Au ministère des Affaires étrangères, difficile de délier les langues. Le plus coopératif parmi les agents du ministère se contente d’évoquer des principes : « Il est formellement interdit de faire des affaires quant on est fonctionnaire, Nous sommes tous régis par le code des fonctionnaires, que vous soyez diplomate de carrière ou titulaire d’un contrat spécial ».

    Comme déjà indiqué, l’intéressé n’a pas voulu répondre à nos questions dans le cadre de cette investigation. Par contre, dans ses réponses à la presse sénégalaise, il a indirectement voulu faire croire que c’est sous le magistère de l’ex-Président Abdoulaye Wade que les blocs pétroliers ont été attribués définitivement à Petro-Tim. Nos investigations révèlent le contraire.

    Les décrets 2012-596 et 2012-597 ainsi que les documents portant création de l’entreprise attestent que c’est bien son frère Macky Sall, qui a signé le décret attribuant les deux blocs pétroliers !

    Autre curiosité dans cette affaire : Petro-Tim Sénégal (crée le 04 juillet 2012 à Dakar) est « née » avant sa « maison mère » Petro-Asia, une société offshore, incorporée le 11 juillet 2012 aux Iles Caïmans comme on pouvait le lire dans un document tiré du site web de Petro-Asia. (A noter que l’accès au site de cette entreprise a été rendu inaccessible depuis la publication de la première série d’articles sur les Panama Papers en avril 2016!) Qu’avait Petro-Asia à cacher ?

    Alberto Cortina et la Banque de Dakar

    Au-delà du très controversé Frank Timis, le petit frère du chef de l’Etat sénégalais, est aussi lié à Alberto Cortina, un homme d’affaires espagnol, également cité dans les Panama Papers avec son cousin Alberto Alcocer.

    Ce duo d’hommes d’affaires que les Espagnols surnomment « Los Albertos » sont présents dans les fichiers de Mossack Fonseca comme gestionnaires de plusieurs sociétés off-shore dont Swiss shipping Inc, basé dans les Iles Vierges entre 2005 et 2014 et aussi Northcroft Trading.

    En Espagne, les deux banquiers traînent une réputation de délinquants financiers notoires. Leurs noms sont étroitement liés à l’affaire « Urbanor » qui remonte à 1987 et que d’aucuns considèrent comme la plus grande fraude immobilière jamais connue en Espagne. Dans cette affaire qui n’a connu son épilogue qu’en 2014, les deux cousins furent finalement condamnés par la Cour suprême à payer 10 millions d’euros aux autres actionnaires d’Urbanor. Tandis qu’un premier jugement les avait condamnés pénalement à trois ans de prison ferme.

    En 1987, Los Albertos alors actionnaires majoritaires, cédaient des terrains (acquis dans le passé par Urbanor à 8 millions d’euros) au K.I.O (Kuwait Investment Office) pour la somme de 160 millions d’euros, cachant le montant réel de la vente aux autres actionnaires.

    Cette affaire qui a fortement entaché leur honorabilité a poussé les deux cousins à s’écarter de la direction de la Banca Zaragozano, en vendant leurs actions au britannique Barclays.

    C’est ce monsieur au passé trouble qui, à Dakar, est l’actionnaire de référence de la Banque de Dakar (BDK). Cet établissement, ouvert en avril 2015 ouvert dans la capitale sénégalaise, est géré par le holding Dakar Financial Group.

    Comme avec Petro-Tim, on prête à Aliou Sall d’avoir été au centre de l’installation de la BDK dans la capitale sénégalaise. Le petit frère du Président est d’ailleurs simplement présenté comme un des actionnaires de la BDK, ce qu’il continue de nier en affirmant n’avoir qu’un poste « d’administrateur indépendant » dans l’établissement.

    « Administrateur » à quel titre et contre quoi ? M. Sall n’ayant pas voulu répondre à nos questions, des sources proches de lui affirment qu’on lui promettait une part du capital de la société avant qu’il ne soit dissuadé de l’accepter par son grand frère. Vérité ou simple tentative de manipulation pour se donner bonne image? A quoi bon accepter les peines d’un poste d’administrateur déjà présenté comme « suspect », qui ruine une réputation, et en refuser les avantages ?

    Aliou Sall, du fonctionnaire à l’homme d’affaires

    Aliou Sall, c’est un journaliste qui a travaillé dans divers organes de presse privée ou publique du pays.

    S’il fait aujourd’hui parler de lui, c’est en raison de son ascension fulgurante dans le milieu des affaires qui, en moins de dix ans, a fait du journaliste un homme d’affaires qu’on retrouve au cœur du secteur pétrolier et gazier sénégalais, et au conseil d’administration d’une banque, grâce à ces solides liens avec des hommes d’affaires comme Timis ou Cortina.

    Ancien pensionnaire du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) entre 1993-1996, Aliou Sall a ensuite fait un passage à l’Ecole Nationale d’Administration de Paris (ENA), selon le site officiel de la Mairie de Guédiawaye.

    A son retour au Sénégal il intègre aussitôt la fonction publique au sein du ministère de l’Economie et des finances, selon ses anciens promotionnaires. A la même époque son frère Macky Sall (actuel Président du Sénégal) est au cœur du régime d’Abdoulaye Wade où il gravit vite les échelons pour se retrouver au sommet de l’Etat. Suivra l’affectation du jeune frère à l’ambassade du Sénégal en Chine.

    Entrée dans les affaires et conflits d’intérêts

    Sa carrière comme fonctionnaire de l’Etat sénégalais prend fin avec l’arrivée de son frère au pouvoir.

    Juste avant Petro-Tim (créée en juillet 2012), il a aussi créée le 15 mai de la même année une autre entité : African Stratégie Lamtoro. Il s’agit d’un cabinet spécialisé dans « l’ingénierie de projets », « la coopération internationale », « la stratégie d’investissement et de communication », « la gestion de portefeuilles », selon le site de la BCE. Cette Société anonyme a été mise en place un mois et demi après la prise de fonction de Macky Sall à la tête de l’Etat sénégalais. Même s’il a soutenu avoir « démissionné » de la fonction publique avant de s’engager dans les affaires, les dates de création des entreprises qui ont fait de lui un homme du secteur privé disent le contraire.

    Toute dernière curiosité dans cette affaire: entre le moment où Ouestaf News a envoyé ses questions à M. Aliou Sall et à la date de publication de cet article, certaines données (non du gérant, notamment ) ont comme par miracle « disparu » du site de la BCE. Comme ce fut le cas pour le site de Petro-Asia, après la première série des Panama Papers! Que veut-on cacher à travers ces manipulations de données déjà rendues publiques ? L’avenir nous le dira.

    Source: ouestaf.com

  3. Petrole au Senegal.Que gagnera le Senegal et surtout le peuple Senegalais???L Afrique est RICHE mais les Africains sont PAUVRE comment resoudre ce grand probleme??

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