Philosophie : S’achemine-t-on vers la fin des idées reçues sur les langues africaines ? Arame Fal, linguiste

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Philosophie : S’achemine-t-on vers la fin des idées reçues sur les langues

africaines ? Arame Fal, linguiste www.osad-sn.com

Au cours des années, on a pu comprendre à travers certains écrits de philosophes qu’il y

aurait « des insuffisances et des manquements » qui selon eux pourraient constituer des

entraves à la conception de traités de philosophie en langues africaines. On a ainsi parlé

de l’absence de verbe être, de l’étroitesse du vocabulaire, en particulier la pauvreté en

noms abstraits, de l’oralité etc. Dans ce contexte, l’annonce du philosophe Souleymane

Bachir Diagne de préparer avec ses collègues un ouvrage en langue wolof constitue une

rupture hautement appréciable. Une telle réalisation devrait contribuer efficacement à la

démocratisation du savoir. Dans les lignes qui suivent, il s’agira de voir où en est le wolof

à propos de ces questions de prétendus manquements et insuffisances.

  1. Il y a d’abord le problème du verbe être

On peut dire que le wolof a plusieurs verbes être.

  1. a) am : verbe d’existence

– li nga wax am na / li nga wax amul : « ce que tu dis est/ ce que tu dis n’est

pas »

am na gaynde guy nelaw ci nit ku nekk ci yéen « il y a (il existe) un lion qui dort

dans chacun d’entre vous»1

am na ñu yor kurus, ñee di waxtaan « il est des gens qui ont un chapelet,

d’autres sont en train de causer2»

  1. b) di et ses variantes y ~ doon : verbe d’identification

– mëneefu laa ñàkk, yaa dig noo, yaa di ndox, di dugub, « on ne peut pas être en manque

de toi, tu es le souffle vital, tu es l’eau, tu es le mil3»

nekk : peut être synonyme de am et di et variantes dans certains cas : yàgg nañu leen

wax ne pàrti politig pas-pas la jëkk a nekk, door a nekk kayitu juddu4.

– li ko njaatigeem tuumaal nekkul « ce dont son patron l’accuse n’est pas (n’existe pas).

1 Cheikh Anta Diop, Miti?, p. 19. 2 Séex Aliyu Ndaw, Singali, p.5. 3 Serigne Mbaye Diakhaté, Woy, recueil de poèmes, Ifan Ch.A Diop, Ndakaaru, 1998. 4 Cheikh Anta Diop, Miti?, p.8.

2 Précision sur di et ses variantes Di et ses variantes peuvent être des verbes ou des marques d’une action inachevée. Lorsqu’ils sont verbes, ils sont suivis d’un nom, comme dans les exemples yaa dig noo, yaa di ndox, di dugub. Lorsqu’ils marquent une action inachevée, ils sont suivis d’un verbe comme dans : mu di dox, di dox. Doon peut être le passé de di, marque d’une action inachevée comme dans : Xeet wi la doon dajale5 « il rassemblait le peuple », mais il peut être aussi un verbe, variante de di dans certaines conditions, notamment en fin de phrase : lii nga boq lu mu doon ? ; sa doom jigéen lay doon.

2) Les prétendus manquements au niveau du vocabulaire et des noms abstraits

Les moyens d’élargissement de la langue sont nombreux, avec une très grande

productivité : alternance consonantique, affixes, composition de mots etc. quelques

exemples : sàcc /càcc, liggéeykat, xel-ñaar… L’utilisation massive du wolof dans la

presse a ramené à la surface ou généré des formations comme jàmmoo « faire la paix,

taskatu xibaar « journaliste », daw-làqu « réfugié », jaa-jëfal « remercier ». S’y ajoute

que des suffixes comme –in, –aay, –te, eel, aange … forment essentiellement des noms

abstraits : mbégte « plaisir », weexaay « blancheur », doxin « démarche », pastéef

« détermination », nobeel « amour », naataange « prospérité », door « commencer »,

ndoorte « commencement ».

Pour ce qui concerne le langage scientifique, il appartient au spécialiste concerné de

proposer des traductions appropriées à sa discipline, sur la base de la langue générale.

C’est ce qu’a fait Cheikh Anta DIOP avec son article : Comment enraciner la science en

Afrique6. Le vocabulaire scientifique l’illustre savant a utilisé a été collecté et publié dans

Lexique scientifique bilingue français-wolof / wolof-français7.

L’oralité

Au début elle était là pour tous, mais au fil du temps, avec les progrès technologiques

certains peuples sont vite passés à l’écrit. L’Afrique, berceau de l’écriture ne doit pas se

complaire dans cette station d’oralité. C’est d’ailleurs ce qu’avaient compris certains

foyers religieux et aussi des érudits de toutes confréries du Sénégal, en produisant une

abondante littérature avec les caractères arabes ou wolofal. C’est vrai que la

5 Sëriñ Jóob, Bàkk Mbër Ñeel Séex Anta Jóob, p.11. 6 Comment enraciner la Science en Afrique : exemple walaf (Sénégal), in Bulletin de l’Ifan, série B, Tome XXXVII, n°1, 1975, pp.154-233. 7 OSAD 2013.

3 translittération de ces textes, initiée à l’Ifan Cheikh Anta DIOP avec des auteurs comme

Moussa Ka et Serigne Mbaye Diakhaté devrait être poursuivie dans toutes les universités

du pays pour les mettre à la disposition des utilisateurs francophones. Il y a aussi les

auteurs utilisant les caractères latins regroupés sous l’aile des pionniers qui ont créé en

1958, à Grenoble, le premier syllabaire de langue wolof Ijjib wolof. Parmi eux on trouve

des intellectuels francophones mais aussi des personnes non instruites en français mais

formées à l’alphabétisation. Les productions répertoriées sont d’une qualité et quantité

grandissantes. Au vu de tout cela, on peut dire que la littérature écrite ne se porte pas

mal.

En conclusion, le wolof n’est pas concerné par ces prétendus manquements.

Annexe / Softal

Théorie des Ensembles8 Ensembles équivalents Deux ensembles M et N sont équivalents si à un élément de M correspond un élément et un seul de N, et réciproquement. Le caractère commun à tous les ensembles équivalents est leur nombre cardinal (leur cardinal), leur puissance, c’est-à-dire le nombre de leurs éléments.

Faramfàcce Mboole yi9 Mboole weccikoo

Ñaari mboole M ak N weccikoo nañu, su fekkee ne doom boo jël ci M mën koo méngale ak benn doom kott ci N, te boo tukkee ci doomi N wuti yoy M, ba tey muy noonu. Màndarga mi mboole yu weccikoo bokk mooy seen limub dayo (seenub dayo), seen kàttan, maanaam seen doom yi, menn mu nekk ci ñoom.

8 Comment enraciner la Science en Afrique p.154-233. 9 Page 156 et début p.158, Xët 157 ak ndoorte 159.

11 Commentaires

  1. Merci Madame! La philosophie et la science peuvent s’élaborer dans dans les langues : c’est absurde de prétendre que les langues africaines sont impropres à la science. Le propre du langage humain c’est qu’il est perfectible à l’infini grâce à la double articulation. En ce qui concerne le Français on a longtemps, en France cogiter sur la question de savoir si le français était une langue d’élite, mais Joachim Du Bellay et Cie ont fini de prouver que le français était une langue capable de toutes les merveilles. Et puis toutes les langues ont des emprunts Ce n’est point chose vicieuse, mais grandement louable, emprunter d’une langue étrangère les sentences et les mots, et les approprier à la sienne. « Joachim Du Bellay. La langue français, comme langue étrangère ne nous mènera jamais au développement. Avec le français nos enfants vivent une rupture épistémique et un dépaysement à la fois culturel et psychologique :car ils apprennent à parler dans d’autres langues jusqu’à l’age d’aller à l’école. Et puis, subitement ils sont plongés dans un univers de consonance et de sens nouveaux ! Les gens ont peur par ignorance : le langage humain est perfectible, il se renouvelle sans cesse et la preuve nous est donnée par le nouveau lexique introduit par les progrès scientifiques. Il ne faut d’ailleurs jamais oublié que même en français beaucoup de concept enseignés en philosophie sont passés tels quels du grec ou du latin original au français

  2. La philosophie et la science peuvent s’élaborer dans toutes les langues : c’est absurde de prétendre que les langues africaines sont impropres à la science. Le propre du langage humain, c’est qu’il est perfectible à l’infini grâce à la double articulation. En ce qui concerne le Français on a longtemps, en France, cogité sur la question de savoir si le français était une langue d’élite, mais Joachim Du Bellay et Cie ont fini de prouver que le français était une langue capable de toutes les merveilles. Et puis, toutes les langues ont des emprunts « Ce n’est point chose vicieuse, mais grandement louable, emprunter d’une langue étrangère les sentences et les mots, et les approprier à la sienne » Joachim Du Bellay. La langue française, comme langue étrangère ne nous mènera jamais au développement. Avec le français, nos enfants vivent une rupture épistémique et un dépaysement à la fois culturel et psychologique : car ils apprennent à parler dans d’autres langues jusqu’à l’âge d’aller à l’école. Et puis, subitement ils sont plongés dans un univers de consonance et de sens nouveaux ! Les gens ont peur par ignorance : le langage humain est perfectible, il se renouvelle sans cesse et la preuve nous est donnée par le nouveau lexique introduit par les progrès scientifiques. Il ne faut d’ailleurs jamais oublier que même en français beaucoup de concept enseignés en philosophie sont passés tels quels du grec ou du latin original au français

  3. Depuis des décennies nous ergotons dans divers séminaires pour parler des enseignements en langues nationales, or jusqu’à présent je n’ai vu ni entendu nulle part des gens parler ces langues Les peuples qui ont leurs langues propres depuis des millénaires propres on les connait, dans le monde. En inventer une pour en inventer en se servant de l’alphabet des autres langues écrites connues, ne me parait pas pertinent.

  4. Etant parmi les depositaires de la pensee africaine heritee des egyptiens anciens avec l ouverture des universites aux etrangers entreprise par le souverain Psamellemus justement apres la Fin du regne des autochtones africains -632 jc ,suivi de la Grande Migration Vers le Süd Sa-ha-ra : Emigration Mana
    les Premiers penseurs grecs Socrates,Platons vehiculaient aussi des idees recues et apprises en terre africaine
    La Philosophie ou hiro-sofi en egyptien ancien est une pensee née de l eveil de la conscience appellé Maat .
    La translitteration des ecritures ancienne s nous montre avec certitude l anteriorité de nos langues Par rapport aux idees recues generalement homologuees Par beaucoup de nos penseurs qui perpetuelle Ainsi les erreurs par devoir et non Par conviction .

  5. @ maïmoune, ton ignorance de l’histoire de l’écriture nous montre tout le mal de l’enseignememt que nous avons reçu. Cet alphabet que tu penses comme étant celui des autres, sort directement du génie Africain. Nous avons bcp de pseudo-intellos, qui avalent bêtement et sauvagement tous ce qu’on leur a enseigné, comme s’il s’agissait de vérités révèlées. Vas lire Cheikh Anta Diop, Obenga, Jean Phillipe Omotundé….avant de raconter des enfantillages.

  6. L Afrique berceau de la civilisation , etait le lieu d emergence de la parole donnée durant la Periode proto-saharienne ou 70 nations ont adopté une langue Commune
    appellée Ne-t-jer ou La Septante , la langue monosyllabique ou chaque lettre a une signification . Cette langue qui est dite originelle etait nee pour resoudre des Problemes astronomiques et qui dit astronomie parle de la science du nombre . Le Sa-ha-ra etait verdoyant er l Homme n avait pas maitrisé la technique de forage , les fleuves constituaient un refuse s?r . Nos ancetres ont Cree la confederation de l alliance des peuples chasseurs-pecheurs-cueilleurs Ma-na-ta ou Ta-ma-na avec Principe trinitaire :
    Maa

  7. L orarite africaine reposait sur un Principe appellé : Principe. du Sa-ha-ra (Corps , âme , Esprit ) ou Principe des peuples anciens ou Parole =ecriture =nombre .
    Connu dans nos vocables , Si-ki-t-ho-té en sunu-nke , Dia -haran en Wa-laf :
    Dia fi = Dia fé = Dia dieuf (la constante)
    en sunu-nke ex Safer =safar = jê-re ( constante en ancienne origine)
    Wassalam

  8. Nous pouvons ainsi determiner la Chronologie africaine en Egypte Antique et surtout le Debut du mythe Fondateur du peuple de la Barque Solaire : Sunu-gal .
    CES proto-sumeriens Par exemple
    Sou-ma-rê bour Gal-am

  9. Contrairement aux idees repandues , fausses et sterotypées :
    Le Sunu-gal est un nom theophore , né de la croyance â la Barque ou Pirogue Solaire de Wadji . Par exemple
    Wadji moy sunu-Wadji-Ur -3000jc .
    Râ-gal = croyance
    Lettre ouverte aux pourfendeurs de l Afrique .

  10. On dit Râ-gal Ya-la (croyance â Dieu )
    Râ =Soleil en Egypte Antique
    Le vocabulaire n est pas seulement le fait d emprunt ou du Hasard , Car en ancienne origine la parole etait Regie par une constante . Constante =nombre
    Jê-Rê en sunu-nke et Dieuf en Wa-laf …
    Wassalam

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