Pierre 1er, Prince de Karabane – Par Madiambal Diagne

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Pierre Goudiaby Atepa est un parfait symbole de la réussite et du sens de l’initiative. L’homme est parfaitement décomplexé, pétri d’audace et il gère ses affaires en «bon père de famille». On ne peut manquer de nourrir du respect, voire même de l’admiration pour un tel homme. Mais Sénèque enseignait «qu’en toutes choses, l’excès est un vice». Atepa pèche parfois par un trop-plein d’impétuosité qui peut friser la frime. Il faut franchement avoir  du culot à revendre pour «Oser» (Ndlr : Le titre d’un livre de Pierre Goudiaby) clamer, à la face du monde, travailler à créer un paradis fiscal quelque part dans le monde !

Pierre Goudiaby Atepa a révélé, dans les colonnes du journal L’As du 6 avril 2016, son projet de créer un paradis fiscal dans l’île de Karabane, une perle au large de sa Casamance natale. D’aucuns en ont ri, considérant la chose comme une nouvelle lubie de l’indécrottable Atepa. Il avait annoncé, dans les colonnes du journal Le Quotidien, la création d’une usine de production de sucre en Casamance, pouvant générer plus de 8000 emplois directs et des milliers d’emplois saisonniers. Pierre Goudiaby disait avoir trouvé les partenaires américains à Bâton Rouge (capitale de l’Etat de Louisiane aux Etats-Unis) et que plus de 200 millions de dollars devraient être injectés dans le projet. Il ne parle plus d’un tel projet. Au moment où il nourrissait une ambition présidentielle, à l’orée de l’élection de 2012, il promettait 5 000 ordinateurs portables aux étudiants de Dakar. Ces étudiants attendent encore à l’instar de 12 000 autres étudiants du Tchad inscrits dans un projet similaire.
Seulement, la nouvelle idée d’un territoire «offshore» à Karabane n’est pas drôle et la question est suffisamment sérieuse pour ne pas être traitée par dessus la jambe. Aussi, quand on sait que l’homme a de la suite dans les idées, on devrait se demander si déjà, il n’y a pas certaines opérations d’acquisition foncière dans cette belle île où il détiendrait déjà une propriété.
On aurait pu cependant croire que l’annonce est faite comme un contre feu aux révélations des «Panama Papers» qui citent le célèbre architecte parmi les fortunes sénégalaises détenant des avoirs au Panama. Pierre Goudiaby a montré une maquette du futur siège des opérations sur ce futur territoire «offshore» et a affirmé qu’il a déjà «parlé de ce projet au Président Macky Sall». Il ne dit certes pas la réponse du chef de l’Etat, mais on peut augurer que Macky Sall ne l’en aurait pas dissuadé, d’autant que Pierre Goudiaby soutient que «des équipes travaillent sur le projet». Aurait-il continué à cultiver ce jardin de «Paradis fiscal à Karabane» si le Président Sall l’avait freiné ?
Il est donc fortement attendu une clarification de la position des autorités de l’Etat du Sénégal sur la question, d’autant que l’affaire présente beaucoup d’intérêt pour les médias internationaux dans un contexte où la question des paradis fiscaux attire la curiosité des journalistes et du public.
En effet, nous lisons dans le journal L’As que «dans un document (le journal détient copie) qu’il a rédigé et intitulé «L’île de Karabane, de la zone franche à la principauté : l’ambition d’édification d’un espace libéral», il (Pierre Goudiaby Atepa) fait la promotion de Karabane comme Principauté à l’image de Monaco, de Andorre, du Liechtenstein, de Sealand, de Hutt River, etc. Le célèbre architecte indique que la Principauté de Karabane pourrait être une première en Afrique et présenterait tous les attraits et attributs pour cet espace de libéralisme total sans contrainte perturbatrice des réglementations rigides de l’Etat-nation et du gardiennage bloquant, des sociétés  civiles ou autres groupes de pression».
Qui dit Principauté dit l’existence d’un Seigneur souverain au-dessus de ses sujets. Est-ce une forme d’organisation acceptable dans un Etat unitaire comme le Sénégal, et surtout dans un pays où la forme républicaine de l’Etat et le principe de l’intégrité du territoire national demeurent intangibles ? Pierre Goudiaby n’a pas choisi d’installer «sa» Principauté à l’île de Ngor, l’île de Gorée ou à l’île de la Madeleine. Son choix ne semble pas fortuit. Il songe l’installer en Casamance, ce qui rendrait son initiative encore plus suspecte. Qu’est-ce qu’on n’a pas prêté, à tort ou à raison, à Pierre Goudiaby Atepa depuis l’éclatement en 1981 de cette affaire de l’irrédentisme ou de séparatisme en Casamance ?
Le Gouvernement du Sénégal n’a pas le droit de faire une simple moue devant un tel projet. Le promoteur écrit : «Ce serait un espace offshore qui garantirait le secret bancaire à toute épreuve, faciliterait la création de sociétés, avec des fiscalités appropriées et une très faible supervision des autorités publiques ou financières. La Principauté de Karabane pourrait réunir toutes ces conditions de souplesse, de flexibilité, de libre marché.»
Le Sénégal a signé à Paris, le 4 février 2016, la Convention multilatérale de l’Ocde. Ladite Convention prévoit toutes formes d’assistance administrative en matière fiscale : échange d’informations sur demande, spontané, automatique, contrôles fiscaux à l’étranger, contrôles fiscaux simultanés et assistance en matière de recouvrement des créances fiscales. En signant la Convention, le Sénégal a franchi une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, après avoir rejoint, en 2012, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements. Comment le Sénégal peut-il laisser prospérer l’idée de création d’un  territoire d’évitement fiscal ? C’est connu de tout le monde, «les paradis sont réputés pour encourager l’évasion fiscale, des règles laxistes ou le contournement des règles et contribuer à l’augmentation des inégalités dans le monde (Roger Brunet les qualifie d’«antimonde» pour montrer que tout y fonctionne «à l’inverse des règles respectées ailleurs» et qu’ils peuvent aller contre les intérêts du reste du monde)».
Les pays d’Afrique sont assez victimes de telles pratiques. Le phénomène est vaste. Il faut retenir que les fameuses révélations des «Panama Papers» ne concernent que ce seul paradis fiscal et un seul cabinet d’avocats, en l’occurrence Mossack Fonseca, parmi des milliers d’autres cabinets spécialisés dans les mêmes pratiques. On peut augurer que ces révélations constituent l’arbre qui cache la forêt. De toute façon, au Sénégal, on peut considérer qu’il n’y a  encore rien de nouveau, car les investigations des journalistes sénégalais avaient déjà mis le doigt sur certaines révélations des «Panama Papers». A chaque fois, les journalistes étaient stigmatisés, caricaturés et étaient présentés comme étant à la solde des adversaires politiques des personnes mises à l’index.  La France par exemple, par la voix de François Hollande, a décidé d’ouvrir des informations judiciaires sur les révélations concernant ses ressortissants et son ministre de l’Economie et des finances, Michel Sapin, a assuré que le fisc prendra des actions pour «appréhender tous les revenus fiscaux évadés». En effet, tout titulaire d’un compte à l’étranger à l’insu de l’Administration fiscale de son pays est passible d’évasion fiscale. De tels revenus non déclarés sont inconnus du fisc de son pays et leur découverte assoit ipso facto l’infraction de pratiques d’évasions fiscales. Il n’y a aucune excuse pour les personnes qui ont dissimulé, à leurs pays respectifs, leurs comptes bancaires à l’étranger. Au Sénégal, la législation leur impose d’ailleurs de recueillir l’autorisation du ministère de l’Economie et des finances pour ouvrir un compte à l’étranger et tous les revenus gagnés à l’étranger doivent être déclarés au fisc national et les impôts afférents payés. L’exemption de paiement de tels impôts n’est possible qu’au cas où le pays, dans lequel les ressources se trouvent domiciliées, aurait signé avec le pays du contribuable une convention de double imposition. A ce que l’on sache, le Sénégal n’a pas signé une telle convention avec le Panama, Monaco ou les îles vierges britanniques, entre autres.

Madiambal Diagne

4 Commentaires

  1. Et pourtant contre toute attente et apparence l’idée de Mr Atepa comme en occurrence la votre se défendent et se comprennent parfaitement.Toutefois, attirer au Sénégal les grands capitaux dormants du monde qui afflueront de partout, pourrait servir de levier financier partiel au développement .La nature a horreur du vide Aussi, il faudrait comme vous le dites à juste propos éviter les excès d’un coté comme de l’autre.Et si Pierre avait raison quant au meilleur pour notre pays et l’Afrique? Sans aucun doute il y aurait lieu de réexaminer avec réalisme cette éventualité
    somme toute légale

  2. Panama Papers: pourquoi l’Islande ?

    L’aspect le plus singulier du scandale des « Panama Papers » de la semaine passée a été l’apparition du Premier Ministre islandais Sigmundar Gunnlaugson parmi les « vilains méchants » préférés de l’Occident, le Président russe Vladimir Poutine et le Président syrien Bachar al-Assad.

    L’Islande atteint rarement les gros titres mondiaux, et pour la plupart des gens c’était la première fois qu’ils ont pu voir le Premier Ministre de ce pays. Il y a une bonne raison au désintérêt entêté des médias corporatistes à l’endroit de l’Islande ces dernières années: le pays s’est remis de la crise financière en emprisonnant 29 banquiers corrompus de haut vol, et a refusé de payer les détenteurs de titres étrangers depuis que la crise financière de 2008 a dévasté son économie.

    L’Islande y est arrivée parce qu’elle avait le contrôle de sa propre monnaie, et un gouvernement doté de suffisamment d’orgueil national pour oser braver les puissances financières établies.

    Les Marxistes ont souvent fait la différence entre deux types de capitalistes – la bourgeoisie nationale (une classe de capitalistes liés aux industries domestiques), et la bourgeoisie des compradors (du portugais colonial signifiant « acheteur », autochtone fondé de pouvoir d’une firme étrangère, NdT), liés à la finance internationale. Bien que le schéma soit loin d’être complet, il est possible d’arguer que cet antagonisme entre classes soit ici en action. La bourgeoisie nationale sous Gunnlaugson entre en conflit avec les élites de compradors du capitalisme financier mondialisé.

    En fait, Gunnlaugson est lui-même une incarnation de cette contradiction. Il s’est sciemment engagé dans des transactions financières offshore comme un cadre financier avide de profits tout en défendant noblement, par contraste, la souveraineté nationale de l’Islande et l’avenir économique de ses quelques 300 000 citoyens, en disant aux détenteurs de titres étrangers de faire leurs valises!

    Gunnlaugson se tient précairement entre ces deux chaises, et sa réaction est également un indicateur du jeu auquel il est contraint de jouer malgré lui. Il n’a pas démissionné mais a demandé a son collègue Sigurdur Ingo Johanson de prendre sa place pour « un laps de temps indéfini ». Pendant tout ce temps, la presse internationale affirme à tort que le Premier Ministre islandais a « démissionné », qu’il a « abandonné le pouvoir ».

    La presse internationale a reconnu que Gunnlaugson n’avait enfreint aucune loi, donc techniquement parlant il n’y a pas de raison pour qu’il démissionne. Son épouse et lui plaident que leur entreprise offshore (Witris) était déjà déclarée en mars de cette année – un fait qui n’est pas réfuté par le « Consortium International de Journalistes d’Investigation » (ICIJ, International Consortium of Investigative Journalists, NdT) financé par Soros et USAID. Gunnlaugson a de toute évidence décidé que, en plaçant temporairement l’exercice de ses fonctions entre les mains d’un autre ministre, il peut désamorcer la mobilisation massive contre lui dans les rues.

    Les médias islandais nous ont dit que les manifestations avaient déjà « été prévues avant la publication des Panama Papers ». Étant donné le fait que le financier international et sponsor de « révolutions colorées » George Soros est l’un des principaux mécènes de l’ICIJ, il ne faut pas être surpris que les manifestations en Islande aient été prévues depuis longtemps.

    Car s’il y a une sorte de gouvernement que les compradors capitalistes internationaux comme Soros détestent, c’est bien le gouvernement islandais de Gunnlaugson. Si le monde avait suivi leur exemple après la crise financière de 2008, des millions de personnes auraient pu conserver leurs maisons, leurs emplois et une modeste dose d’espoir social aurait pu remplacer l’austérité invalidante; et ce n’est pas ce que veulent les vautours capitalistes comme Soros et son engeance!

    L’importance stratégique du Cercle Arctique

    Il y a aussi des enjeux géopolitiques ici. Depuis la fermeture de la base aérienne US d’Islande en 2006, le pays nordique s’est rapproché de la Russie et tout particulièrement de la Chine. L’Islande est le seul pays européen à avoir signé un traité de libre échange avec la Chine. La Chine a l’intention de se servir de la route maritime du Cercle Arctique pour alimenter l’Europe avec des biens d’exportation. Cette route maritime a déjà été testée avec succès par la Chine, et la nouvelle voie commerciale fera de l’Islande un nœud commercial majeur pour le commerce chinois.

    Le « Royaume du Milieu » entend aussi obtenir un siège au Conseil de l’Arctique. Avec plus de 13% du pétrole et 30% du gaz naturel mondiaux, le Cercle Arctique devient de plus en plus un sujet de rivalité géopolitique entre les USA et la Russie. En 2013, un haut fonctionnaire de l’administration Obama a dit au New York Times que:

    Nous voyons le Cercle Arctique comme un bien commun mondial; il semble que ce ne soit pas le cas des Russes.

    Pour démontrer son respect pour les « biens communs mondiaux », les militaires US sont revenus en Islande en 2016!

    Guerre diplomatique avec l’UE

    Bien que cela n’ait presque pas été couvert par la presse européenne, il y a eu une guerre secrète autour de l’accès aux réserves de poissons dans les eaux des Îles Féroé et de l’Islande. Le gouvernement islandais a accusé Bruxelles de mener une guerre contre la souveraineté nationale de l’Islande; ils ont récemment publié la déclaration suivante:

    Ces derniers mois l’Union Européenne (UE) a mené une campagne toujours en cours de menaces de mesures coercitives contre l’Islande et les Îles Féroé dans le but d’obtenir des avantages dans des négociations multilatérales sur la gestion de stocks de poissons partagés. Cette conduite est en infraction de diverses obligations découlant de la Convention des Nations Unies sur la Loi de la Mer et du droit international en général, en particulier au regard de l’obligation des états côtiers à convenir ensemble de mesures garantissant la protection et le développement d’un stock commun. De plus, de telles mesures ne seraient pas en accord avec les obligations de l’UE vis-à-vis de l’OMC ou, pour ce qui est de l’Islande, des accords de l’EEE (Espace Économique Européen).

    Forcer les pays à brader leur souveraineté nationale a toujours fait partie de la politique de l’UE. Quand l’Irlande a rejoint l’UE en 1973, le pays a été contraint de remettre son industrie de pêche aux autorités européennes. Tandis que les propagandistes de Bruxelles aiment affirmer que Bruxelles a financé les infrastructures irlandaises, la réalité est que de 1975 à 2010, la valeur de plus de 184 milliards d’euros de poissons a été pillée par l’UE hors des eaux irlandaises, alors que la contribution nette de l’UE en faveur de l’Irlande, pour approximativement la même période, a été de 41 milliards d’euros. (Pour davantage d’informations sur cette évaluation par Nigel Farage, voir ici)

    L’UE doit encore 120 milliards d’euros à l’Irlande. La propagande de l’UE a beaucoup travaillé pour faire croire au peuple irlandais que l’UE avait financé l’Irlande, alors que c’est l’Irlande qui a financé l’UE. L’Islande se bat désormais pour sa souveraineté face à une UE de plus en plus agressive, sous le contrôle d’oligarques financiers comme George Soros.

    L’interdiction du porno et des importations israéliennes

    L’indépendance de l’Islande en a également fait un ennemi de la mafia sioniste mondiale. En septembre 2015, Israël a averti l’Islande de « répercussions négatives » suite à sa décision de boycotter les produits israéliens. La presse israélienne a elle aussi exprimé son indignation à propos de la diffusion de chants de Noël jugés « antisémites » sur la radio publique nationale. La décision de l’Islande d’interdire la pornographie en 2013 lui a fait des ennemis puissants dans l’oligarchie mondiale. Selon le Professeur juif en Histoire Américaine de l’Université d’Aberdeen Nathan Abrams, les Juifs dominent l’industrie mondiale de la pornographie. L’érudit juif plaide même que l’implication juive dans la pornographie fait partie d’un effort visant à subvertir la culture chrétienne.

    Des sociologues comme le Dr. Judith Reissman ont argué que la pornographie est une forme de contrôle social. En 2013 un programme « d’éducation sexuelle » a été introduit dans les écoles croates. Le programme repose sur des « recherches » du Dr. Alfred Kinsey – un pédocriminel psychopathe qui violait et torturait obsessivement et à répétition des enfants d’un âge aussi jeune que quatre ans. Le programme « d’éducation sexuelle » dirigé par des pédocriminels a reçu un financement de la part de la Fondation Soros. Mais évidemment aucun de ces crimes réels, ni leurs réseaux de tarés dans l’establishment politique occidental, ne subiront d’enquête de la part de l’ICIJ, financé par Soros.

    Peut-être Gunnlaugson est-il coupable de dissimulation et de malhonnêteté en ce qui concerne ses finances personnelles; mais ce ne sont pas là ses vrais crimes. Le gouvernement islandais a démontré une résistance modeste face à l’oligarchie mondialiste en assumant sa souveraineté nationale, en célébrant ses traditions religieuses et culturelles, en dénonçant le génocide du peuple palestinien et en protégeant les enfants islandais des abominables prédateurs du capitalisme financier. Voilà leurs vrais crimes.

    Gearoid O’Colmain
    traduit par Lawrence Desforges

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