Portrait de Serigne Mansour Sy «Djamil» : Une vigie… Fass à Wade

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Serigne Mansour Sy Djamil, 63 ans, est un marabout doublé d’un intellectuel connu pour son franc-parler et ses critiques sans concession à l’endroit du régime de Wade. Il vient de créer, à l’instar de Bara Tall et Youssou Ndour, un mouvement social et citoyen pour «remettre le pays sur les voies de la bonne gouvernance».

Le constat est détonant. En débarquant chez Serigne Mansour Sy «Djamil» (beau en arabe), on s’attendait plutôt à rencontrer un homme concupiscent, vautré dans son palanquin, entouré de talibés zélés. Rien de tout cela. Le fils aîné de Serigne Moustapha Sy et petit-fils de Serigne Babacar Sy, flanqué d’un Djellaba, rendu plus majestueux par un bonnet rouge sur la tête, est d’un commerce facile. Aucune rigueur protocolaire. En présence de son jeune frère, Cheikh Oumar, cet homme jovial, polyglotte à la voix voluptueuse, reçoit dans un modeste salon de la demeure familiale nichée dans le populeux quartier de Fass. Le décor est sobre. Sur les murs du salon sont accrochés les portraits de la famille (Rokhaya Ndiaye, l’épouse de El Hadji Malick Sy, de Serigne Babacar Sy).
D’une noirceur peu prononcée et d’un embonpoint sans ostentation, le visage de l’homme est dominé par des joues un peu proéminentes avec des fossettes que ses sourires mettent davantage en exergue. Son nez est d’un modelé assez net. Sans être d’un physique d’un lutteur de Fass, Mansour Sy affiche cependant une corpulence assez généreuse.
Derrière l’apparence doucereuse, se cache un factieux. Connu pour ses prises de position à l’endroit de Me Wade et son régime, Mansour Sy «Djamil» se démarque de cette race de chefs religieux qui préfèrent les lambris de la cour royale. Il assène ses vérités sans détour. Dans un document paru dans L’Observateur du jeudi 3 avril 2010, et intitulé Sénégal, demain un autre pays : manifeste citoyen pour la refondation nationale, Mansour, comme l’appellent affectueusement ses proches, dresse un réquisitoire du gouvernement de l’Alternance. «Depuis de nombreuses années, le Sénégal connaît une mal gouvernance, lit-on. (…) Non seulement les institutions ont été déstabilisées, mais les fondements même de l’Etat ont été remis en cause.» Une situation qui l’a amené, lui et d’autres Sénégalais, à lancer, samedi dernier, un mouvement social, pour «catalyser des changements» et «mener à une dynamique de transformation» de la société sénégalaise. Le but est, selon les signataires du manifeste, de faire partir Wade et son régime. Toutefois, ce processus devrait prendre en compte le projet, le leadership et les alliances. Trois éléments que «vertèbrent» les conclusions des Assises nationales. «Ce sont des éléments sur lesquels il faut compter, si nous voulons changer l’autoritarisme du régime actuel», déclare le marabout et intellectuel, dans le site Pressafrik.

LE RÔLE D’UN MARABOUT

En fait, c’est quoi même un marabout ? «C’est quelqu’un qui doit orienter les gens pour les amener à rencontrer Allah Soubhana wa Taallah, préparer l’homme à assumer la finalité de son existence sur terre. C’est quelqu’un qui est au fait de la société dans laquelle il vit et qui intervient quand ça ne va pas. Il doit être un contrepouvoir et non forcément contre le pouvoir», prêche-t-il.
Une mission sacerdotale à laquelle s’attèle ce sexagénaire, né en 1947 à Saint-Louis du Sénégal. Aucun débat ne le laisse indifférent. Même loin du territoire national. Et la déclaration qu’il avait faite depuis l’Allemagne, suite au propos controversé de Me Wade, bourdonne encore dans nos oreilles : «Abdoulaye Wade, par ignorance et perfidie, a touché à l’une des questions les plus sensibles de notre société. Il est en passe d’abîmer ce que le Sénégal avait de plus cher : l’harmonie entre les confessions.» Telle une vigie, Mansour ne cesse de tirer la sonnette d’alarme, car étant conscient des conséquences qui pourraient découler des sorties controversées de Me Wade. Surtout lorsque ce dernier, pour défendre son monument, avait affirmé que «(…) Cheikh Ahmadou Bamba et El Hadji Malick passaient très souvent devant des statues sans rien dire.» Et le marabout de le rectifier. «Le fait de ne pas en parler ne veut pas dire qu’il est acceptable», dit-il dans une interview accordée au magazine La Gazette. Et sa sentence est limpide : «La position de l’Islam sur les statues et les idoles est tout à fait claire : Le Coran l’interdit.» Avant d’indiquer : «Le Prophète (Psl) a dit : Le châtiment le plus intense le jour du jugement dernier est destiné aux fabricants de statues.»
Déjà, le marabout prédit l’«évanescence» du monument de Wade. «C’est une statue qui ne survivra pas à ses initiateurs ; elle sera déboulonnée au même titre que celles des Staline ou Saddam Hussein», déclare l’ex-fonctionnaire à la Banque islamique de développement (Bid). L’homme se rappelle du tollé que son article, Le Sénégal dans sa bêtise actuelle, avait suscité en haut lieu. Il y écrivait : «Certaines gens de l’entourage du Président pensent que je leur jette des pierres, parce qu’ils disent que je les ai traités de bêtes. Je leur ai dit que je n’ai fait que reprendre l’expression de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre en 1968, quand ils disaient : «La France dans ses bêtises actuelles», c’est-à-dire que la France est trop intellectuelle pour se retrouver dans cette situation actuelle.» Ndèye Marie Kane, sa cousine : «Mansour se veut plutôt critique, mais d’une critique constructive.»
Alors que les Sénégalais exultent au lendemain de l’Alternance marquant la défaite du régime socialiste, Mansour Sy, lui, préfère jouer la carte de la prudence. De la prémonition ? Non, tout simplement une posture «Saint-Thomiste». Il dit : «Je suis un banquier. Si vous demandez aux chômeurs de lever la main, pour leur trouver du travail, moi j’attends qu’on me montre les projets d’investissements qui sont créés.»
LE POLYGLOTTE
Mansour Sy est un produit du daara (école coranique) et de «l’école des blancs». Après ses études coraniques chez Serigne Mamour Ndiaye à Saint-Louis, il fait son entrée à l’école Brière de l’Isle de Saint-Louis où il décroche son entrée en sixième. Il est admis au lycée Faidherbe qu’il quitte au bout de deux ans pour aller à Charles de Gaule où il obtient son Baccalauréat. Ce qui lui ouvre les portes de la Faculté des Lettres à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Mais sa nouvelle vie au campus ne sera que de courte durée, «expulsé» qu’il sera vers la France, à la suite de la braise de Mai 68. Après la Sorbonne, Mansour Sy se rend à Londres, à Polytechnique, sise au London Center, «l’une des trois meilleures écoles d’interprétariat». Le polyglotte (il parle arabe, français, anglais) en sort comme interprète de conférence. Il travaille alors comme freelance à l’Organisation de l’union africaine (Oua). Ses compétences dans cette institution africaine retiennent l’attention de la Bid. «On m’a tout de suite recruté», sourit-il. Là-bas, il rejoint Ousmane Seck, vice-président chargé des Opérations et Projets. Confronté à une barrière linguistique, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances sous Abdou Diouf le recrute comme directeur de cabinet. Poste qu’il occupe pendant 20 ans. Ousmane Seck témoigne : «Mansour Sy Djamil est un fin lettré, homme de foi, de culture et d’ouverture, qui a largement contribué à l’atténuation progressive puis à la dissipation du brouillard de mes débuts.» Mansour, c’est aussi son attachement à sa famille. Même le conflit qui oppose, depuis des années les membres de la fratrie, à savoir Moustapha Sy et Abdou Aziz Sy «Junior», n’aura pas réussi à le changer. C’est d’ailleurs avec peine et pudeur qu’il en parle. «J’ai de la peine à parler de ce conflit, car je suis mal placé pour le faire, confesse-t-il dans les colonnes de La Gazettes. (…) Mon père terminait toujours ses commentaires en disant que Satan est parvenu à diviser des frères, des hommes de Dieu qui s’aimaient et se respectaient profondément.» Pour sa part, «Djamil» se veut lien et liant en œuvrant pour les retrouvailles familiales. Mme Kane, sa cousine, confirme : «Il ne fait rien sans me consulter. Malgré son statut, il discute toujours avec moi. C’est quelqu’un qui est très humble.»
Parmi ceux qui auront influencé la trajectoire du marabout, Mawade Wade, défunt entraîneur des Lions du Sénégal. Enseignant à l’école Brière de l’Isle de Saint-Louis, ce dernier se distingue par ses idées révolutionnaires et son hostilité envers la morgue de certains Blancs. Mansour Sy garde en souvenir le jour où, en classe de Cm2, son maître décide de ne plus dispenser les cours d’Histoire et de Géogra-phie. Motif ? Mawade Wade refusait «d’enseigner aux Sénégalais que (leurs) ancêtres sont des Gaulois». Ce, 4 ans durant. «Cette attitude patriotique et nationaliste me marquera pour le restant de ma vie», déclare Mansour. Monogame, père de quelques enfants dont il se garde de préciser le nombre, il abhorre la compromission. Jaloux de son «autonomie», «Djamil» cherche à préserver la pureté de sa «beauté» contrairement à «ces marabouts mercenaires qui vendent leur âme au diable». Et déplore-t-il, «le Sénégal est devenu un grand supermarché où tout se vend, tout s’achète». Il abomine ceux-là qui, du fait des «relations de proximité avec Me Wade, se rendent à la Rts pour dire que le chat est noir, alors qu’il est blanc».

LA MAISON D’EN… FASS

Absent du pays depuis «27 ans»-même s’il y revenait régulièrement- Mansour Sy se dit «surpris» devant l’ampleur de «la crise de soi, de la construction de l’homo senegalensis», exaspérée par les «pesanteurs sociologiques». Il ne comprend pas que les Sénégalais soient une exception parmi les pays de la Oumah islamique en matière de pratique cultuelle. Il dit : «Je suis frappé par cette façon, en matière religieuse, de marquer un accent exagéré sur quelque chose qui n’existe pas, une obligation canonique au moment où on néglige tous les jours des choses essentielles comme la façon de faire la prière.» Comme la lutte traditionnelle qui suscite tant d’émotions et passions. Un véritable phénomène social qui, à travers des pratiques mystiques et ésotériques, nous ramène à «la mentalité primitive». Et il a peur, dit-il, quand il voit «des jeunes au milieu de leur force, qui ont souffert pour avoir cette forme. Pourtant, le jour du combat, au lieu de se mettre dans leur tête que c’est grâce à leur génie, leur talent, leur technique qu’ils vont gagner, on leur fait croire plutôt que c’est grâce aux talismanx». Un «fétichisme dangereux» auquel ont recours aussi bien «le ministre, l’agrégé en médecine que le gardien».
Entre la famille Sy et Fass, c’est toute une histoire. Ce quartier a offert l’hospitalité à son grand-père Babacar Sy, suite à «une injonction de» son aïeul El Hadji Malick Sy de quitter Tivaouane. «La tradition dans notre famille voudrait que l’aîné s’éloigne un peu de son père. Qu’il s’éloigne de l’effervescence religieuse pour mieux préparer sa mission», indique Mansour. Après ses pérégrinations qui l’ont conduit un peu partout au Sénégal, Babacar Sy s’est finalement implanté à la Médina (Rue 15×14), dans une modeste maison, trop exiguë pour contenir toute la famille du marabout, polygame. Aîné de la famille, Moustapha Sy, surnommé «Djamil» s’installe à Fass pour y fonder une famille. Le choix du lieu n’est pas fortuit. «Le nom renvoie à la ville de Fass au Maroc (terre d’adoption de Cheikh Tidiane Chérif)», renseigne Mansour Sy. Si modeste soit-elle, la maison de Moustapha Sy demeure un lieu très symbolique aux yeux de ses nombreux disciples. Les visiteurs sont tenus de se déchausser avant d’y entrer. C’est la règle d’en… Fass.

lequotidien.sn

7 Commentaires

  1. Je vs estime trop bien que je n adhere pas a la mystique des tarikhas. Vous etes licude et reflechis. Le senegal a besoin de personne comme vous. Vous etes un guide, un vrai.

  2. La pillule ne passera pas; vos gesticulations panachées avec les verbiages du griot Youssou ndour n’ébranleront pas les sénégalais qui ont découvert en Wade l’émergence de par ses grands travaux.Où est que vous étiez lorsque le PS radiait la police et liquidait Sadibou Ndiaye; losqu’il saupoudrait les paysans etc.

  3. merci encore une fois on pourras jamais vous remercier car vous menez des actions dont le senegal entier en bénéficie et que personne ne pourra nier.de ce fait nous ne pouvons que de vous remercier que dieu vous accorde de longue vie santé et beaucoup de diam pour que le pays puisse voir l’obscurité .si barké muhamed psl

  4. EN QUOI IL EST UN BANQUIER TRAVAILLER COMME INTERPRET DANS UNE BANQUE NE FAIT PAS D UNE PERSONNE UN BANQUIER .IL NE L EST PAS MOINS QUE L AGENT DE SECURITE QUI TRAVAIL A LA BANQUE BICIS QUI DOIT AUSSI ETRE UN BANQUIER DANS CE CAS .DANS SON CURSUS ACADEMIQUE , JE N AI VU NUL PART UN DIPLOME D ECONOMIE .IL FAUT RECONNAITRE QUE C EST UN GRAND INTELLECTUEL DOTE D UNE OUVERTURE D ESPRIT HORS DU COMMUN A LA DIFFERENCE DE BEAUCOUP DE MARABOUT IL EST TRES COURAGEUX

  5. SERIGNE MANSOUR SY DJAMIL EST UN MODELE POUR LES JEUNE DE MAITRISER AUSSI BIEN L ECOLE OCCIDENTALE ET LES DAARA ET PROJETER POUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE DE SON PAYS

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