Pour un continent apaisé et émergent, nul ne devrait faire plus de deux mandats présidentiels en Afrique

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Les élections présidentielles constituent un danger en Afrique en ce vingt unième siècle. Beaucoup de pays africains sont actuellement dans une situation politique chaotique non propice au développement et d’autres non moins nombreux sont potentiellement dans l’incertitude de lendemains d’élections présidentielles. Les raisons de ce danger réel sont principalement de trois ordres : vouloir s’éterniser au pouvoir en tripatouillant la constitution, chercher à céder le pouvoir à un proche voire à un descendant et manipuler grossièrement les élections pour les gagner. L’Afrique ne décollera pas économiquement tant que le nombre de mandats présidentiels ne sera pas limité et les élections présidentielles organisées par une institution neutre notamment dans les pays à hauts risques de perturbations postélectorales.

Beaucoup de présidents africains veulent rester au pouvoir avec un nombre de mandats indéfini. A cette fin, les pouvoirs en place n’hésitent pas à modifier les constitutions de leurs pays pour obtenir gain de cause en violant les textes législatifs en vigueur. Pourtant, il n’est un secret pour personne qu’au-delà de deux mandants, un pouvoir exécutif en Afrique devient impopulaire, routinier et répressif. Dans une telle situation, le pays dirigé par un président à vie s’installe dans la violence avec comme conséquence immédiate l’arrêt des politiques publiques de développement. Alors le chômage s’empare de la jeunesse, le système de santé se désagrège, l’agriculture régresse, le système éducatif devient inopérant etc. Un président à vie est ainsi une catastrophe pour les populations africaines. Cela justifie que dans beaucoup de pays en Afrique, au péril de leur vie, les citoyens luttent sans défaillance contre les présidents tentés de rester au pouvoir ad vitam aeternam.

L’autre astuce des «présidents à vie» est le trucage systématique des élections. A cette fin encore, une commission taillée sur mesure est créée par le pouvoir en place pour organiser et gagner les élections présidentielles. Avec une majorité mécanique au parlement, des lois antidémocratiques sont votées pour donner au pouvoir sortant toutes les chances de remporter la consultation. Les médias d’Etat sont mis à contribution pour vendre le Président à vie en le présentant comme le meilleur des Présidents au monde. Des réalisations fictives sont montrées en boucle par la Télévision d’Etat pour endormir les populations. Au soir de la date de l’élection ou quelques jours après, le Président de la Commission bidon donne le résultat invariablement favorable au pouvoir en place. Immédiatement après l’annonce des résultats du scrutin, les forces de l’ordre et de sécurité sont mises en action contre l’opposition pour mater, avec une violence inouïe, toute velléité de contestation du verdict sur mesure. Durant son énième mandat, le président à vie va axer, comme toujours, sa gouvernance sur la destruction de l’opposition afin de gagner la prochaine élection, le développement du pays n’étant plus une priorité.

Si le président à vie prend de l’âge avec ses n mandats, il va chercher par tous les moyens à céder le pouvoir à un proche ou à un descendant direct. Dans certains pays africains, ces dévolutions antidémocratiques ont été tentées avec succès : le fils a succédé à son père, le proche de demi-dieu est mis en selle pour le remplacer.

Pour atteindre l’émergence et soulager les populations tenaillées par la pauvreté depuis plus d’un demi-siècle, un mandat de deux ans maximum devrait être la règle en Afrique car un président qui a un projet de société crédible a le temps nécessaire en deux mandats pour le mettre en œuvre au bénéfice des populations. Un président qui cherche à se maintenir au pouvoir au-delà de deux mandats est suspect. Soit il veut continuer à jouir des privilèges du pouvoir, soit il a peur de quitter car ayant commis des malversations pendant son magistère. Dans les deux cas, les populations africaines ont décidé de façon non concertée dans beaucoup de pays de ne plus accepter des «présidents à vie». Ces révoltes populaires et légitimes par-ci par-là sont le signe que rien ne sera plus comme avant en Afrique.

Un mandat de deux ans à l’avantage de permettre à d’autres ressources humaines d’exercer le pouvoir contribuant alors à un renouvellement indispensable du personnel politique. L’alternance peut permettre aussi d’éliminer des hommes politiques incompétents, corrompus ou amortis et de confier le pays à de nouveaux talents qui seraient eux-mêmes renvoyés démocratiquement s’ils déçoivent leurs mandats.

Les présidents africains qui n’ont pas compris que l’ère des mandats illimités est révolue, non seulement vont payer cher leur entêtement mais vont également créer eux-mêmes chez eux des troubles non maîtrisables aux conséquences désastreuses pour les populations et le pays sur le double plan de la sécurité et du développement économique et social.

Si les parties prenantes des élections présidentielles sont d’accord sur les termes du processus électoral et les règles de l’organisation de l’élection, il est possible de voter un jour et d’aller au travail le lendemain si préalablement, l’expression « nul ne peut faire plus de deux mandats » est constitutionnalisée sans ambiguïté. Par contre, tant que le pouvoir sortant manipule la constitution pour se maintenir au pouvoir ou le céder à son clan avec un code électoral non consensuel, une élection présidentielle constituera toujours un danger déstabilisateur des Etats en Afrique. La détermination des populations dans certains pays à refuser l’accaparement du pouvoir par un clan ou le tripatouillage des constitutions pour s’éterniser au pouvoir devrait servir d’alerte aux « présidents à vie » et à ceux qui cherchent actuellement les moyens d’avoir un énième mandat.

Dans l’intérêt du continent et des populations, l’Union Africaine et les organisations de la société civile devraient prendre en charge, sans délai, cette question cruciale des mandats présidentiels. Nul ne devrait faire plus de deux mandats présidentiels en Afrique devrait figurer dans les textes organiques de l’Union Africaine et de ses Etats.

Pr Demba Sow

Ecole Supérieure Polytechnique UCAD Dakar

4 Commentaires

  1. On n’a jamais vu un match Allemagne/France arbitré par un allemand ou un français. On n’a jamais vu un match Sénégal/Afrique du sud arbitré par un Sénégalais ou un Sud africain. Pourquoi donc concevoir un match électoral Pouvoir/Opposition arbitré par le pouvoir et remporté par l’opposition? Arrêtons d’être bête comme un âne. L’alternance au Sénégal de 2000 n’a été possible que grâce à un arbitrage neutre de 2 généraux dignes et honorables: le général Lamine Cissé comme ministre de l’intérieur et le général Mamadou Niang, tous nommés par le Président Abdou Diouf pour garantir des élections libres sincères et transparentes. L’alternance de 2012 aussi n’a été possible que par l’arbitrage d’un homme neutre à l’époque nommé par le Président Wade pour diriger la CENA. Toute autre démarche consisterait à Burkinabiser, Togoliser, Gaboniser, Rwandiser, Gambiser, Camerouniser, Congoliser le Sénégal. Et ça, le Sénégal, fier de son identité et de son riche héritage ne l’accepterait. Arrêtons d’être des ânes et cessons de tourner autour du pot comme des lâches.

  2. Même le président ou son frère ou sa femme pouvait superviser et organiser les élections si une condition essentielle était remplie c’est à dire un peuplemûr digne et intraitable avec les tricheurs les voyous et les malhonnêtes
    Autrement dit si les concurrents à une élection savaient que celui qui a triché ou qui a été battu risquait de passer le restant de sa vie en prison sans aucune discussion ou salamaleck possible ces politiques indignes cesseraient
    Mais regardez ablaye Wade il a volé triché tué menti et il se balade tranquillement sans aucun risque
    il se permet même de donner des leçons de gouvernance
    Wasalam

    • La condition essentielle dont vous parlez se trouve en Occident mais pas en Afrique. Exemple: le ministre de justice americain nommé par Trump, a nommé un ancien directeur de FBI réputé rigoureux, intègre, neutre et intraitable pour enquêter sur Trump même, et les enjeux sont immenses. Nous sommes au Sénégal et en Afrique. Nous ne sommes pas encore rendu à ce niveau de maturité dont vous parlez. Restons donc à notre niveau et arrêtons d’être des ânes et singes, car cela conduit au retour de l’esclavage purement et simplement. On t’avais accordé le bénéfice du doute que tu es humain comme tous. C’est pour cela que l’esclavage a été aboli. Si tu ne prouve pas que tu es effectivement humain, alors l’esclavage va revenir.

  3. C’est un imminent Professeur à l’UCAD,un haut cadre que je voue beaucoups de respects et de considérations le Pr DEMBA
    SOW que j’ai connu auprés de mon papa et leader feu DJIBO LEITY KA.
    Longue vie pleine de succés Pr SOW
    SALIOU DIENG CONSEILLER DEPARTEMENTAL URD TAMBA

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