Pr Babacar Gueye, Constitutionnaliste «Au Sénégal, nous avons la révision pirate et la révision opportuniste»

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A travers une conférence publique organisée, avant-hier, par la Ligue démocratique
(Ld), sur la transition et la limitation du mandat du président de la République, le professeur
de droit constitutionnel, Babacar Guèye, a expliqué la pertinence de limiter le mandat du chef de l’Etat.
A ce sujet, le Pr Guèye dira que la limitation du mandat permet de régler plusieurs problèmes.
«La limitation des mandats contribue à la promotion de la bonne gouvernance. Parce que la limitation du
mandat permet de lutter contre deux fléaux qui gangrènent les régimes politiques africains : le patrimonialisme et le clientélisme. Le patrimonialisme découle de deux traits qui singularisent le pouvoir en
Afrique : l’omniprésence et l’omnipotence du président de la République qui est la clé de voûte des institutions», a indiqué le constitutionnaliste. Selon lui, «la plupart des régimes politiques
africains prennent la forme d’un présidentialisme mono-centré ou d’un pouvoir hyper
présidentiel. L’hégémonie de l’Exécutif du président de la République, notamment, est
une donnée constante du constitutionnalisme africain. En effet, l’essentiel des
prérogatives politico-administratives sont concentrées entre les mains du Président,
au mépris du principe de la séparation des pouvoirs». Selon lui, l’enjeu était, au fond,
de pousser à la retraite des présidents inamovibles, et de prévenir l’émergence de
nouveaux chefs d’Etat inamovibles».

«Nous avons été les premiers à instaurer le quinquennat, et voilà
que la France se met à l’heure de l’Afrique»
Le Pr Babacar Guèye de souligner : «Je préconise la limitation à un mandat unique.
Pour moi, elle semble être la meilleure solution pour remédier à toutes les dérives. Il
faut dire qu’aucune Constitution africaine n’a, jusqu’ici, institué le mandat unique, aucune ».
«Le mandat unique, seul le Président nigérian a tenté, à un moment, cette expérience-
là, en 2011. 3 mois après son élection, le Président Goodluck Jonathan, traumatisé par la violence électorale – qui avait fait 800 morts – et par le coût des élections dans un pays immense, où on vote
tous les 4 ans, avait fait préparer un projet de loi. Il était question que ce projet de loi
soit déposé sur la table de l’Assemblée nationale.
Finalement, il n’est pas allé jusqu’au bout du projet. C’aurait été la première expérience
de limitation du nombre de mandats à un seul», a révélé le constitutionnaliste.
Sur sa lancée, le Pr Babacar Guèye dira : «En somme, à quelques exceptions près, la
durée du mandat présidentiel n’excède pas, en général, en Afrique, plus de 5 ans. 5 ans,
c’est un peu la marque de fabrique de l’Afrique. C’est une des contributions de
l’Afrique à la théorie de la démocratie, parce que la démocratie, elle est devenue un patrimoine
commun de l’Humanité. Je disais à mon maître, Jean Vikel, en 2009, que, finalement,
c’est du mimétisme à rebours qu’on a, en ce moment, puisque c’est la
France qui se met au quinquennat, après l’Afrique. Nous avons été les premiers à instaurer
le quinquennat, et voilà que la France se met à l’heure de l’Afrique».
«‘Laissez-moi terminer les chantiers’ n’est pas un argument recevable»
Très en verve, le professeur de droit constitutionnel a également dit son avis sur les
révisions constitutionnelles. «Une Constitution n’est pas une tente dressée pour
dormir. Elle doit pouvoir être révisée pour qu’elle colle à l’ère du temps, pour qu’elle
puisse répondre aux aspirations de la population, pour qu’elle puisse répondre à
l’évolution politique d’un pays donné. Seulement, la révision doit respecter les
formes légales, elle doit être légitime, c’est à- dire répondre véritablement aux aspirations
de la population», a affirmé le Pr Guèye qui révèle «l’existence de 2 types de révision au Sénégal : la révision pirate et la révision opportuniste». «Nous, nous avons des formes de révisions qui ne sont pas acceptables, c’est la révision pirate. Nous avons eu au Sénégal une révision pirate en 2008, c’est-à-dire
qu’on viole délibérément la Constitution, en sachant pertinemment que le Conseil constitutionnel
se déclarera incompétent. Ça, c’est la révision pirate. Vous avez également la révision opportuniste. La révision opportuniste, elle respecte les formes, on respecte le droit, on passe par la procédure normale, comme au Burkina Faso. En réalité, les intentions sont autres. L’intention, c’est se maintenir au pouvoir, c’est de renforcer son pouvoir. Et la forme la plus fréquente, c’est la remise en cause de la limitation par la voie parlementaire».
Sur le prétexte souvent agité par certains chefs d’Etats africains pour se maintenir au pouvoir, à savoir le fait de vouloir terminer ses chantiers, le professeur en droit constitutionnel s’en est désolé. «’Laissez-moi terminer les chantiers’ n’est pas un argument recevable», a-t-il martelé.
«Les présidents de la République africains jouissent de pouvoirs exorbitants de nature patrimoniale et d’une réélection quasi-automatique. Au Sénégal et au Niger, en dehors des débats passionnés sur
l’interprétation des dispositions constitutionnelles, l’un des arguments majeurs des Présidents sortants était formulé sous forme de demande. La demande, pour disaient- ils, finir des chantiers commencés. Ce qui était tout à fait inacceptable», a conclu le Pr Babacar Guèye

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