Pr Lamine Gueye, Docteur en neurosciences: « Les Avc sont à l’origine de 75 % des décès en neurologie »

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Le Professeur à la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Lamine Guèye, est formel : les Accidents cardio-vasculaires sont au premier rang des affections neurologiques tant par leur gravité que par leur fréquence. Ils sont à l’origine de 75 % des décès en neurologie. Au cours de cet entretien, le Pr Guèye, Docteur en neurosciences a indiqué que la sédentarité et l’accumulation du sucre et de sel dans le sang sont à l’origine de l’augmentation de la fréquence des Avc.

Qu’est-ce qui explique la fréquence des Avc au Sénégal ?

La fréquence des Accidents vasculaires cérébraux (Avc) s’explique par la prévalence importante des facteurs à risques. Ces facteurs de risques sont multiples. Les causes ont pour noms : l’hypertension artérielle, le diabète, l’augmentation du taux de cholestérol et de certaines autres graisses dans le sang (lipides). A cela, il faudra ajouter la sédentarité, l’obésité, l’augmentation du stress. Il y a aussi l’augmentation des maladies cardiovasculaires qui ne sont pas d’origine hypertensive mais qui sont des pathologies qui touchent le rythme cardiaque. Le lien global entre ces différents facteurs, c’est le mode de vie. Parce que ces facteurs augmentent quand un individu n’a pas un mode vie adéquat et diminue si l’on évite certains modes de vie qui prédisposent à un ou deux de ces facteurs. Par exemple, lorsque l’on mange des aliments trop sucrés, trop salés ou gras et l’on ne fait pas d’activité sportive, ces trois éléments qui s’accumulent dans l’organisme, constituent des facteurs de risque. La sédentarité entraîne une augmentation du poids. Or, nos sociétés se sont urbanisées, les professions sédentarisées. Que ce soit au bureau ou à la maison. De plus en plus de travailleurs restent dans les bureaux climatisés. Et pourtant, l’on respecte les trois repas. Donc, les gens ne dépensent pas d’énergie. La conséquence, c’est le risque l’hypercholestérolémie et le diabète qui peuvent provoquer l’Avc.

Quelles sont les éventuelles complications liées aux Avc ?

L’accident vasculaire cérébral se traduit par l’obstruction d’un vaisseau sanguin du cerveau. Si cela arrive, c’est parce qu’il y a un dérèglement général de la circulation sanguine. Et quand le cerveau n’est pas bien vascularisé, il s’ensuit des paralysies. Les signes d’Avc sont graves. Le fait que la personne ne puisse plus bouger prédispose à des aggravations, c’est-à-dire, avoir un sang qui ne circule pas bien mais surtout qui fait des caillots qui, quand ils migrent, aggravent le sujet parce que pouvant le mettre dans le coma. Ce caillot peut aller vers le cœur, l’obstruer. On fait alors un arrêt ou une complication cardiaque de l’Avc. Mais ce que l’on craint le plus, c’est ce que nous appelons embolie pulmonaire qui entraîne des complications très graves qui peuvent emporter le malade le jour qui suit l’Avc parce que sa mobilité est réduite. Vous savez, lorsqu’une personne ne bouge pas beaucoup, les articulations lui font mal et c’est le cercle vicieux de l’Avc. Le sujet est paralysé et craint de bouger parce que ses articulations font mal. C’est catastrophique, car celui qui fait l’Avc doit bouger, on doit lui faire le massage, la kinésithérapie et il doit continuer à essayer de parler et de marcher. Quand, il reste longtemps sans bouger, les articulations commencent à être rigides et font mal lorsque le patient commence à bouger. C’est une complication aussi fonctionnelle des Avc c’est-à-dire les douleurs sont ressenties lors de la mobilisation des membres.

Lorsque le malade ne bouge pas, il commence à faire des plaies que nous appelons des escarres qui sont très dangereuses surtout chez les personnes âgées ou obèses. Ce sont des plaies extrêmement difficilement à guérir. Un autre facteur aggravant dans l’environnement de cette personne qui a des escarres, c’est que les microbes vont entrer dans la plaie et l’infection peut s’aggraver et finir par emporter le sujet malade.

Que doit-on faire quand une personne tombe brusquement dans le coma ?

Lorsqu’une personne est touchée brusquement par une paralysie, vomit ou a mal à la tête, on suspecte l’Accident vasculaire cérébral (Avc). Dans ce cas, la meilleure réaction, c’est de l’amener à l’hôpital. Malheureusement les gens, pour une mauvaise interprétation, ont l’habitude d’attendre ou d’aller consulter un charlatan. La meilleure manière d’aider quelqu’un qui sombre dans le coma, c’est de l’acheminer vers la structure sanitaire la plus proche. Il appartient à ce service de faire rapidement le diagnostic et de mettre le patient entre les mains des soignants. Souvent, le malade est évacué en milieu spécialisé. Il faut dire que les Avc sont gérés en neurologie, en médecine interne ou en neurochirurgie.

En général beaucoup de personnes perdent la vie en cas d’attaque. Qu’est-ce qui explique, à votre avis, le taux élevé de mortalité ?

Les conséquences de ce taux élevé sont importantes parce que c’est la première cause de mortalité en neurologie. Au moins de 2/3 d’hospitalisation. Ce taux s’explique par les facteurs de risque élevés. Les personnes ont des causes d’Avc qu’ils ignorent. C’est pourquoi, il est important d’insister sur la prévention. L’Avc ne se réveille pas pour créer des problèmes. Souvent, il y a des alertes. Par exemple, quelqu’un qui est diabétique et que son diabète n’est pas équilibré, ses vaisseaux commencent à s’obstruer, il y a de petits signes qui équivalent à des Avc. Lorsqu’une personne a une interruption brusque de la vision, même si celle-ci revient quelques minutes après, soyez sûr que cette dernière a un petit accident vasculaire cérébral. Dans ce cas, il faut vite aller consulter un médecin pour faire un bilan, voir le risque d’Avc afin de le prévenir. L’augmentation des complications de l’Avc est égale à l’augmentation des facteurs de risque.

Le Sénégal compte combien de neurologues aujourd’hui ?

Actuellement, le Sénégal compte une quinzaine de neurologues pour onze voir douze millions d’habitants. C’est vraiment insuffisant. Cette quinzaine de neurochirurgiens s’occupe en même temps des Avc. Nous sommes en deçà du nombre de neurologues que disposent d’autres pays d’Afrique. Je pense qu’il faut davantage former tout le personnel soignant en particulier, les médecins généralistes qui sont dans les centres de Santé. Il faut qu’on arrive à ce que même les infirmiers soient formés à la prise en charge première des Avc. S’y ajoute que le plateau technique n’est pas relevé. Devant un Avc, l’idéal est de faire au moins un scanner cérébral. Malheureusement, il coûte cher parce qu’étant estimé à 40.000 FCfa dans le public, même si le nombre de scanners augmente. Des régions telles que Dakar, Thiès, Ziguinchor disposent déjà de cet appareil. Les médicaments existent. Mais l’idéal serait que chaque grande ville disposant de centre Santé et de district ait un scanner lui permettant de prendre en charge les malades d’Avc.

Quel commentaire faites-vous de la concentration des neurologues à Dakar ?

La concentration des neurologues à Dakar pose problème. Elle diminue le potentiel que l’on dispose. C’est pourquoi nous avons initié des caravanes de sensibilisation. Une équipe de neurologues se déplace pour aller former des médecins sur les questions liées à la neurologie. Cette concentration ne sera résolue que, lorsqu’on augmentera la masse critique et que des dispositions soient prises pour faciliter l’installation des spécialistes comme des neurologues et neurochirurgiens, dans les régions les plus reculées du pays.

Qu’est-ce qui explique le fait que cette maladie ne soit pas bien connue des Sénégalais ?

Je crois qu’il n’y a jamais eu suffisamment de communication autour des maladies qui posent un problème de santé publique. Les Avc en font partie. De plus, la famille pense souvent à un sort jeté sur le malade qui se réveille avec un Avc. La population ne connait pas bien cette maladie, donc il faut la sensibiliser. D’où l’importance d’accroître la communication dans le sens de la prévention. Il faut que les gens sachent que manger gras est très dangereux. Ils doivent savoir que l’activité physique est fondamentale. Il suffi simplement de faire quelques trente minutes de marche tous les jours, pour diminuer la prévalence de l’Avc. Pour ce faire, la communication est primordiale.

Aujourd’hui, quel est le taux de mortalité du aux Avc ?

Malgré l’augmentation des spécialistes, les Avc continuent à être la première cause de mortalité, d’hospitalisation, de handicap. En termes de chiffre, lorsqu’on hospitalise cinquante malades, plus de la moitié qui décède est due aux Avc. C’est difficile à croire, mais c’est cela la réalité. Au Sénégal, les Avc sont au premier rang des affections neurologiques tant par leur gravité que par leur fréquence. Ils sont responsables du 1/3 des hospitalisations et des 2/3 de la mortalité dans les services de Neurologie de Dakar. A Dakar, les statistiques montrent que les Avc représentent 38% des hospitalisations en neurologie. Le taux de décès est de 61,2%. Ils sont à l’origine de 75% des décès en neurologie. Près de 50% de ces patients décèderont au cours de la première année, le plus souvent de cause cardio-vasculaire. Un quart gardera un handicap sévère nécessitant une prise en charge sanitaire lourde.

Quel est le lien entre les accidents vasculaires cérébraux et la crise cardiaque ?

L’Avc est une attaque du cerveau, tandis que la crise cardiaque est une attaque du cœur. Toutefois, l’arrêt cardiaque peut être une complication de l’Avc. Lorsqu’une personne fait un Avc, qu’elle ne bouge pas, elle renvoie un caillot de sang vers le cœur qui peut s’arrêter. Comme aussi un arrêt cardiaque transitoire qui a repris peut provoquer un accident vasculaire cérébral. Il y a des interférences, mais c’est différent. Quand un arrêt prend le sujet, il le met tout de suite dans le coma et il peut en mourir. C’est le cas des morts subites. Par contre, l’Avc paralyse le sujet, le met dans le coma mais ne le tue pas subitement. Dans ce cas, on dit que le cerveau est lésé.

Depuis près de cinquante ans, le Sénégal ne dispose que de quinze neurologues. Est-ce à dire que le coût de la formation en spécialisation est très cher ?

Cela s’explique par le fait qu’il n’y avait pas de formation de neurologie diplômante. Seuls les internes avaient le privilège de le faire. Avec un concours, ils peuvent faire la neurologie. Pratiquement, toute l’Afrique francophone vient se former au Sénégal. D’ailleurs, avec l’existence du Certificat d’étude spécialisé, le nombre de nationalités a augmenté. L’autre difficulté est liée à la motivation. D’où l’appel aux autorités pour qu’elles accordent des bourses et permettre aux étudiants d’être médecin et de se spécialiser. Il faut que l’Etat parvienne à pousser les jeunes médecins à la spécialisation. Il est évident que la neurologie est moins attirante que certaines spécialités telles que la gynécologie, la pédiatrie, entre autre. A mon avis, le premier handicap de la spécialisation de la neurologie est la motivation.

Propos recueillis par E. KALY et T. SANE

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