Prison du Sénégal. (Par Cissé Kane NDAO)

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Les espaces de privations de liberté au Sénégal sont des lieux horribles où l’on ne souhaiterait pas à son pire ennemi de séjourner.

Ils sont appelés maisons d’arrêt et de correction.

Au vu de leur état de surpopulation et des conditions tragiques dans lesquelles les détenus y séjournent cependant, il n’y a aucune hospitalité en ces lieux où tout semble être fait pour ôter à tout hôte toute infime part d’humanisme ou de dignité ou de respect de soi-même qui lui resteraient en franchissant leurs portes.

Finalement payer sa dette à la société est un long chemin de pénitence parsemé d’humiliations et d’épreuves déshonorantes qui finissent par faire perdre son âme au plus déterminé à se repentir.

Le passage dans nos prisons fait le plus souvent d’un condamné un damné. Il se radicalise en prison. À force de s’enfoncer dans cette déshumanisation imposée, le condamné finit par ne plus se voir comme un être humain digne de respect.

Que dire de ces prisonniers en détention préventive n’ayant pas les moyens de se payer un avocat pour exhumer leurs dossiers et se faire enfin juger ?

La frustration se transforme rapidement en ces lieux en une de ces colères dont germe une froide haine qui pousse au repli sur soi d’abord, avant de se muer en une rage contre le système judiciaire, et la société par ricochet, qui transforme progressivement le prisonnier en une boule de feu prête à tout consumer sur son passage.

On sort ainsi de prison la plupart du temps en rogne contre tout le monde, surtout que l’on se rend compte que les épreuves subies sur le chemin inhumain de la rédemption ne sont pas suffisantes aux yeux de la société, qui n’accepte pas de réhabiliter et de réintégrer ceux qui ont fini de payer la dette qu’ils lui devaient, et les stigmatise ou les rejette tout bonnement. Les ex prisonniers se retrouvent ainsi pour la plupart encore en détention à ciel ouvert. Ce qui est plus tragique encore pout eux.

Finalement, la prison devient le seul lieu où quelque soit la situation, ces gens échappent à l’indifférence et à l’isolement.

Ils ne craignent plus d’y retourner.

La prison perd ainsi de plus en plus une de ses raisons d’être : elle n’est plus dissuasive.

Et pourtant, à l’origine, il faut savoir que la localisation géographique des prisons au Sénégal était censée remplir principalement ce rôle, aux yeux de la population indigène.

Les prisons de l’époque coloniale dont le Sénégal a hérité étaient en effet toutes construites entre le quartier indigène et le quartier des colons ; il en est ainsi de Rebeuss et de toutes les prisons des grandes villes du pays.

Leur localisation était une menace, et un avertissement :  » Vous autres, indigènes, vous quittez votre quartier pour entrer dans celui des colons. Faites gaffe. Et restez à carreaux. Sinon, ce soir au lieu de rentrer chez vous, vous dormirez dans cette prison que vous dépassez pour entrer dans notre ville, dans notre quartier »!

Au lendemain des indépendances, nous avons hérité de ces prisons.

Changer leur dénomination n’améliorera pas les conditions de détention de ceux qui y sont emprisonnés. Elles n’ont pas été fabriquées par les colons pour respecter les droits et la dignité des indigènes, qui devaient y être punis.

Dépeupler les prisons signifie en construire de nouvelles plus en adéquation avec les missions actuelles des espaces de privation de liberté.

Plusieurs centaines de détenus, non de captifs qui s’entassent comme sur des navires de négriers, avec des toilettes avilissantes qui humilient ces gens et les ravalent au rang d’animaux, voilà le triste visage que donnent nos prisons.

Il nous faut vraiment, encore une fois, construire de nouvelles prisons.

Il nous faut changer notre approche en matière de détention. Et donner aux prisonniers l’opportunité de se reconstruire et de pouvoir effectivement se réinsérer.

Ce ne sont pas les idées qui manquent, pour cela.

Cissé Kane NDAO

Président A.DE.R

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