Protection du patrimoine environnemental et Paix : Attention à la reproduction des conflictualités en Casamance

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Notre génération, aujourd’hui dans la quarantaine, est celle qui inaugura l’ère des anniversaires qui se faisaient avec les étincelles des armes à feu à la place des bougies. Qui alors, plus que nous, pourrait prétendre être mieux placé pour comprendre les enjeux de la paix en Casamance ?

 

Et d’ailleurs, si les chefs des branches armées de la rébellion en Casamance devaient aujourd’hui confier un message à des enfants de la Casamance, ils ne le confieraient certainement pas à des gens plus âgés ou de leur âge. Mais, aux plus jeunes dont ils ont la certitude qu’ils saisissent le contexte dans lequel est née la crise de la République sénégalaise en Casamance.

 

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la confiance qui existe entre Ibrahima Gassama, René Capain Bassène (pour ne citer qu’eux) et le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance. Le MFDC sait au moins que ces gens-là essayent de faire de leur mieux pour que la vraie réflexion pour la paix en Casamance ait lieu. C’est dire que les représentants des populations Casamançaises ne sont pas dans les assemblées de patriciens actuelles, si c’était le cas ça se saurait. Ce sont des patriotes isolés les réels acteurs de la paix et qui ont pour mérite le courage d’endurer dignement les conséquences de leurs responsabilités sociales.

 

Ceci étant dit, dans le pays de Senghor, un Président comme Me Abdoulaye Wade a largement renforcé la liberté d’expression même pour un sujet comme celui de la crise de la République du Sénégal en Casamance. Il suffit pour vérifier cela, de lire les textes d’un certain Jean Marie F. Biagui, un infatigable pionner dans la libéralisation du discours de paix en Casamance.

 

Si le régime du Président Macky Sall a su profiter d’une accalmie depuis qu’il est venu au pouvoir, c’est parce qu’effectivement, le MFDC sait que les plumes, les claviers, les dictaphones des fils de la Casamance, tentent de remplacer le langage des Kalachnikovs avec un discours qui a du sens et dans lequel se retrouvent les Casamançais.

 

A chaque fois qu’une question sociale est soulevée, il y a potentiellement une armée du verbe pour y répondre. Il faut donc prier qu’elle ne s’éteigne pas, qu’elle ne devienne pas aphone au moment où l’on constate une reproduction des conflictualités en Casamance. Comme il s’agit ici d’ailleurs, de dire qu’il ne faudrait pas occulter que la protection de l’environnement est essentiellement liée à la paix en Casamance.

 

Face au laisser-faire d’un Etat qui n’a pas les moyens de sa politique d’émergence, nous avions jugé utile d’écrire à SEM l’Ambassadeur de France. Nous avions aussi choisi de ne pas mettre dans le chapelet de nos évocations le cas du Zircon pourtant dominant aujourd’hui quand on parle d’environnement et de conflictualité en Casamance.

 

Mais une semaine après avoir envoyé notre correspondance à SEM Christophe Bigot, nous apprenions qu’une convention de partenariat liait désormais ASTRON (société minière chinoise) et le Club de Casa-sports de Ziguinchor (sud) qui a reçu 90 millions de francs CFA pour une durée de trois ans, (soit donc 30 millions/an).

 

Par cette convention de sponsoring, le Casa-Sport, allait désormais faire la communication d’ASTRON comme Qatar Airways fait le sponsor de la Compagnie nationale qatarie à travers les maillots de grands clubs de foot européens comme Barça. A la suite de la crise entre l’Arabie Saoudite et le Qatar il a couru la rumeur que porter le maillot avec Qatar Airways en Arabie Saoudite était passible d’au moins 88 millions CFA et de 15 ans de prison. Comme quoi donc, porter un maillot qui fait la publicité d’une entreprise c’est soutenir cette entreprise.  

 

Mais, c’est ce que certains esprits malins (à l’image d’un certain Papo Mané) ne comprennent pas et vont jusqu’à défendre l’idée que la quête d’une supposée autonomie financière pour le Casa-Sport, est au-dessus des exigences posées à ASTRON, qui peine depuis quelques années à débuter réellement l’exploitation d’un gisement de Zircon à Niafrang à la frontière Sénégal – Gambie. Difficultés qui sont liées au seul fait que les populations veulent préserver leur patrimoine foncier et environnemental.

 

Comme elles doivent se sentir trahies ces populations casamançaises, de voir que pour une somme ridiculement ASTRONomique, l’élite du Casa-Sport collabore à un plan de communication contre elles. Ces gens-là ont-ils été dans le bois sacré ?

 

C’était juste une question réthorique. Et ASTRON devrait bien apprendre à connaître l’histoire du Casa-Sport, Club qui ne se risquerait jamais à jouer le rôle d’intermédiaire, de « Casamanqué » contre les Casamançais.

N’est-ce pas d’ailleurs ironique, que deux jours avant la médiatisation de la signature de la convention (08 juin 2017) le Président du Club traitait les dirigeants du football sénégalais (Fédération et Ligue) de « fossoyeurs de l’unité nationale », demanda la « mobilisation de tous pour lutter contre un complot qui consiste à liquider le Casa-Sport », et menaça même de se « retirer tout simplement du championnat de football sénégalais » (APS, 06 juin 2017).

 

Espérons qu’ASTRON construira un bunker à son nouveau partenaire du Casa-Sport pour résister aux assauts de l’ASFA. Notre potentiel rebelle pour une indépendance footballistique du Casa-Sport ne fait-il pas déjà écho à l’autre lutte d’indépendance ; elle au moins plus noble, parce qu’historiquement renseignée par la cause de défendre le droit foncier Ajamaat, droit mélano-africain qui protège le patrimoine environnemental du Territoire de la Casamance, et singulièrement, Niafrang ?

 

Telles sont les sources de conflictualités qui intéressent l’armée de la parole afin de taire le bruit des armes à feu en Casamance. M. l’Ambassadeur de France au Sénégal / S.E.M. Christophe Bigot, est certainement un de ses meilleurs alliés sur le terrain, raison pour laquelle cette lettre (ouverte) lui a été précédemment envoyée, le 28 Mai 2017.

 

Lettre ouverte à SEM Christophe Bigot, Ambassadeur de France au Sénégal

 

Monsieur l’Ambassadeur,

Pendant un temps long pour tout amoureux de la Casamance, un interdit rouge des chancelleries désolait notre chère région, et dans l’appréhension du sort qui menaçait ce Territoire au potentiel économique énorme, votre cœur en toute amitié s’en est ému. Nous vous en sommes gré.

 

Prenant votre responsabilité, confiant en la grandeur de vues des différents protagonistes, Etat du Sénégal et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), instruit par les rapports de protection que la France a toujours voulu historiquement accorder à la Casamance et grâce à la force humaniste qui caractérise votre Nation; vous n’avez pas hésité à mettre fin à cette situation qui condamnait les populations casamançaises.

 

Conscient de tout cela, nous nous autorisons avec votre permission, Monsieur l’Ambassadeur, d’attirer votre attention sur l’arrivée d’investisseurs dans le secteur de la transformation des produits halieutiques en Casamance. Plusieurs de ces industries déjà installées sur la côte sénégambienne sont accusées par les riverains de polluer l’atmosphère. Situation qui s’apparente aux yeux des citoyens aux logiques criminelles.

 

C’est la raison pour laquelle, nous vous demandons d’intercéder auprès de l’Etat du Sénégal, afin qu’il exige aux industries qui veulent s’établir en Casamance des règles strictes en termes de protection de l’environnement.

 

Excellence, nous n’ignorons pas que la diplomatie a ses règles. Cela étant dit, nous ne croyons pas que cela aille à l’encontre des lois de protection de notre environnement.

 

En outre, les Casamançais ont déjà vu à travers vos actions, l’exemple d’une France protectrice par votre ferme engagement à nous aider à lutter contre la déforestation, ainsi que votre combat pour la relance du tourisme Casamançais. Il serait dommageable qu’une usine comme celle actuellement en construction au cœur du village d’écotourisme d’Abéné, vienne à souiller la « Smiling Coast » (côte souriante), la transformant petit à petit en «  Smelling Coast » (côte puante).

 

Excellence nous connaissons l’affligeante faiblesse des moyens de nos élus locaux après la constitutionnalisation de la décentralisation.

Nous disons cela, et nous aurions pu vous parler également de la « casamançaise », cette usine d’eau à Capo Rosso, qui contribue a la salinisation des sols et pille les ressources en eau des riverains sans offrir des perspectives pour le long terme ; de la déchetterie et du déversement des boues de fosses septiques de manière sauvage à Brin, dans la commune d’Enampore « obligée » qu’elle est d’empoisonner sa nappe phréatique en « absorbant » les matières organiques de la ville de Ziguinchor.

 

Ainsi, Monsieur l’Ambassadeur, de Kafountine à Cabrousse, nos Maires au nom d’une politique de décentralisation qui leur demande de trouver les moyens d’exister, cèdent à des solutions séductrices sans en mesurer les conséquences.

 

Nous voulons réellement protéger la nature et le développement de ce Territoire. Il serait préjudiciable que la pollution l’afflige un autre destin, à cette Casamance que nous aimons tant.

 

Voilà pourquoi nous croyons pouvoir compter sur votre intervention, parce que nous vous savons prévoyant, que vos différents voyages en Casamance vous ont permis d’entrevoir le sort fatal que cette situation réserve aux Casamançais.

 

Daignez agréer, Son Excellence, Monsieur Christophe BIGOT, les témoignages de notre profond respect.

 

 

Un humble serviteur du Territoire de la Casamance

Dr Pape chérif Bertrand Bassène, Akandijack

 

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