Quartier à la une. Fann Hock/ Entre opulence et pauvreté

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La crise, ces dernières années, a atteint de vastes proportions dans la capitale sénégalaise. Un phénomène auquel, les quartiers résidentiels de Dakar comme Fann Hock n’échappent pas. Cette cité constituait, jadis, une véritable vitrine de l’aisance et d’une vie confortable. Aujourd’hui, cette crise qui frappe de plein fouet le pays a installé les familles dans des ennuis sans nom. Quartier célèbre par sa proximité avec l’Université de Dakar et la cité des jeunes filles Claudel, Fann Hock a perdu son lustre d’antan à cause de la pauvreté due au chômage des jeunes qui ne peuvent pas prendre la relève des parents

Des rues spacieuses, bordées d’arbres, propres où passent par moment quelques enfants, garçons et files, revenus de l’école. Ils habitent le quartier. Un quartier bien loti avec des rues numérotées comme celles de la Medina. Il est construit en 1932 bien avant les indépendances et la deuxième guerre mondiale. Les premiers habitants sont des militaires. Certaines habitations le montrent.

Bordé par le canal IV d’un coté et de l’autre par la corniche, Fann Hock n’est pas éloigné de Fann Résidence et se présente comme le quartier des étudiants. Ils sont nombreux dans le quartier. Ils habitent en location dans beaucoup de ses maisons. Apparemment, Fann Hock n’a pas connu la quiétude des quartiers résidentiels comme la Sicap Fann ou Fann Résidence dans la même commune d’arrondissement de Fann Point E Amitié. Sa proximité avec l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et la cité Claudel (pavillon des jeunes filles pensionnaires de l’université de Dakar) fait que sa notoriété dépasse même les frontières. Une notoriété qui s’explique selon cet étudiant en première année de droit par la présence de plusieurs étudiants étrangers qui habitaient lors de leur dans le quartier séjour. « La téranga sénégalaise dont il sont entourés fait qu’ils gardent encore longtemps les souvenirs du pays sans être inquiétés » a-t-il expliqué devant ses amis.

Une idée soutenue par le groupe de femmes trouvées dans une maison du quartier à l’heure du petit déjeuner. « C’ est vrai nous avons des amis et correspondants d’autres pays de la sous région et même des iles Comores et du Maroc. Ils ont habité avec nous en parfaite harmonie. Ce qui a fait qu’à leur retour au pays, ils ont gardé le contact avec nous. On se parle au téléphone ou par mail et avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, il nous arrive de nous connecter pour parler librement sans compter le temps » raconte Khadidiatou Sy habitante du quartier depuis plus de quarante ans.

Quartier semi résidentiel

Quand on parcourt les ruelles de Fann Hock et autres, on n’ose guère imaginer que la crise a fait son entrée dans les foyers. Les belles maisons offrent l’image d’un secteur résidentiel épargné par les dures réalités économiques de l’heure. Les propriétaires, aujourd’hui de vieux retraités, se sont battus et sont parvenus à assurer un bon toit à leurs familles. Mais là où le bât blesse, c’est l’absence notoire de relève dans ces quartiers.

Pourtant, certains parents, disposant d’un revenu assez confortable ont pu épargner et construire d’autres maisons qu’ils mettent aujourd’hui en location. Ce qui leur permet de bien arrondir les fins du mois. D’autres en revanche ont dû se sacrifier pour amener leurs enfants à l’Etranger.

En effet, ce quartier jadis, bastion d’anciens cadres de l’Administration et de l’armée est devenu aujourd’hui un lieu de débauche pour certains. L’insécurité gagne du terrain sur le long de la rue qui longe le canal VI. « Seuls les étrangers sont victimes d’agression sur cet axe du canal à partir de dix sept heures. C’est parce qu’ils ignorent les réalités du quartier. Mais nous qui vivons ici depuis longtemps nous n’osons jamais nous aventurer dehors à partir de certaines heures » commente le jeune Diawara. Le manque d’éclairage public augmente l’insécurité chez les populations. Aujourd’hui, la crise avec son cortège de difficultés fait que les populations de ces quartiers « chics » consentent à s’ouvrir sur les autres. « Malgré la fraternité, qui existait entre les pères de famille de ce quartier, les jeunes eux restaient cloîtrés chez eux devant la télé ou leurs jouets, car ils avaient tout ce dont ils avaient besoin dans les maisons », fait remarquer Omar Traore. Du fait de la proximité de l’Université de Dakar, beaucoup de chambres dans les maisons sont en location. Tous les étudiants en effet ne peuvent pas loger à la Cité Claudel ou dans les pavillons de l’Université de Dakar. C’est la raison pour laquelle ils sont obligés pour certains de louer une chambre. D’autres par contre sont obligés de se cotiser pour la location.

Mais de nos jours, un simple tour dans ces localités permet de constater facilement que ce n’est plus l’aisance dans tous les foyers. Première remarque : l’état de délabrement souvent avancé des bâtiments. Une preuve que la survie quotidienne prime désormais sur le bien-être. Et signe de cette politique de débrouille, presque tous les garages des maisons sont transformés en commerce ou ateliers de tailleurs. Car ici, la crise a véritablement fait tomber les barricades et les verrous.

Fann Hock ne dispose pas d’école primaire pour les enfants. Le chef du quartier El Hadji Mamadou Djité estime que beaucoup d’accidents d’enfants sont dûs à ce manque. « Les enfants quittent Fann Hock pour se rendre dans les autres quartiers. C’est bien mais, on voudrait d’une école primaire. Parce que c’est très dur pour eux et nous les parents. Certes, le centre de santé est presque fini mais une école ferait notre bonheur aussi » ajoute M. Djité

Des baraques au cœur du quartier

Les jeunes, pour la plupart, n’ont pas une grande culture de travail. Ils se réfugient derrière leurs parents pour satisfaire les besoins. Ces jeunes s’adonnent aujourd’hui à tous les boulots pour s’en sortir. Et pour la plupart ils s’adonnent à la vente de café Touba. « Au lieu de passer notre temps devant la télé, nous avons eu l’idée de mettre en place de petits commerces comme la vente de café Touba, car les temps ont beaucoup changé. Il est difficile de devoir tout le temps tendre la main à la maman ou au grand frère », confirme le jeune Baye Demba, au style « jump » avec son pantalon jean et ses chaussures basket.

Fann Hock qui naguère respirait la rigueur, le chômage a pris le dessus sur tout. La pauvreté a tapé à la porte du quartier. « Il nous arrive de sortir la nuit pour aller acheter le diner parce qu’on ne prépare que le déjeuner. Pour le diner chacun se débrouille selon ses moyens » explique Lala Dème. La rue qui va vers la Sicap Fann Hock est bordée de baraques. Des femmes de nationalité étrangère y vivent avec leur famille. Elles sont actives dans le commerce. Les baraques servent à la fois de chambre, de gargote et de magasin. Inimaginable dans ce quartier, il y a quelques années auparavant. Dans ce quartier, plus que partout ailleurs, la crise a laissé de réelles marques de prise de conscience du fait que ses habitants ne croyaient pas une seule fois vivre ces difficultés d’une telle ampleur. Cette réalité peut être étendue à plusieurs zones de la capitale où les difficultés économiques ont fini de dessiner une nouvelle pyramide sociale.

Dans beaucoup de ces grandes maisons, vivent en location des familles étrangères de nationalités différentes qui ne prennent pas soin de l’aspect historique du quartier.

Cité Alin Sitoe Diatta ex Claudel

A l’origine, c’était un camp militaire. Les bâtiments abritaient la direction de l’Artillerie et l’Infanterie coloniale. « C’est lorsque le Sénégal a eu son indépendance et que les militaires soient partis que le gouvernement du Sénégal a trouvé bon d’y installer les étudiantes pour les séparer des garçons » confie le chef du quartier.

La Cité Claudel, est le pavillon réservé aux étudiantes de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD. Elles sont nombreuses les personnalités du pays qui sont par cette cité. Aujourd’hui, sa réputation est un peu écornée du fait de la prostitution déguisée qui dit-on régnerait dans les couloirs de l’Université de Dakar. Une accusation que réfute totalement cette étudiante voilée : « On ne doit pas voir la prostitution au niveau de la Cité. Non ! Je suis désolée de le dire dans la Cité Claudel vivent des filles bien qui en sont sorties avec leur diplôme et sont devenues des personnalités ». Une gérante de boutique en face de la cité explique qu’elle vient de faire un mois,et ne peut rien dire sur les filles. « En tout cas, celles qui viennent dans mon magasin sont sympathiques.

Sinon, j’ai entendu parler des cas de prostitution, mais je n’ai jamais vu depuis que je suis là une chose qui lui ressemble » indique t-elle. Une petite enquête dans le quartier permet de dire qu’il existe des cas de prostitution à la Cité Claudel. Une certaine prostitution n’est pas à écarter dans la Cité. A en croire cet homme d’âge mur, elle existe et est encouragée par le laxisme des gardiens moyennant bien sur, une certaine largesse de la part de ces filles : « comment peut-on voir une fille qui n’a que sa bourse s’habiller très chic et cher alors que ses parents sont à la limite pauvres. Elle est entretenue par qui ? Vous croyez que les garçons donnent leur argent gratuitement ? ». La cité comme l’université ont perdu leur aura depuis longtemps.

Université Cheikh Anta Diop Dakar

Cinquante ans après sa création, en 1957, l’université de Dakar est officiellement inaugurée le 09 décembre 1959 après une longue évolution marquée par :
- la création d’une Ecole Africaine de Médecine, de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN) en 1936, la création d’un certificat de Physique, Chimie et Biologie (PCB), préparatoire aux études médicales et par l’ouverture au début des années cinquante d’Ecoles Supérieures académiquement rattachées à l’Université de Bordeaux dans le cadre de ce qui fût appelé en 1950, Institut des Hautes Etudes de Dakar, l’érection de facultés indépendantes en lieu et place de ces écoles supérieures pour former la 18ème Université Française, académiquement rattachée aux Universités de Paris et de Bordeaux, en 1957.

Quelques semaines après le décès de son Parrain actuel Cheikh Anta Diop survenu le sept février 1987, elle change de nom. A partir du 30 mars 1987 la seule université du Sénégal porte le nom du panafricaniste Cheikh Anta Diop. En en 1994, survient la réforme pédagogique issue de la Concertation Nationale sur l’Enseignement Supérieure et la création la faculté des Sciences Economiques et de Gestion. En 2003, le système LMD y est introduit. En 2004 la Faculté des Sciences et Technologies de l’Education et de la Formation (FASTEF) mise voit le jour. La réforme des études doctorales suit en 2005.

Presque tous les cadres du pays sont passés par l’université de Dakar. En dépit d’un programme plus étoffé, l’Université de Dakar a perdu de son aura auprès des futures bacheliers et parents d’élèves. D’événement en événement les étudiants de Dakar ne manquent pas de se créer une réputation de frondeur et de cataloguer leur établissement de difficile. La dernière en date est la vente de drogue par des étudiants Ibadourahmane.

ENCADRE

El Hadji Mamadou Djité chef du quartier de Fann Hock 96 ans connait bien le quartier

C’est en 1932 que les premiers habitants se sont installés. Ils ont quitté le centre ville pour venir s’installer dans le quartier. Il n y avait que des militaires. C’est mon père qui fut le premier chef du quartier. Ici, toutes les familles se connaissent. S’il y en a une qui a des difficultés c’est tout le quartier qui se lève comme un seul homme.

C’est à la suite de son décès que j’ai pris le relais. Ils sont venus de Hogue, un quartier lébou de Dakar. Le chef du village d’alors s’appelait Ousmane Diop Coumba Pathé. A cette époque, on ne pouvait pas faire la différence entre la Gueule Tapée et Fann car il n’y avait pas le canal. Alieu Codou Ndoye habitait la Gueule Tapée. Ahmed Lamine Diène était Imam Ratib, et Youssou Diop le Grand Serigne de Dakar. Pendant les fêtes de Tabaski on allait prier à la Grande mosquée de Thieurigne.

Dans le quartier où vous êtes présentement, les femmes s’organisent en tontine mais, ne se fréquentent que rarement. Notre seul problème réside dans le fait que nos enfants n’ont pas d’école primaire même si le centre de santé est presque fini. L’insécurité aussi est un problème. Des gens sont agressés. J’ai 96 ans je connais beaucoup de choses dans le quartier. Je suis en quelque sorte une mémoire vivante du quartier.

AFRICANGLOBALNEWS.COM

2 Commentaires

  1. L’article est riche en contenu. Loin de faire du sensationnel il décrit froidement la situation économique sociale urbaine bref sociologique d’un quartier lustre d’antan progressivement atteint par le phénomène mondial de la pauvreté. Dans nos villes et nos faubourgs cohabitent le « riche » et le « pauvre » l’opulent et l’indigent. Le choc de ces extrêmes nourrit le banditisme et favorise l’exacerbation de linsécurité. Quand la pauvreté frappe à la porte on doit s’armer des valeurs douleureuses d’y travail: la persistance dans l’effort, le courage dans la constance et par devers tout la foi en la providence.

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