Qui sème la misère, récolte la colère

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« Lorsqu’on a l’honneur de tenir une plume, on se consulte avant d’écrire, et quand on a écrit une page, on l’affirme, on la défend. »

Emile Zola

Depuis lundi dernier, certains font un procès bien injuste à la presse. Dans les forums d’auditeurs à la radio et même dans quelques débats sur les réseaux sociaux, les journalistes sont épinglés comme les pyromanes qui ont embrasé le pays. Que nous reproche-t-on au juste ? De « trop » dire la vérité, l’âpre vérité. D’en faire des vertes et des pas mûres sur les dérives du régime. D’exacerber le mécontentement des Sénégalais. De trop la ramener sur la dévolution monarchique du pouvoir. Du coup, certains viennent à déplorer ce qu’ils qualifient d’excès de transparence et appellent à plus de d’autocensure. Mais cela ne se passe pas comme ça. Les journalistes n’ont qu’une seule obligation : le devoir d’informer juste et vrai. Pour la satisfaction de cet idéal là, il n’y a pas de compromission possible, du moment que le postulat d’informer juste et vrai est rempli. Dans le cas du projet de loi instituant le ticket présidentiel, les journalistes sénégalais n’ont pas dérogé à la règle. Ils n’ont pas mené un combat personnel contre Wade et son camp, mais ils ont alerté le peuple sur les conséquences incontestablement antidémocratiques d’une telle mesure. Et que l’on sache, les Sénégalais, qui ont envahi la place Soweto le 23 juin, ne sont pas des moutons de Panurge manipulés par les écrits d’on ne sait quel éditorialiste. Ils ont le bagage intellectuel suffisant pour discerner le vrai du faux, et ils ont compris sans l’aide de personne, que la promulgation de cette loi était la porte ouverte à toutes les forfaitures.

Quant à la violence aveugle et bête qui s’est déployée, lundi dernier, la presse ne saurait en être tenue pour responsable. Il suffit de réécouter les appels au calme lancés par les animateurs radio pour s’en convaincre. Par contre le pouvoir n’est pas exempt de toutes critiques. Nous n’allons pas nous livrer à une énième philippique sur les ratés de la politique énergétique (véritable cause des émeutes) et ce « Plan Takkal » qui refuse manifestement de ramener l’électricité. Par contre, comment ne pas interpréter comme de la provocation, l’autisme qui règne au palais depuis le 23 juin. Abdoulaye Wade se comporte-t-il encore comme le président des Sénégalais ? La réponse est clairement : non. Au lieu de s’adresser à la nation, pour lui dire qu’il n’a pas été sourd à ses récriminations, Wade a convoqué son parti en réunion, pas pour changer de politique, mais pour tenir un discours combattif, en demandant à ses militants de se mobiliser pour aller à la castagne s’il le faut. Pis, on apprend même que des mercenaires ont été recrutés pour casser du jeune, du journaliste et de l’opposant. L’art d’apporter les mauvaises réponses aux bonnes questions, la passion de l’erreur. Voilà ce qui résume aujourd’hui le chef de l’Etat.

Ceux qui étaient à la Place Soweto savent que l’opposition et les journalistes ont eux même été dépassés par l’ampleur de la furie. On avait là-bas une bande jeunes excédés par le chômage, déprimés de passer la majeure partie de ces journées dans le noir, frustrés de voir que les richesses du pays sont accaparées par une poignée d’individus dénués de tout sens de la mesure. En somme, pour détourner une phrase de la Bible, disons : qui sème la misère, récolte la colère. Apportez un palliatif aux souffrances du peuple, messieurs du pouvoir, au lieu de chercher des bouc-émissaires ça et là. Ne dérivez pas de l’Alternance au fascisme, Maître.

Adama NDIAYE, xalimasn.com