Quincy Jones : «Je rêvais d’être gangster mais tout a changé avec une note de piano».

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A 86 ans, l’immense compositeur et producteur de disques – dont le «Thriller» de Michael Jackson, le plus vendu de l’histoire – donnera un concert événement à Paris, le 27 juin.

Avec Quincy Jones, tout est plus grand. A commencer par le CV de ce musicien, compositeur, arrangeur et producteur américain de génie : 2900 chansons et 50 musiques de films, qui lui ont valu des centaines de récompenses, dont 27 Grammys, 400 disques, dont le plus vendu de tous les temps, le « Thriller » de Michael Jackson écoulé depuis 1982 à 60 millions d’exemplaires. Autant dire que le concert qu’il donnera à l’AccorHotels Arena, le 27 juin, avec un orchestre symphonique, dix-neuf ans après sa dernière scène parisienne, est un événement immanquable.

C’est aussi un miracle, car « Q », comme il était surnommé par Sinatra, a survécu à une rupture d’anévrisme (en 1974) et deux AVC, dont le dernier en 2015. A 86 ans, il ne quitte qu’exceptionnellement Los Angeles et n’a accepté de répondre à nos questions que par mail (en éludant les trois consacrées à Michael Jackson).

Votre dernier concert à Paris remonte à juillet 2000 au Théâtre de Champs-Elysées. Comment est venue l’envie de revenir ?

QUINCY JONES. En 2016, nous avons fait un show avec grand orchestre pour la BBC et j’ai tellement aimé que j’ai voulu continuer. Et il n’y a pas mieux que Paris. La France est ma deuxième patrie. Depuis mon premier voyage adolescent comme trompettiste de Lionel Hampton, j’ai toujours été attaché à votre pays. Lorsque je suis revenu étudier avec Nadia Boulanger (NDLR : compositrice, pianiste et professeur), j’avais prévu de rester deux semaines et je suis resté cinq ans. Une de mes fiertés est d’avoir été fait commandeur de la Légion d’Honneur(NDLR : en 2001 par Jacques Chirac).

Lesquelles de vos 2900 chansons allez-vous jouer à Paris ?

Certains de mes tubes les plus populaires avec Ray Charles, George Benson, James Ingram et Michael Jackson, vous savez donc que nous allons danser ! J’ai hâte de faire la fête !

Dans le documentaire «Quincy», qui raconte votre vie, vous dites : Un jour, j’ai trouvé un piano et cela m’a sauvé la vie. Sans cela, j’aurais pu finir en prison ou mort.

J’ai grandi à Chicago dans les années 30 pendant la Grande Dépression et vécu au milieu du plus grand ghetto noir d’Amérique. Enfant, je n’ai vu que des mitraillettes et des cigares. Et puis mon père nous a fait déménager à Bremerton, dans l’état de Washington, puis dans la banlieue de Seattle. A 11 ans, je cambriolais une armurerie avec mon frère et des amis quand j’ai vu dans un coin un petit piano droit. Une voix, j’aime croire que c’est celle de Dieu, m’a dit : « Retourne dans cette pièce. » Je suis entré et dès que j’ai touché ce piano, chaque cellule de mon corps a dit : « C’est ce que tu dois faire pour le reste de ta vie. » Jusque-là, je rêvais vraiment d’être gangster, mais tout a changé avec une note de piano.

En 1957, vous venez étudier la musique à Paris. Pourquoi ?

Je voulais désespérément apprendre à écrire de la musique pour cordes et en Amérique, c’était très mal vu de l’enseigner à des noirs. Et Nadia Boulanger était le meilleur professeur qui soit. Elle a enseigné à Ravel, Stravinsky, Bernstein ! Elle m’a appris toutes les techniques pour devenir un compositeur à succès.

Vous rencontrez alors Michel Legrand…

Michel était comme un frère pour moi. C’était un compositeur brillant. J’ai tellement de bons souvenirs avec lui à Paris et dans le sud de la France. Michel avait écrit avec Alan et Marilyn Bergman le duo ««How Do You Keep The Music Playing » de James Ingram et Patti Austin que j’avais produit. Cela m’a bouleversé de perdre Michel et James à trois jours d’intervalle.

En 1964, Frank Sinatra vous appelle pour collaborer. En quoi a-t-il changé votre vie ?

Lorsque vous travaillez avec Ray Charles, Sarah Vaughan ou Frank Sinatra, il vaut mieux savoir ce que vous faites. Sinon, ils vous mâchent et vous recrachent aussi sec. Quand Frank a appelé, j’étais prêt ! Nous avions déjà collaboré lorsque je travaillais pour le label Barclay à Paris en 1958. Le bureau de la princesse Grace de Monaco m’avait appelé : « Francis (NDLR : le vrai prénom de Sinatra) a besoin d’un orchestre pour un spectacle au Sporting Club. » J’avais 25 ans et j’allais diriger son orchestre ! A la fin du concert, il m’a serré la main : « Bon travail, Q. » Il a été le premier à m’appeler Q.

Ensemble, vous avez combattu le racisme avec efficacité. Comment ?

Sinatra était plus grand que la vie ! S’il t’aimait, rien ne lui était impossible. Et nous étions des frères d’armes. Quand nous sommes allés à Las Vegas enregistrer « Sinatra At The Sands » avec Count Basie, les Afro-Américains n’étaient pas autorisés à entrer dans les casinos et les hôtels. Imaginez ! Sammy Davis et Harry Belafonte jouaient dans les grandes salles de bal, mais devaient passer par la cuisine et dormir dans les hôtels du quartier noir. Quand nous sommes arrivés, Frank a dit : « C’est hors de question ! » Il nous a assigné des gardes du corps et leur a dit de gérer si quelqu’un nous posait problème. Cela a changé les règles.

Vous avez beaucoup œuvré pour les droits des Noirs et de l’Homme. Est-ce plus important que la musique ?

Mon ami Bono (NDLR : chanteur de U2) aime dire qu’en tant qu’artistes, nous devons utiliser notre renommée pour rendre le monde meilleur. Et il a absolument raison. De la chanson « We Are The World » pour l’Afrique en 1985 à notre délégation en 2000 au Vatican pour l’allègement de la dette du tiers-monde, j’ai été le témoin privilégié du pouvoir de la musique pour rassembler les gens.

Vous considérez-vous comme un survivant ?

Absolument. Quand vous rencontrez la mort autant de fois que moi, je ne vois pas de terme plus approprié.

«Quincy Jones. A musical Celebration», le 27 juin à l’AccorHotels Arena, Paris (XIIe) ; il reste des places de 56,50 à 155,50 euros.

Du ghetto au gotha.Le passionnant documentaire « Quincy » – sorti sur Netflix – raconte comment cet enfant du ghetto de Chicago est devenu le plus grand producteur de tous les temps. Comment il a surmonté l’absence de sa mère, internée alors qu’il avait 7 ans. Comment son père menuisier l’a sauvé. En 1974, il est embauché comme directeur musical du film «The Wiz », avec un certain Michael Jackson à l’affiche. Coup de foudre artistique et humain réciproque. Il produit son premier album solo, « Off the wall », qui se vend à 8 millions d’exemplaires, puis « Thriller ». Son secret ? Il n’a gardé que 12 chansons sur 600 ! Le revers de la médaille, c’est sa vie de famille chaotique. «Ce n’était pas facile d’être sa femme », reconnait la première, Peggy Lipton. Il aura trois femmes et sept enfants, dont une fille avec l’actrice Nastassja Kinski.

Eric Bureau

2 Commentaires

  1. quel grand homme ! il a pratiquement révolutionné le jazz à lui tout seul ! tout lui a réussi ! je vous conseille d’écouter ou de réécouter soul bossa nova ! voici le lien : https://www.youtube.com/watch?v=T5ALPzS0QfQ ! ceux qui aiment cette musique reconnaîtront le thème du film pink panther (la panthère rose) avec l’époustouflant steve martin ! à propos de ce morceau-culte, rahsaan rowalnd kirk y joue de la flûte ! une merveille !

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