Référendum du 20 mars – Le Jour d’après (Par Yoro Dia)

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Le 20 mars 2016 ne sera pas une révolution. Que le OUI ou le NON l’emporte, ce référendum ne sera pas une révolution parce que son impact institutionnel ne sera pas déterminant. Que le OUI ou le NON l’emporte, il y aura des drames politiques sur des acteurs mais aucun impact sur notre système. Des carrières politiques individuelles seront brisées ou des destins politiques personnels relancés mais le système politique ne ressentira aucune secousse. Si le NON l’emporte, ce sera le début de la fin pour l’acteur politique Macky Sall. Si le OUI l’emporte, l’opposition sera très mal en point et aura du mal à retrouver un second souffle pour gagner les législatives et dans la foulée la présidentielle de 2019.

Le 19 mars 2000 a été un changement d’ère. Avec cette première alternance démocratique, le pouvoir est passé pacifiquement d’un homme à un autre mais nous sommes passés d’une ère socialiste de 40 ans à une autre sans que cela n’impacte notre système politique qui a été suffisamment solide pour absorber le choc en quelques jours. Ce qui fait que l’alternance de 2012 fut fort banale parce que l’alternance est la ‘’respiration naturelle de la démocratie’’.

Nous sommes le seul pays au monde capable d’élire un président de la République et de l’installer une semaine après et de lui faire présider le défilé du 4 avril dans la foulée. Notre administration est aussi capable de relever le défi d’organiser une consultation électorale en moins d’un mois. Ce qui est exceptionnel en Afrique. Ces deux performances sont la preuve que notre pays n’a ni un problème institutionnel ni un problème électoral. Le Sénégal se passionne, consacre toute l’énergie de son élite sur la question institutionnelle qui en réalité n’en est pas une. On a l’impression que le débat sur la réforme perpétuelle des institutions est entretenu de façon artificielle par la classe politique pour éviter les vraies questions.

Le Sénégal a déjà perdu 4 ans sur la question du mandat. Nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge espagnole du mandat que des rentiers de la tension s’engouffrent déjà dans la question du 3e mandat de 2024. Ce débat sur le 3e mandat n’a pas de sens. Avant de nous projeter sur une hypothétique question de 2024, essayons de régler les urgences du présent. En plus, la jurisprudence Wade a réglé la question. Le Pape du Sopi a fait du forcing juridique en 2012 en imposant sa candidature, le peuple a tranché la question démocratiquement en le chassant du pouvoir. Poser déjà la question du 3e mandat est une distraction massive parce qu’elle va ouvrir une nouvelle page du cycle infernal de la question électorale qui prend le pays en otage depuis 1983.

Polémiques économiques

« It is the economy stupid » (c’est l’économie Idiot). C’était le slogan de campagne de Clinton qui a coulé Bush père en 1992. Clinton, alors jeune gouverneur de l’Arkansas, rappelait à Bush père auréolé de la victoire sur Saddam que dans une grande démocratie, l’économie est toujours au cœur du débat. On doit lancer le même slogan contre nos hommes politiques. Un homme politique doit être désormais jugé sur ses aptitudes à faire des propositions ou faire avancer notre économie mais pas sur sa capacité à réformer ou à améliorer notre système démocratique qui est suffisamment solide au point d’avoir produit plusieurs alternances en 12 ans.

La démocratie est la compétition des réponses aux questions que le citoyen se pose. Donc dès le jour d’après, (21 mars 2016), il urge de changer la courbe du débat. Après la polémique cosmétique et artificielle entre constitutionnalistes, nous rêvons de débats aussi passionnées entre économistes. Nous rêvons d’une polémique entre Amadou Aly Mbaye et Felwine Sarr sur la croissance. Nous rêvons d’une polémique entre Amadou Ba et El Hadji Ibrahima Sall. Cette passion pour les polémiques économiques doit être la nouvelle frontière que notre démocratie doit atteindre.

Après le 20 mars, exigeons la fin de ce débat perpétuel sur les institutions car il n’y a pas d’institutions parfaites. Le système électoral américain est le plus complexe du monde mais il est devenu « parfait » avec le temps. Laissons donc le temps parfaire nos institutions qui fonctionnent très bien. Après le 20 mars, exigeons un débat sur comment les politiques comptent s’y prendre pour gagner la paix en Casamance après que l’armée a gagné la guerre. Exigeons un débat sur comment mettre fin à la longue agonie de l’école publique et de l’Université. Exigeons un débat sur la vision de nos hommes politiques sur la place du Sénégal en Afrique où nos soldats et nos diplomates sont au cœur de la nouvelle pax Africana.

Après le 20 mars, disons « Y en a marre » au débat sur la réforme perpétuelle de nos institutions qui prend en otage le pays depuis 1983. Nous devons avoir une nouvelle ambition : « Être l’exception économique après avoir été l’exception démocratique ». Comment devenir la première économie en Afrique de l’Ouest par exemple ou comment dépasser le Kenya dans le domaine du numérique. Nous avons une meilleure bande passante que le Kenya et un Internet moins cher et pourtant, ce pays est le premier sur le continent en termes de mobile banking.

Aucun homme politique n’a le temps de penser à ces questions étant donné que 99% du cerveau des politiques est focalisé sur la question électorale. Nous sommes déjà une grande démocratie. C’est notre avantage comparatif mais avec ce débat perpétuel sur la réforme des institutions, le Sénégal dort sur des lauriers qui sont en train de se faner car la démocratie qui était notre rente est devenue un produit banal.

Yoro Dia

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