Reportage – La banlieue de Dakar à l’heure du coronavirus : Focus sur les oraisons populaires

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XALIMANEWS- Le 14 mars 2020, le Sénégal vit une nouvelle étape de son histoire. Le pays, à l’instar du monde, doit faire face à la nouvelle maladie du covid-19 qui fait des ravages dans les pays les plus développés au grand dam des systèmes de santé les plus puissants au monde. Des premières mesures sont annoncées par le Président Macky Sall. Plus ou moins difficiles, elles doivent s’imposer aux populations.
En banlieue dakaroise, notamment entre le centre de Pikine et Guédiawaye, la vie a une nouvelle couleur. La population, requise dans son tumulte quotidien, s’est réveillée sur une cacophonie inconnue. Avec des hommes de maintien à tous les coins de rue, les choses devraient changer d’une façon ou d’une autre.
Apprendre à vivre avec le coronavirus
Guédiawaye, le calme d’une cité ordinaire relève d’un moment grave. Les échos d’un intrus maléfique sont passés par là. Ici, les habitants ont entendu parler du coronavirus. « Une maladie qui tue et qui est arrivée au Sénégal », répond Ousseynou, un jeune homme qui, à défaut de participer à un quelconque rassemblement, prépare la « traditionnelle retrouvaille » entre amis du quartier pour le service de thé, devant sa maison. En « intellectuel » célébré du groupe, il dit pourtant avoir expliqué aux autres les nombreuses craintes autour de ce mal populaire qui sévit. Toutefois, pour eux tous, y compris lui, « ce n’est qu’une séance de thé entre eux ! ».
« De toute façon, nous n’allons pas loin. C’est dans le quartier. C’est comme si nous étions en famille. Et je ne pense pas que les nombreuses familles soient aussi prises à tort pour rassemblement », analyse Mame Mor. Dans sa fine conscience, soudain prise au dépourvu pour une histoire d’épidémie, il ne faut pas que la vie s’arrête. Mieux, selon lui, la vie en communauté permet de transcender de nombreux problèmes.
« De toute façon, nous sommes conscients. Ce qui est sûr est que la maladie existe et nous respectons les mesures d’hygiène », rétorque, son ami Mouhamed qui trouve qu’il ne faut pas trop s’en faire au point de se confiner dans sa chambre. Mieux, son travail et ses amis sont incontournables et il apprendra «à vivre avec le Covid 19 ».
Les enfants quittent l’école et investissent la rue
Dans une de ses nombreuses ruelles qui mènent à la sortie de cette cité à Guédiawaye, quelques jours après l’arrêt des cours, des enfants, ballon au pied, improvisent des séances de foot. Si les plus jeunes n’ont pas une idée précise de la situation qui a mené l’école à fermer ses portes, les plus grands comprennent à peine le mal. « C’est le coronavirus qui est dangereux. On nous demande de rester à la maison pour nous laver les mains tout le temps et éviter les microbes », tente d’expliquer Abou sous les rires chahutants de ses jeunes amis dont l’un raconte que son grand père est en train d’évoquer les saints pour conjurer le mauvais sort.
Mauvais esprit, bel hasard
Pour Pa Badji, un notable de ce quartier de Dakar, il s’agit justement d’un mauvais esprit qui hante la vie des populations. Plus qu’une punition pour avoir abandonné les valeurs ancestrales et humaines, cette maladie serait une interpellation divine qui devrait être guérie par une prise de conscience et un repenti populaire. « Il faut que les jeunes gens de cette génération reviennent sur terre, qu’ils demandent la clémence de Dieu et la bénédiction des ancêtres », conseille-t-il avant de prédire que le Sénégal s’en relèvera, balayant d’un revers de main que le traitement n’existerait pas encore. « Les autres en sont tués et cherchent toujours un traitement hélas, c’est un avertissement pour nous ; c’est parce qu’ils ignorent encore les signes divins. Cela ne s’arrêtera pas pour eux ou ce sera toujours aussi compliqué, entre tremblements de terre et maladies », a-t-il ajouté, parlant à haute voix, criant expressément son indignation, pour attirer l’attention d’un quinquagénaire du quartier qui passait par là et le saluait.
Chauffeur de son état, Ndiaye dit ne pas « trop se focaliser » sur la maladie. Pour lui, elle est bien présente certes mais il s’agit « d’un produit chimique » versé par les américains pour dominer le monde. Et même s’ils en comptent des morts ? Qu’importe ! Pour ce routier de métier, qui dit avoir tout vu dans la vie, la puissance et l’argent peuvent conduire à la folie. Et de préciser que le Sénégal ne s’en tirera en bon compte si le peuple prie que les mauvais esprits, qui s’en mêlent, le quittent. « C’est un bel hasard qui nous interpelle aussi sur la nécessité d’être ensemble, de rester soudés et de retourner à nos valeurs sociales au Sénégal », dira-t-il ensuite non sans être persuadé qu’une hygiène irréprochable et le fait d’interdire les rassemblements ou encore de fermer les mosquées pourraient sauver le Sénégal. Pire, Ndiaye déplore ces stratégies de l’étranger pour confiner les peuples et les pousser à abandonner la prière…jusqu’en Arabie ? « Ils veulent contrôler le monde. Il faut refuser et prier », marmonne-t-il en s’éloignant.
La maladie ou le décompte journalier
« Cette maladie n’est pas une mince affaire. Et je suis presque certaine que Dieu seul pourra nous tirer d’affaires (Yalla baxna). Il n’y a rien d’autre à faire », explique Ma Khady qui se plaint déjà du manque de confiance en Dieu de ces concitoyens. Pour cette mère de famille qui fait le tour des quartiers pour vendre de l’encens, entre autres produits cosmétiques, il faut respecter les mesures d’hygiène car c’est important. « Toutefois, on ne peut pas du jour au lendemain nous interdire d’aller et venir. Nous avons besoin de gagner notre pain au quotidien », lance-t-elle devant le redoutable témoignage d’une de ses clientes.
« Hier, des policiers, sortis de nulle part, ont tout bonnement gâché le mariage de ma nièce disant qu’il s’agissait d’un rassemblement alors qu’on était presque en famille. Cette situation est finalement invivable. Je pense qu’il faut qu’on arrête aussi de terroriser les populations », se plaint la bonne dame qui convient, toutefois, qu’une telle maladie exige de la rigueur personnelle. Selon elle, tout le monde devrait s’en faire pour soi-même.
Ce n’est pas l’avis de Mme Lam, sa voisine qui, au détour de cette conversation, se dit choquée par le laxisme de ses voisins. Pour elle, les collectivités locales ont une grosse responsabilité et que les choses vont s’aggraver dans les jours à venir. L’aide-soignante explique que, dans son coin de Pikine, rien n’a changé.
« Les gens pensent qu’il s’agisse d’un simple microbe qu’il faut combattre avec l’hygiène, encore que celle-ci laisse à désirer et qu’il n’est nécessaire de prendre aucune autre mesure de prudence. C’est alarmant. Ici, à Pikine, on dirait que les gens ne regardent pas les infos. Il faudrait peut-être que les journalistes pensent à montrer en boucle les images de l’Italie, de la France et des autres pays touchés », conseille-t-elle, visiblement dépassée par ce qui se passe dans son quartier. Vivant dans une grande famille, avec son mari et ses enfants, elle raconte qu’elle n’arrive pas à protéger ces derniers car ne pouvant pas les empêcher d’être avec les autres enfants de la maison ou c’est sa belle-mère qui fait sa loi, lui demandant de laisser les enfants vivre leur vie. Le plus souvent dehors, les enfants sont presque laissés à eux-mêmes, se dit-elle. Au moment où les papas et les mamans continuent tranquillement de vaquer à leur occupation ; la plupart est occupé par un travail qui lui permet de survivre. Ils ne pensent pas au confinement. Ce mot, d’ailleurs très loin de leur jargon, n’a pas sa place dans leur vie.
Toutefois, renseigne Mme Lam, non loin de son quartier, au niveau de la grande station de la ville, se pointent, depuis un moment, des policiers qui peuvent, selon, débarquer à tout moment pour faire appliquer la loi surtout en ce qui concerne le fait de laisser les enfants trainer.

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