Rétablissement de la sanction suprême : La peine de mort dans tous ses États

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Après la série de meurtres notée récemment, la pression s’accentue pour le rétablissement de la peine de mort. EnQuête vous propose une brève revue de cette pratique au Sénégal et dans le monde.

Le 10 décembre 2004, le Parlement sénégalais votait la loi 2004-38 abolissant la peine de mort. Jusque-là, seules deux personnes avaient été exécutées, par les armes, en 1967 : Abdou Faye pour meurtre du député Demba Diop, et Moustapha Lo coupable de tentative d’assassinat sur le Président Senghor. Le régime libéral, après un moratoire tacite de Abdou Diouf sur cette peine, rejoignait ainsi la Grèce, Samoa, Bhoutan, et la Turquie qui l’ont tous abolie cette année. Seulement, les récents et spectaculaires meurtres dans la capitale sénégalaise ont poussé une frange de l’opinion à exiger le rétablissement de cette pratique. La pression actuelle pour son rétablissement est dans la continuité de l’initiative prise par le député ‘‘apériste’’ Seydina Fall dit Boughazeli, il y a trois ans, le 19 novembre 2013.

Dans les colonnes du quotidien Le Populaire d’hier, l’élu défendait sa position par l’effet de dissuasion de la peine capitale, allant jusqu’à dessiner un contraste avec le voisin gambien. ‘‘Nous invitons le président Macky Sall à nous accompagner dans ce combat, puisque les Sénégalais ne se sentent plus en sécurité chez eux. Or, quand il y avait peine de mort, il n’y avait pas beaucoup de meurtres, les gens se méfiaient. Maintenant qu’elle est retirée, les gens font ce qu’ils veulent. Les Gambiens sont plus sécurisés que nous. En Gambie, tu peux passer la nuit dans les rues avec des millions sans t’inquiéter’’, a-t-il défendu.

1 634 exécutions dans le monde en 2015

Cette punition suprême est une peine prévue par la loi. Elle prive une personne de sa vie, au terme d’un procès qui conclut que cette personne a commis un crime capital. Les définitions et les méthodes d’exécution varient au cours du temps, des régimes politiques et des croyances. De nos jours, il existe encore sept formes d’exécution : l’injection létale, l’électrocution (la chaise électrique), la pendaison, la fusillade, l’asphyxie par gaz, la décapitation et la lapidation. D’après Amnesty International, plus des deux tiers des pays du monde ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. En 20 ans, plus de cinquante États sont devenus abolitionnistes en droit. De manière plus détaillée, 104 États ont aboli la peine de mort pour tous les crimes dont l’Argentine, la Guinée, le Rwanda, la France, l’Espagne… Six pays l’ont aboli pour les crimes de droit commun (Brésil, Chili, Israël, Kazakhstan, Pérou, Salvador, Surinam). Ce qui veut dire que ces derniers prévoient l’application de la peine de mort uniquement pour les crimes exceptionnels (crimes prévus par la justice militaire ou ceux commis dans des circonstances exceptionnelles : en temps de guerre…).

D’autre part, 31 Etats respectent un moratoire sur les exécutions. Ce qui implique que la peine de mort existe dans leurs législations respectives, mais ils n’ont procédé à aucune exécution judiciaire depuis au moins une décennie et n’ont pas l’intention affirmée de recommencer dans l’immédiat, ou se sont engagés au niveau international à ne plus l’appliquer. Il s’agit entre autres de l’Algérie, de Brunei, du Burkina Faso, du Kenya, du Maroc, de la Russie, de la Tunisie, de la Zambie. Ce qui fait qu’au total, la peine de mort n’est pas appliquée dans 141 États. En revanche, les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Arabie Saoudite, le Nigeria, la République démocratique du Congo, Oman, la Gambie, la Jamaïque, Saint-Kitts et Nevis…, font partie des 57 États et territoires qui continuent d’appliquer cette peine.

2015 a été l’année record pour les exécutions, ces 25 dernières années, selon le dernier rapport d’Amnesty International. Il recense 1634 exécutions en 2015, contre 607 en 2014 (soit une hausse de plus de 54%) et 778 en 2013. Le nombre de condamnations à mort (1998) est en revanche en baisse par rapport à 2014 (nombre record de 2466 condamnations). 89% des exécutions recensées en 2015 ont eu lieu dans trois pays : Arabie Saoudite, Iran  et Pakistan. Pour le cas saoudien, fait savoir Amnesty,  ‘‘les exécutions sont montées en flèche, avec une hausse de 76% par rapport à l’année précédente ; 158 personnes, peut-être davantage, y ont été mises à mort en 2015’’. De son côté, l’Iran a exécuté au moins 977 personnes, condamnées essentiellement pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Cependant, l’Ong estime utile de rappeler que le chiffre total réel des exécutions est difficile à déterminer en l’absence de statistiques officielles dans certains États, dont la Chine.

Sénégal : rétablira, rétablira pas ?

Pour l’instant, la détention criminelle à perpétuité est la seule peine de substitution à la peine capitale. Le président Macky Sall l’a réitéré avant-hier lors des obsèques de la vice-présidente du Cese, Fatoumata Ndiaye, tuée chez elle par son chauffeur. Même si l’on parle de ‘‘perpétuité réelle’’ dans beaucoup de législations européennes, il existe des disparités de peine impliquant que les prisonniers soient libérables au bout de quelques années de détention (12 ans au Danemark où la peine maximale est de 20 ans, 26 ans en Italie où la peine peut baisser de 5 ans pour bonne conduite…). Au Sénégal, les ‘‘pro-rétablissements’’ estiment justement que cette perpétuité n’est pas assez proportionnelle au préjudice causé, ni assez dissuasive au point de décourager les assassins. ‘‘La perpétuité et la peine capitale sont différentes. Il peut être condamné à perpétuité, mais personne ne sait de quoi demain sera fait. Si dans 10 ans, les parents des criminels sont au pouvoir, ils pourront bénéficier d’amnistie…’’, plaide le député Boughazelli.

Son collègue du Parlement et avocat à la Cour, Me El Hadji Diouf, n’en dit pas moins. ‘‘Il faut faire revenir la peine de mort avec cette criminalité grandissante à Dakar’’, a-t-il exigé, lors d’une session ordinaire de vote du projet de loi portant modification du code pénal, en fin octobre. Mais les abolitionnistes voient en cette pratique une survivance moderne et légale de l’antique Talion. Malgré cette poussée pour le rétablissement, les autorités sénégalaises sont très peu enclines à rétablir cette peine. Après le meurtre du taximan Ibrahima Samb, le chef de cabinet du président Macky Sall, Oumar Youm, a soutenu qu’un retour en arrière est exclu sur cette question. ‘‘Notre droit pénal repose sur la sacralité de la vie humaine. Sa vie est inviolable et on doit la protéger. Même dans les pays où la peine de mort est appliquée, on note des crimes’’, défendait-il. Dans la foulée le ministre de la Justice Sidiki Kaba de servir pratiquement une réponse similaire à Me Youm. ‘‘Le droit à la vie est sacré. En cas d’erreur judiciaire, l’innocent exécuté peut être considéré comme victime d’un meurtre d’Etat’’, a-t-il défendu, lors de son passage à l’Hémicycle.

Source : EnQuêteAvec peinedemort.org et amnesty.org

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