Retour de la peine de mort – Les politiciens s’opposent aux imams

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Le débat est loin d’être tranché. Outre la Société civile spécialisée qui fait de l’abolition de la peine de mort au Sénégal un trophée de guerre, des responsables politiques ne sont pas emballés par le retour de cette sanction pénale comme solution à la criminalité. Ils prônent toutefois une concertation nationale sur le sujet.

Nombre de sermons, qui ont ponctué la prière de la dernière Tabaski, n’ont pas été insensibles à la criminalité qui se manifeste à travers un décompte macabre. Parmi les solutions que des imams ont préconisées, le rétablissement de la mort. Cette forme de sanction a été supprimée du Code pénal sénégalais depuis une dizaine d’années. Selon ces guides religieux, cette décision expliquerait en partie, la criminalité galopante constatée ces derniers mois dans le pays. Des hommes politiques ne sont pourtant point de cet avis, malgré la persistance avérée des crimes. Joint par téléphone, Abdoulaye Wilane indique que sa formation politique ne saurait être indifférente à l’appel des imams. «Rien de ce qui est sénégalais ne nous est étranger», fait noter le porte-parole du Parti socialiste. Lui et ses camarades auront l’opportunité d’émettre un point de vue sur la question, à l’occasion des réunions du Bureau politique ou du Secrétariat national exécutif. «Nous avons entendu tous les sons de cloche. Nous allons donner notre point de vue à l’issue des réunions de nos instances dans les semaines à venir», promet M. Wilane.

Babacar Gaye du Pds : «La peine de mort, une négation de la vie…»
D’autres hommes politiques et non moins porte-parole préconisent l’organisation d’une concertation large et inclusive sur les questions relatives à l’insécurité, la criminalité et au retour de la peine de mort. C’est le cas de Babacar Guèye du Parti démocratique sénégalais (Pds). «Le rétablissement de la peine de mort serait un déni dans la mesure où rien ne vaut une vie humaine, même s’il y a ceux qui ont la criminalité facile, ceux qui tuent sans état d’âme. Pour moi, la peine de la mort serait la négation de la vie en soi, même si les arguments de ceux qui le réclament ont pour soubassement les crimes et l’insécurité. Cette question est tellement importante qu’elle mérite un débat national très profond», estime-t-il. Toutefois, le responsable libéral invite les uns et les autres à «agir sur les causes de la recrudescence de la criminalité». La précarité dans laquelle se trouve une bonne frange de la jeunesse n’est pas sans effet sur la quiétude des personnes.
«Il y a la criminalité, l’insécurité dans laquelle baigne cette population jeune. S’attaquer à la criminalité à travers une législation renforcée ne serait pas à mon avis la meilleure solution. Il faut avoir une démarche préventive plutôt que punitive. Je ne suis pas pour la peine de mort même si je souffre de l’insécurité (Sa maison a été récemment cambriolée. Ndlr). Mais le Sénégal a fait des pas importants dans la promotion des droits de l’Homme. Peut-être n’avons-nous pas fait autant dans la lutte contre le chômage des jeunes et l’insécurité», fait remarquer le porte-parole des Libéraux.

Moussa Sarr de la Ld : «Il ne faut pas rétablir la peine de mort sous la pression des chefs religieux»
Le porte-parole de la Ligue démocratique (Ld) partage le point de vue de ce lieutenant de Me Abdoulaye Wade. Il s’approprie d’ailleurs la maxime de Albert Jacquart. Celle-ci dit : «L’oisiveté dit-on est la mère de tous les vices…» Moussa Sarr explique donc la montée de la criminalité au Sénégal par le chômage endémique des jeunes. «Nous avons constaté une recrudescence de la violence avec mort d’homme. Nous devons l’analyser profondément, si voulons réduire ce banditisme, à défaut de pouvoir l’éradiquer dans notre pays. Il faut lutter contre l’oisiveté des jeunes. Il nous faut trouver une solution au chômage si nous voulons mettre fin à ce phénomène», argue l’ancien Directeur de cabinet du ministre de l’Habitat, Khoudia Mbaye.
Selon toujours M. Sarr, d’autres dimensions du phénomène sont à prendre en compte dans la réflexion. Et les autorités étatiques et religieuses doivent être en première ligne. «Les chefs religieux et l’Etat doivent réfléchir sur la crise des valeurs. La peine de mort est un point de vue de plus en plus évoqué comme solution à la criminalité. Est-ce une solution ? Nous devons réfléchir ensemble parce qu’il n’est pas évident qu’elle soit la solution, la panacée. Il faut organiser une concertation large et inclusive. Il ne faut que son rétablissement soit une décision unilatérale», ajoute-t-il. Dans le cadre de cette concertation souhaitée, il faudra par ailleurs penser aux «conséquences d’un retour de la peine de mort ». Parmi les espaces d’éducation qui doivent s’impliquer, le Jallarbiste cite «la famille et l’école, les mosquées et les églises aussi». Et notre interlocuteur regrette le fait que «les jeunes soient de plus en plus détournés de l’école». En tout état de cause, précise M. Sarr, «il ne faut pas que l’Etat décide du retour de la peine de la mort sous la pression des chefs religieux».

Le Quotidien

1 COMMENTAIRE

  1. Le problème de l’insécurité ne sera pas réglé par le rétablissement de la peine de mort ; à notre avis, c’est surtout un problème de déficit spirituel ; et cela tient à la faillite tant des religieux (incompétence) que des politiques qui, par ignorance, pensent que la laïcité (‘’Dieu entre parenthèses’’) est un idéal, alors qu’elle n’est que le fait d’un consensus minimal dans une société en crise spirituelle. Ainsi, plutôt que de demander le rétablissement de la peine de mort, les religieux devraient s’évertuer à vivifier la religion et s’en prendre à la laïcité qui est, en vérité, à l’origine de tous nos maux. Non ! Comment peut-on réussir en mettant ‘’Dieu entre parenthèses’’. Au demeurant, en Droit pénal, communément appelé « Charia », la sentence capitale (peine de mort, amputation de membre, flagellation etc.) annoncée dans un premier verset est toujours tempérée par le verset suivant, ou d’autres versets dans la même sourate ou d’autres, qui préconisent une compensation ou proposent la grâce aux repentants [(2. La Vache : 178-179 – Al-Baqarah) ; (5. La Table Servie : 33-34 … 38-40 – Al-Mâ’idah) ; (4. Les femmes : 15-16 – An-Nisâ’) ; (24. La Lumière : 2-5 – An-Nûr)]. Ainsi, entre la peine capitale et la grâce, il y a un échelle de peines ; et suivant le contexte, le législateur peut choisir une peine suffisamment dissuasive, mais aussi tenant compte de la clémence et de la miséricorde de Dieu. Oui, Allah est Pardonneur et Très Miséricordieux’’ ; Il châtie qui Il veut et pardonne qui Il veut – Allah est Omnipotent’’ (5. La Table Servie : 40 – Al-Mâ’idah) ! Et pourquoi donc vouloir être plus royaliste que le roi ? Ainsi, à la lumière de tout ce qui précède, on perçoit très clairement qu’il ne s’agit pas de couper les mains des voleurs, de tuer systématiquement ceux qui ont tué, de condamner à mort ou de flageller les fornicateurs et les calomniateurs. Il ne s’agit que de juger les délinquants selon la réglementation en vigueur établie par consensus par le peuple, toutes confessions confondues. Ce ‘’Droit positif’’ est cependant susceptible d’évoluer, suivant le niveau de conscience religieuse du peuple, de se parfaire en se spiritualisant et, à terme, se rapprocher de l’idéal islamique. Mais toute modification devra être consensuelle, en conformité donc avec les principes de démocratie et de droit de l’homme que tous nos pays ont ratifiés – respect des engagements oblige ! [5. La Table Servie : 1 – Al-Mâ’idah].

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