Rira bien qui rira le dernier-Par Serigne Saliou Guèye

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Macky pensait avoir gagné le Référendum. Pas si sûr ! Son appel au dialogue national est certainement la preuve qu’il se sent affaibli et inquiet…
résident est-il atteint par le syndrome de la désorientation définie par les spécialistes comme un signe de la confusion mentale, la personne n’arrivant pas à faire la part des choses et à se repérer dans le temps et dans l’espace ? A voir ses déclarations faites et décisions prises à brûle-pourpoint en l’espace de deux semaines, on serait tenté de répondre par l’affirmative.
On n’avait pas encore fini d’épiloguer sur l’appel au rassemblement de la famille libérale lancé lors des embrassades doucereuses entre le frère Macky Sall et la sœur Aïda lors des funérailles du fils d’Oumou Salamata Tall, que le président de la République nous sort un autre os à ronger pour encore quelques semaines. En effet lors du conseil des ministres du 18 mai dernier, le chef de l’État a lancé l’idée d’organiser dix jours plus tard un dialogue national inclusif qui regrouperait indépendamment des acteurs politiques, d’autres forces vives de la nation.
Comme pour répondre à ses contempteurs qui lui reprochent de n’avoir jamais amorcé un dialogue politique avec les forces de l’opposition depuis son accession au pouvoir en 2012, le président a décidé d’organiser un forum national qui transcenderait les formations politiques et embrasserait d’autres entités nationales.
Rappelons qu’un dialogue national met en présence des groupes d’intérêt différents qui s’engagent à se pencher sur des questions cruciales dont les enjeux sont opportuns, mais pas nécessairement communs. Il suppose que des personnes de coteries politiques et syndicales, de mouvements citoyens de chapelles religieuses, de catégories socioprofessionnelles différentes ont des points de vue divergents sur les mêmes problèmes qui doivent déboucher sur des solutions convergentes ou consensuelles.
Ce grand moment d’échanges et de concertations doit également mettre l’accent sur un nombre restreint de questions qui peuvent être abordées de façon réaliste. Par conséquent un dialogue national conséquent débouchera sur un chapelet d’engagements que toutes les parties prenantes tiendront à ratifier littéralement. Il est vrai qu’il n’y a pas un modèle unique voire idéal pour un dialogue politique mais la meilleure formule, le plus souvent, est celle où les participants sont en nombre relativement restreint et où les lourdeurs protocolaires sont complètement bannies. Et ce dialogue national, tel qu’il est décrit à travers la presse puisqu’officiellement aucun terme de référence y afférent n’émane encore du président de la République, embrasse tout et prend les contours des conférences nationales souveraines connues dans les années 90 en Afrique après que le cyclone de la liberté et de la démocratie ébranla le mur de Berlin et démantela le bloc communiste soviétique.
C’est ainsi que des pays comme le Zaïre de Mobutu Sese Seko, le Congo-Brazzaville, le Bénin, le Tchad et le Togo furent secoués par des séismes populaires intérieurs si bien qu’il y avait nécessité ou contrainte d’y organiser des fora populaires appelés conférences nationales souveraines (CNS). De ces fora populaires, seule l’expérience du Bénin était couronnée de succès avec une alternance démocratique. Celle du Congo-Brazza a fait long feu puisque le président Denis Sassou Nguesso déchu par la force de la démocratie en août 1992 reviendra au pouvoir par la violence des armes le 15 octobre 1997.
Au Zaïre, au Tchad et au Togo la transition démocratique avait échoué du fait de la mauvaise volonté de leur président de mettre en application les résolutions acquis des CNS. Aujourd’hui il est question d’organiser, sous l’égide de l’Union africaine, le dialogue politique national au Burundi et en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) car les transitions démocratiques sont encore bloquées.
A la même période de ces CNS, le Sénégal, quand bien même secoué par les agitations pré et post-électorales, n’avait pas jugé nécessaire de s’inscrire dans la dynamique des CNS. Au lendemain des élections générales de 1988 émaillées d’une forte orgie de violence urbaine avec à la clé l’arrestation et l’embastillement du leader du Sopi Abdoulaye Wade le 29 février 1988 et certains de ses lieutenants. Relaxé le 11 mai il répond favorablement à l’appel d’Abdou Diouf du 17 mai qui déclarait sans circonlocution : « Le chef de l’opposition parlementaire a son mot à dire sur les problèmes économiques, ainsi que sur la consolidation démocratique. J’aime le Sénégal, Wade aussi. Aussi, je l’invite personnellement à s ‘asseoir avec moi pour discuter des moyens d’aider notre pays ». Et c’est ainsi que la fameuse Table ronde débuta le 4 juillet 1988. Cela avait permis de contenir la contestation populaire et d’apaiser le climat socio-politique exacerbé par la violence urbaine.
L’opposition exigeait une réforme du code électoral et un meilleur accès aux médias d’État mais le parti au pouvoir multipliait les tentatives de blocage. Et le 19 juillet, les partis de l’opposition (Pds, Pit, Ld/Mpt et l’Uds/R quittaient la Table ronde. Et deux ans plus tard, le président Abdou Diouf formait un gouvernement de majorité présidentielle élargie (GMPE) dans lequel se retrouvaient des éléments du Pds d’Abdoulaye Wade et du Pit d’Amath Dansokho. Et ce climat apaisé avait permis l’adoption d’un code électoral consensuel en 1992. Le GMPE de 1996 intervint pour calmer les troubles subséquents à l’assassinat du juge constitutionnel Babacar Sèye le 13 mai 2013.
Si nous avions rappelé l’expérience non réussie pour la plupart de ces CNS et l’éphémère Table ronde du président Diouf, c’est pour mieux analyser le dialogue national prôné par le président Macky Sall et auquel il convie plusieurs entités nationales. Après de brillantes victoires obtenues aux élections présidentielle et législatives de 2012, aux locales de 2014 et au référendum de 2016, il ne nous parait ni opportun, ni pertinent d’organiser un dialogue national qui se pencherait et plancherait sur les difficultés du pays.
Aujourd’hui le président Sall dispose de tous les leviers démocratiques pour diriger sans pression le Sénégal. Certes le pays est en butte à des difficultés économiques comme la plupart des pays du monde, certes les libertés démocratiques sont bafouées régulièrement, certes le système éducatif connait des remous récurrents qui font planer chaque année le spectre d’une année blanche, certes des problèmes d’éthique et de transparence ont resurgi avec le dernier référendum teinté d’achat de conscience et de citoyens privés de vote, certes le ministre de l’Intérieur a priorisé son appartenance au parti au pouvoir au détriment de l’organisation du scrutin mais cela ne doit pas pousser le président Sall à vouloir nous rétro-conduire aux années 1990 où le Sénégal, en balbutiement démocratique, mettait laborieusement en place les mécanismes démocratiques qui pouvaient impulser une alternance politique.
Rabibocher la profonde déchirure sociale
En appelant à un dialogue national, le président Sall semble vouloir rabibocher la profonde déchirure sociale constatée dans le tissu de la nation après le référendum. Ses opposants lui ont reproché d’avoir semé des germes scissipares au sein du peuple sur des questions d’intérêt national qui requerrait l’assentiment de la majorité des Sénégalais. Aussi un tel dialogue ne serait-il pas un moment de rattrapage et un espace de légitimation du manque de consensualisme constaté lors du référendum.
Un tel rassemblement ferait oublier les manquements de la dernière consultation populaire. Aujourd’hui convoquer des assises nationales, c’est verser les problèmes du pays dans une procrastination ambiante et plonger dans une série de discussions stériles et de concertations sans fin. A trois ans de l’élection présidentielle, l’heure n’est plus au dialogue spéculatif mais aux actions concrètes. Et le président Sall doit comprendre que les Sénégalais l’ont élu pour subvenir à leurs besoins. Si en cours de route, gagné par l’impéritie et l’incompétence, il n’est plus en mesure de tenir le gouvernail, il doit tirer sa révérence et permettre aux Sénégalais de confier dare-dare leur destinée à une autre personne de leur choix.
En démocratie, le dialogue politique permanent sur tous les sujets qui touchent la nation est assurée par des institutions (législatives) qui sont l’émanation directe de la volonté populaire. Cela n’empêche pas que le chef de l’État, sur des questions ponctuelles d’intérêt national, peut consulter et requérir les positions ou propositions d’autres forces vives de la nation. La mise en œuvre de l’Acte III de la Décentralisation, l’élaboration du PSE et les réformes constitutionnelles récentes votées par référendum ont été d’excellentes occurrences pour convoquer un dialogue national.
Le président Sall plongé dans les méandres de l’indécision et les dédales du tâtonnement semble avoir perdu la tramontane. Tantôt c’est l’unification de la famille libérale, tantôt c’est le dialogue national. Dans cette situation alambiquée, c’est le pays qui risque encore d’être à l’arrêt avec une montagne de discussions byzantines qui n’accouchera que d’une musaraigne. Le chef de l’État, qui a perdu presque quatre ans pour accélérer la cadence d’une machine grippée, n’a qu’à assumer ses responsabilités et appliquer sa politique sans le secours ou le concours de l’opposition ou d’autres franges de la société qui lui tendraient le fil d’Ariane. Car c’est à lui, à lui seul notre mandataire du 25 mars 2012, qu’on demandera des comptes en 2019.
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