[Roman] Encre noire, vie plurielle et destin singulier: portrait de Ken Bugul

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Née musulmane, dans une famille très pratiquante, elle «adore visiter tous les lieux de culte» et se sent à la fois chrétienne, bouddhiste et juive. Sénégalaise vivant partiellement au Bénin, la romancière Ken Bugul revendique des attaches à Bruxelles, en Bretagne, à Paris et «même à Lausanne» où, rigole-t-elle, peut-être qu’un homme lui apportera l’amour. Avoir fait des études à Bruxelles, où elle a fréquenté aussi bien des marginaux que le gratin de la noblesse et la haute bourgeoisie, ne l’empêche pas de retourner dans son village de Malem Hodar, à 300 km de Dakar, et d’y devenir, à 33 ans, la 28e épouse d’un marabout octogénaire.

Personnage complexe et imprévisible, alliant renoncements et intransigeances, Mariétou Mbaye, de son vrai nom, est souvent tombée, mais s’est toujours relevée. Elle a eu plusieurs vies dans sa vie, dont le tournant se situe en 1982. Celle qui fut «la seule hippie africaine d’Europe durant les années 1970» publie alorsLe baobab fou. Ce roman sulfureux, signé d’un mystérieux nom de plume, Ken Bugul (que personne n’aime, en wolof), a un succès fulgurant.

En narrant sa vie tumultueuse d’étudiante à Bruxelles, Ken Bugul bouscule les idées reçues, se gausse du qu’en dira-t-on et choque la très pudibonde et bien-pensante société sénégalaise. «Ce roman résume ma vie», dit-elle avec une touchante sincérité.

Au Plat-Pays, vêtue, comme dirait Senghor, de sa couleur qui est vie et de sa forme qui est beauté, cette jeune et belle Noire charme, fascine et fait envie. «Je ne me prostituais pas: je m’offrais. » Baignant dans un univers hédoniste«peace and love», elle se rend en pèlerinage à Katmandou, découvre la marijuana, teste le LSD…

A 63 ans, lèvres charnues, joues pulpeuses, un visage presque juvénile, elle s’est un peu calmée. De ses années de braise, elle tire une leçon: «J’étais noire de l’extérieur, mais blanche à l’intérieur. Maintenant, je vis en harmonie avec moi-même. Sans un homme enfull-timedans mon lit. » Et les femmes? «J’aime les toucher. L’Occident a perdu le sens du contact physique amical et de la sensation que cela génère. » Versant dans l’ésotérisme, cette cadette d’un religieux polygame père d’une quinzaine d’enfants – qui a vécu jusqu’à 107 ans – annonce son passage dans l’au-delà pour 103 ans. La remarque ferait sourire l’écrivain Boubacar Boris Diop, son ami de longue date. «Ce qui fait la force de Ken, c’est qu’elle est cinglée pour de vrai. Elle est femme de la ville jusqu’au bout des ongles et femme de la campagne au plus profond de son âme. Unique dans le champ littéraire africain, sa capacité d’osmose rend sa fiction romanesque particulièrement séduisante. » Il se souvient, non sans émotion, de la jeune lycéenne qui «raflait les prix de maths, de philo, d’espagnol» tout comme de la «frêle, belle et libre étudiante» de l’Université de Dakar qui «fascinait toute une armada de jeunes révolutionnaires».

Pour comprendre Ken Bugul, il faut remonter à son enfance. Et à sa première blessure, à l’âge de 5 ans. «Dans notre village, il n’y avait pas d’école. Pour permettre à mon frère aîné d’être scolarisé, ma mère a quitté le domicile conjugal pour un autre village. » Deux ans après, son père – qu’elle prenait pour son grand-père – perd la vue. Derrière son mariage avec un vieux marabout, faut-il voir la recherche de ce père exégète du Coran, qui avait 85 ans à sa naissance? «Oui, il y a une dose d’inceste», lâche-t-elle, imperturbable. Cette expérience est à la base du romanRiwan. Chez Ken Bugul, l’exercice d’écriture est une volonté de «se déconstruire pour se reconstruire» et renouer avec les siens.

La francophonie et l’usage de la langue française? Un faux débat, selon elle. «Si j’étais née en Gambie, je serais anglophone. Je m’intéresse plutôt à la justice, au développement et à l’accès à l’éducation. »Avant de quitter Lausanne, cette éternelle voyageuse a acheté du chocolat pour Fatou, sa sœur âgée de… 105 ans. «C’est ma deuxième maman. Elle a un savoir encyclopédique. » Le baobab est peut-être fou, mais il se garde d’oublier que la force lui vient de ses racines.

24heures.ch

2 Commentaires

  1. Ce n’est pas vrai. Elle n’etait si brillante que cela. Je l’ai connue au debut des annees au lycee Gaston Berger de Kaolack avec ses amies Penda Thiam. On l’appelait RIri M’baye mais apres elle a quitte le Lycee Gaston Berger pour Dakar. Vers 1974, elle etait revenue a Dakar parce qu’elle etait une vraie droguee. Elle etait meme vole. Elle a gache sa vie avec les mouvements d’etudiants comme les Famara, M’baye Diack, Moctar Diack et tous ces soixante huitards de Couillons.

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