Savoir raison garder. Par Mamadou Oumar Ndiaye (Dirpub « Le Témoin »)

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Dans notre dernière édition, nous avions consacré un dossier à la question du port du voile dans les écoles privées catholiques. Et nous disions notamment que, par-delà le fait religieux, les parents d’élèves musulmans envoyant leurs enfants dans le privé catholique avaient l’obligation de respecter les règlements intérieurs régissant le fonctionnement de ces établissements. Ce qui est bien la moindre des choses ! Malheureusement, cette vérité d’évidence, certains imams ou chefs religieux musulmans sénégalais, ou prétendus tels, ne veulent pas l’admettre.

Jouant sur la fibre islamique de la majorité écrasante de notre population, et sur le fait que, officiellement du moins, 90 % de nos compatriotes sont des musulmans, ces « djihadistes » d’un autre âge tentent d’allumer une illusoire — et anachronique — guerre des religions dans notre pays. Il convient de se féliciter du fait que les Sénégalais, dans leur immense majorité, ont refusé de les suivre sur le terrain glissant où ils veulent les entraîner. Car on aura compris que le combat de ces imams et prédicateurs moyenâgeux, au-delà de la religion derrière laquelle ils s’abritent, est éminemment politique. Ils attendent le moment opportun pour jeter le masque — ou le turban ou encore le voile si on préfère — et se présenter sous leur véritable visage c’est-à-dire celui de sectaires et d’intolérants.

Comme par hasard, quelques jours après la sortie de notre dossier, beaucoup d’imams ont abordé cette question de « l’intolérance de nos frères chrétiens » dans leurs sermons de la fête de Tabaski. A leur manière, ils ont présenté les cas des élèves exclus des écoles privées catholiques pour avoir refusé de se conformer au règlement intérieur comme une volonté de combattre l’Islam. Comme si la grande majorité des élèves musulmans fréquentant ces établissements et respectant rigoureusement leur règlement intérieur étaient des apostats ! Ou comme s’ils étaient des traîtres à leur religion pactisant avec l’ennemi de religion ! Or, encore une fois, la moindre des choses, quand on fréquente une école, c’est de respecter le règlement qu’elle édicte. Surtout quand il s’agit d’une école privée catholique ! Les parents, en envoyant leurs enfants dans ces écoles, le font en connaissance de cause et savent à quoi s’en tenir. Encore que, bien qu’appartenant à l’Eglise catholique, ou, pour certaines d’entre elles, au clergé protestant, ces établissements contribuent au service public de l’école. Par conséquent, elles enseignent le programme officiel élaboré ou homologué par le ministère de l’Education nationale.

Les élèves musulmans qui fréquentent ces écoles, et qui constituent les gros bataillons de leurs effectifs, sont exemptés de suivre les cours d’éducation religieuse ou catéchèse. Dès lors, et à la lumière des deux ou trois cas d’expulsions d’élèves récalcitrants intervenus dernièrement, toute la question est de savoir s’il est permis d’exciper de sa religion pour refuser de respecter le règlement intérieur d’un établissement, se singulariser en classe en refusant par exemple de s’asseoir à côté de garçons ou de partager les mêmes groupes de travaux qu’eux. Voire de dicter le menu de la cantine étant entendu que, de toute façon, les directions de ces établissements ne sont pas folles ou irresponsables pour proposer des plats « haram » à des élèves musulmans ! Bref, en toute chose, il faut savoir raison garder…

Comme le dit la constitution de notre pays, la République sénégalaise est laïque, démocratique et sociale. Autrement dit, et en théorie tout au moins, l’Etat est non seulement séparé des religions mais encore il se tient à équidistance d’elles et veille à créer ou préserver les conditions de leur exercice. Certes, la forme de laïcité du Sénégal n’est pas aussi radicale que celle française où l’Etat, selon la loi de 1905 le séparant des Eglises, « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Au Sénégal, au contraire, les confréries, émanations des religions, du moins leurs chefs, croulent sous les subventions et privilèges divers octroyés par l’Etat ! Ou par les municipalités que contrôle le parti au pouvoir. Ou même par les collectivités locales gérées par l’Opposition ! Et l’actuel président de la République se prosterne même au pied du chef de l’une d’entre elles et s’apprête à faire de sa principale fête religieuse annuelle un jour férié. On est évidemment bien loin de la laïcité mais que voulez-vous, il faut bien draguer ces confréries pour leurs bataillons électoraux. Surtout à trois mois d’une élection présidentielle cruciale !

Cela dit, bien que le Sénégal soit laïc, l’Etat laisse une grande liberté aux religions pour qu’elles s’administrent et s’organisent comme elles l’entendent, dans le respect de la Loi. Elles sont libres notamment de faire fonctionner leurs propres écoles mais en respectant les programmes du ministère de l’Education nationale. Des écoles soumises au contrôle des inspecteurs du même ministère tandis que leurs élèves se présentent aux examens et concours d’Etat. De même, leurs enseignants, du moins la plupart d’entre eux, sont formés dans les centres de formation pédagogiques nationaux et ont les mêmes diplômes que leurs collègues exerçant dans le public. Et dont la plupart arrondissent leurs fins du mois dans le privé, qu’il soit laïc ou confessionnel.

Seulement voilà, à la différence des écoles publiques, devenues aujourd’hui — du moins la plupart d’entre elles — de véritables foutoirs où règne une indiscipline caractérisée avec des élèves n’en faisant qu’à leur tête et des enseignants devenus grévistes professionnels, le privé catholique se caractérise par ses excellents résultats aux différents examens et concours. Résultats dus, outre la qualité de l’enseignement qui y est dispensé, à la rigueur et à la discipline qui y prévalent. Le secret de la réussite de ces écoles est là. Et l’on voudrait qu’elles tolèrent des actes d’insubordination se cachant derrière… le voile de la religion ? Il n’en est pas question, bien entendu. Le règlement c’est le règlement, et il s’applique à tous les élèves, qu’ils soient musulmans ou catholiques. Et puis, comme nous le soulignions dans notre dossier, pourquoi nos imams et prédicateurs ne parlent-ils pas de ces écoles privées islamiques qui exigent le port du voile à tous leurs élèves sous peine de renvoi ?

Et qui refusent même l’inscription à des élèves ayant des noms chrétiens ? Pourquoi ne dénoncent-ils pas aussi cette forme de discrimination ? A ce propos, il nous revient que le clergé sénégalais avait voulu, il y a un ou deux ans, faire suivre des cours de langue arabe à deux de ses prêtres à l’Institut islamique de Dakar. Eh bien, le clergé s’était heurté au refus catégorique dudit institut d’accepter l’inscription de ces deux prêtres. Et savez-vous ce que le clergé a fait ? Eh bien, il a offert deux bourses à ces prêtres pour qu’ils aillent faire cet apprentissage de la langue… en Egypte ! Ils ont d’ailleurs terminé leurs études et sont de retour au Sénégal. C’est donc dire que le sectarisme et la discrimination ne se trouvent pas toujours forcément où l’on croit.

Encore une fois, ce n’est pas parce que les musulmans constituent les 90 % de la population sénégalaise qu’ils doivent imposer leur volonté à la minorité chrétienne. Encore moins qu’ils doivent avoir raison. Car, dans cette affaire de voile, malheureusement, les imams et prédicateurs qui s’agitent n’ont pas raison. Quand des parents musulmans envoient leurs enfants fréquenter des établissements scolaires privés catholiques, alors que des écoles publiques et des établissements privés laïcs existent, la moindre des choses, nous semble-t-il, c’est qu’ils demandent à leurs enfants de respecter les règlements intérieurs de ces écoles-là. Lesquelles sont devenus des établissements d’excellence grâce à la rigueur avec laquelle elles sont gérées, le sérieux de leurs corps professoral, la discipline d’airain qu’impose leur encadrement.

On aimerait bien voir nos chefs religieux musulmans réussir à faire fonctionner des établissements pareils ! Et ce au lieu d’essayer d’introduire le ver de l’indiscipline et de la corrosion dans le fruit de ces excellentes écoles privées catholiques. Quant à l’école publique, il y a bien longtemps que l’Etat, par manque d’autorité, a renoncé à y faire prévaloir la laïcité. Or, l’un des principes fondateurs de celui-ci dans le domaine de l’éducation, c’est l’interdiction de tous signes religieux ostentatoires. Hélas, allez donc dans nos écoles publiques, vous vous croiriez dans des « médersa » !

Le précédent de 1991

En 1991, déjà, des imams et prédicateurs sénégalais avaient enfourché un cheval boiteux et engagé un combat douteux relatif à l’école sénégalaise. Cette fois-là, il s’agissait du cas d’un élève de terminale qui avait insulté son professeur de philosophie au motif qu’il aurait blasphémé et attaqué sa religion. En réalité, le prof en question, M. Famara Sarr, un militant de la Ld/MPT (Ligue démocratique / Mouvement pour le Parti du Travail) n’avait fait qu’exposer une théorie philosophique inscrite au programme de terminale. L’élève Ibrahima Mbengue avait vu rouge et tenu des propos déplacés à son endroit.

Choqué, l’enseignant avait plié ses bagages et quitté la classe. Hélas, dès qu’il avait tourné le dos, il avait reçu un violent coup dont il n’a pas pu connaître l’auteur, et pour cause. L’incident s’était déroulé au lycée Lamine Guèye, ex-Vanvollenhoven, et la direction de l’établissement avait réagi vigoureusement en excluant l’élève. Les islamistes s’étaient alors saisis de la question et avaient pris la défense de l’élève. Et ce bien qu’il eût insulté son professeur !

Ils avaient fait un foin de tous les diables et tenté de mobiliser l’opinion. Temps fort de cette mobilisation, la conférence de presse organisée dans un hôtel de la place et au cours de laquelle ils avaient voué aux gémonies cet enseignant dont ils prétendaient qu’il avait insulté leur religion. Parmi les principaux intervenant à cette conférence de presse, feu Latif Guèye, de Djamra, jamais en reste quand il s’agissait de défendre des causes douteuses, mais aussi Mohamadou Bamba Ndiaye, actuellement ministre-conseiller du président de la République.

A un moment donné, Latif, qui était au présidium, avait déploré le fait que la parole n’avait pas été donnée à l’élève pour qu’il expose sa version des faits. Sidy Lamine Niasse, qui était au fond de la salle, s’était alors levé, avait marché jusqu’au présidium et arraché le micro avant de lancer à Latif : « Da ngay fène la wakh ! » (je dis que tu mens !) Il avait fait mine de lever la main sur son ancien collaborateur et associé avant d’être maîtrisé. Latif s’était contenté de dire : « je ne réponds pas à la provocation. » Cet incident, évidemment, le « Témoin » en avait fait ses choux gras à l’époque ! Pour dire que, s’agissant de l’école publique française en général, et de l’enseignement privé catholique en particulier, nos barbus, surtout si ce sont des arabisants, ont toujours cherché à faire feu de tout bois… Même si, cette fois-là, un homme comme M. Sidy Lamine Niasse s’était courageusement démarqué de nos apprentis ayatollahs. Mamadou Oumar NDIAYE LE TEMOIN N°1060- HEBDOMADAIRE SENEGALAIS –NOVEMBRE 2011

VIA NETTALI.NET

4 Commentaires

  1. cet article est loin d’etre pertinent, son auteur est un extremiste laic ki ne fait k deffendre la religion (laicite extreme) a lakel il appartient. il a beau parler mais rien que des charabia. nous n’accepterions jamais a personne de proner un discours partiel et partial. bou doyoul ma dolli

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