Sénégal : développement impossible!

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«Ce n’est pas le peuple qui est ingrat, ou inculte. C’est le système qui fait tout pour l’éloigner de la noblesse des êtres et des choses. Il lui apprend à ne se reconnaître que dans la médiocrité tous azimuts. » Yasmina Khadra

Lorsque dans un pays on condamne la droiture et récompense la fourberie;  libère les gros bonnets coupables et maintient en détention les prisonniers démunis; promeut l’incompétence et décourage le talent ; préfère la nébulosité à la lumière dans la gestion des affaires publiques ; consacre beaucoup de temps aux futilités et très  peu à l’essentiel; privilégie – dans la nominations des postes administratifs clés – les relations amicales et parentales au détriment des compétences ; démantèle l’enseignement et renforce le renseignement, traite en ennemis les pourfendeurs du gouvernement et loue ses thuriféraires considérés comme de bons citoyens, au lieu de faire quelquefois une autocritique pondérée quant à l’exercice du pouvoir, toute personne douée d’un soupçon de raison peut savoir que les promesses d’émergence sociale, économique…qui y sont faites ad nauseam par ses autorités politiques ne peuvent qu’être illusoires et fallacieuses. Car l’émergence suit une trajectoire logique. Elle commence d’abord par une souveraineté politique et économique, passe ensuite par des dirigeants intègres, patriotes et travailleurs avant de s’appuyer finalement sur une population consciente, formée et très bien informée. À l’aune des étapes susmentionnées, notre pays semble très loin du compte. La France y est omniprésente dans beaucoup de secteurs stratégiques en attendant l’arrivée prochaine des États-Unis et la signature suicidaire des A.P.E. Nombre de nos dirigeants véreux ne se soucient pas des masses étranglées par le chômage et la pauvreté. Ils confondent souvent  leurs poches avec les caisses de l’État. Dès lors la population, notamment les hommes intègres, découragés et désabusés, se désintéressent de plus en plus de la gestion des affaires de la cité pour ne se consacrer qu’à leur (sur)vie.

À moins de souffrir d’anosmie chronique, tout citoyen jouissant normalement de ses facultés olfactives ne peut ne pas sentir l’odeur nauséabonde qui envahit l’atmosphère de notre cher Sénégal ces derniers temps, pour ne pas dire depuis la première alternance.  Des conditions opaques qui entourent la libération Karim Wade à la suspension du brave citoyen Ousmane Sonko, en passant par la ténébreuse affaire Bictogo, le limogeage du régisseur de Reubeus, et récemment celle de madame Nafy Ngom, et les atermoiements de nos autorités judiciaires devant les fameux protocoles de Reubeus, beaucoup de nos concitoyens sont déboussolés, pour dire le moins, face à ces événements qui méritent d’être élucidés.

On aura beau changer de gouvernements et de régimes, si on ne fait pas une froide et sincère introspection – en commençant par les autorités, qu’elles soient religieuses ou politiques – l’émergence tant chantée et magnifiée restera toujours une chimère.

Si changement véridique il doit y avoir pour notre société, il faudra qu’il passe forcément par la refondation de l’école. Celle-ci, admettons-le, a formé de valeureux citoyens. Or, sans l’enseignement des valeurs nobles, qui ont fait la fierté de nos dignes ancêtres, elle risque de ne plus remplir, comme il se doit, sa mission de socialisation, par le haut, de la jeune génération afin qu’elle soit prête à remplacer les hommes qui occupent notre espace politique depuis plusieurs années, lesquels, usés par le temps et fatigués par les multiples « transhumances » les ballotant d’un parti à un autre, dégagent désormais la pire des images auprès d’une population qui a perdu toute confiance en eux. Il nous faut du sang neuf, de nouvelles idées et des comportements exemplaires. Pour créer les conditions favorisant leur éclosion, il faut dorénavant investir dans  l’éducation et la formation de la jeune génération, car « Il est plus facile de bâtir des enfants solides que de réparer des adultes brisés.» Frederick Douglas

 

Bosse Ndoye

Montréal

[email protected]

Auteur de : L’énigmatique clé sur l’immigration; Une amitié, deux trajectoires; La rançon de la facilité

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 Commentaires

  1. Je souscris ! Excellente synthèse de la situation actuelle du Sénégal. C’est l’analyse d’un homme qui sait poser un regard profond sur sa société. Je retiens et partage de cette analyse ce très beau passage qui mériterait d’être transcrit sur des cartes postales à envoyer à l’ensemble de nos hommes politiques, du pouvoir comme de l’opposition :

    «l’émergence suit une trajectoire logique. Elle commence d’abord par une souveraineté politique et économique, passe ensuite par des dirigeants intègres, patriotes et travailleurs avant de s’appuyer finalement sur une population consciente, formée et très bien informée.»

    Toujours instructif en vous lisant, vous et Abdou NDukur Kacc NDao. Qu’Allah vous préserve et continuez à garder votre lucidité. Amen !
    Ibrahima Sadikh NDour

  2. ^^Il nous faut du sang neuf, de nouvelles idées et des comportements exemplaires. Pour créer les conditions favorisant leur éclosion, il faut dorénavant investir dans l’éducation et la formation de la jeune génération, car « Il est plus facile de bâtir des enfants solides que de réparer des adultes brisés.» Frederick Douglas^^

    Tout est là Mr Ndoye. Comme disent les américains: That’s the point!

    Et pour prolonger un peu votre texte avec ce Frederick Douglas, ce valeureux américain fils d’esclave qui a refusé de vivre comme ses parents et ancêtres esclaves, et qui a été l’un de ces valeureux, courageux, intelligents premiers noirs, autodidacte de surcroît, à mener durement la lutte anti-esclavagiste, pour libérer son peuple noir sous le joug de la domination la plus atroce, il disait ceci, je cite: Freedom is not, it must be won by struggle, persistance, determination and faith. / La liberté n’est pas donnée, elle doit être gagné par une bataille, avec persistance, détermination et foi.

    Pour dire, il y’en a qui ont connu pire, à une époque où ils n’avaient aucun allié sur terre, aucune déclaration universelle des droits de l’homme, aucune justice pour les aider, aucun droit de l’hommiste pour les appuyer, aucun pays pour porter leur voix, aucun droit de vote pour choisir le changement, et pourtant, ils ont eu malgré l’adversité le courage, la conviction, la dignité et l’honneur pour libérer leur peuple des chaînes de l’avilissement et l’asservissement. Donc, tout est possible, à condition de se lever pour sauver son peuple, sinon la désolation, le désordre et la catastrophe auront toujours de beaux jours devant nous jusqu’au naufrage final. Cela est une certitude mathématique, comme l’avait affirmé Mr Thomas Andrew, ingénieur britannique concepteur du Titanic, au moment où il a été interpellé lorsque le bateau a percuté l’iceberg, concernant l’impossibilité d’empêcher le Titanic de couler au fond de l’océan.

    Merci Mr Ndoye pour votre analyse et réflexion si limpide et authentique.

  3. Merci Mr Ndoye, rien à ajouter.
    Vous touchez la où ça blesse et toute personnee douée de bon sens et d’honnêteté devrait se retrouver dans votre texte. Nos dirigeants savent tres bien ce qu’il y a lieu de faire (pas tous nakh les naakals il y en a hein) mais ils n’ont pas cette volonté politique ou le courage.
    Peut être qu’il faudrait publier et faire passer en boucle ces messages afin d’en faire profiter d’avantage de potentiels lecteurs/trices. Bonne continuation

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