SERIGNE BASSIROU ABDOU KHADRE, PORTE-PAROLE DU KHALIFE GENERAL DES MOURIDES : «Que les gens qui tentent de ternir l’image de Touba sachent que les colons étaient mieux outillés pour le faire, et ils ont échoué»

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Le porte-parole du Khalife général des mourides parle. Pour la première fois, Serigne Bassirou Abdou Khadre se confie à un journaliste. Une interview- vérité riche en enseignements, avec en toile de fond moult anecdotes. Sur ses relations avec Me Wade et son successeur, Macky Sall, les détracteurs de Touba, l’affaire Cheikh Béthio Thioune, entre autres questions, le fils de feu Serigne Abdou Khadre Mbacké dit tout, sans détours.

Dire que la liste de «Bennoo bokk yakaar» à Mbacké est celle de la Communauté mouride, n’est-il pour une façon de soutenir le régime de Macky Sall ?
Je vous remercie pour l’opportunité que vous me donner de m’adresser aux Sénégalais, particulièrement aux talibés mourides. Les membres de la liste de «Bennoo bokk yakaar» de Mbacké et Touba sont allés rendre visite au Khalife général des mourides qui est le guide suprême de la Communauté pour des prières, parce que rien ne se fait à Touba sans au préalable qu’il en soit informé, selon la tradition mouride. Ils sont ensuite venus, ici, le vendredi, pour m’informer de la composition de la liste et recueillir des prières. Ce que nous avons fait. Sur cette liste figurent des petits-fils et des talibés de Serigne Touba. Et tout le monde connaît les relations qui ont existé entre Serigne Bara, le père de Serigne Galasse Kaltom, tête de liste de la Coalition et moi-même. Ils ont aussi décline leur projet pour la ville. Compte tenu de tout cela, j’ai effectivement dit que la Communauté se retrouve dans cette liste. Mais, cela ne signifie pas que la Communauté soutient la Coalition «Bennoo bokk yakaar», parce qu’un soutien de la Communauté à une liste est du ressort exclusif du Khalife général qui reste à égale distance des partis et Coalitions de partis, comme il l’a du reste fait, lors de l’élection présidentielle. Donc, toute Coalition ou parti qui viendra solliciter des prières auprès du Khalife sera accueilli par la Communauté à bras ouverts.
Donc, on peut dire sans risque de se tromper que l’ère des «ndigël» est révolue ?
C’est une expression que les gens utilisent depuis l’élection présidentielle, mais il faut qu’ils se détrompent. Certains fils de Serigne Touba, durant leur règne à la tête de la Communauté mouride, avaient reçu dans leur mission des instructions du fondateur du mouridisme de se prononcer sur des questions politiques et même de choisir des candidats à soutenir pour le bien-être des Sénégalais. C’était le cas de Serigne Abdou Ahad, Serigne Fallilou, etc. Sous le règne de Serigne Saliou, il n’y a jamais eu de «ndigël». Il disait qu’il n’a rien à faire ou défaire en politique. C’est l’instruction qu’il avait reçue de Serigne Touba. Et il nous disait : «Cela ne signifie pas que je n’ai pas d’avis sur les questions politiques. Mais, le jour où j’aurai l’autorisation d’en parler, je le ferai». Toute sa vie durant, il n’a pas reçu cette autorisation. Donc, il ne s’est jamais prononcé sur des questions politiques. L’actuel Khalife n’a pas encore reçu cette instruction de s’exprimer en politique.Et comme je l’ai dit lors du Magal, le jour où Serigne Sidy Mokhtar recevra un «ndigël» du fondateur du mouridisme de s’exprimer sur une question politique ou de se prononcer en faveur d’un candidat, il le fera sans aucune pression. Pour vous dire que l’ère du «ndigël» n’est jamais révolue chez le mouride.

Certains parlent de pression exercée sur les chefs religieux qui hésitent à se prononcer sur des questions politiques, de peur d’être désavoués par le peuple souverain ?
Vous me rappelez les propos que j’ai tenus, lors du dernier Magal de Touba. Le Khalife général jouit d’une indépendance d’esprit et d’actions qui font qu’il ne peut céder à aucune sorte de pression, d’où que cela puisse venir. Le pouvoir qu’il tient, par la grâce de Dieu, est plus large et plus important. Il est mieux écouté que les politiques, et ses désirs sont exécutés à la minute. Comment peut-il donc subir une pression pour refuser de se prononcer sur des questions politiques ? C’est le moment qui n’est pas encore venu pour lui de le faire. Celui qui subit une pression et se laisse faire a forcément deux contraintes. La première est peut-être un souhait ou un voeu important qu’il soumette à l’Exécutif, et se tient prêt à se plier pour obtenir gain de cause. La deuxième, une crainte extrême qui l’oblige à chercher protection au sein du pouvoir, pour se couvrir. Dieu merci, le Khalife de Serigne Touba n’est jamais confronté à un tel dilemme. Pourquoi subir une pression ? Et il ne faut pas oublier que la politique ne se limite pas à donner une consigne de vote pour un candidat. Lorsque le pays était dans l’impasse, Serigne Sidy Mokhtar a été le premier à appeler les Sénégalais à la retenue et au respect du verdict de la Cour constitutionnelle. Il avait aussi demandé l’arrêt des manifestations. Ces propos peuvent toujours plaire à un camp et déplaire à un autre, et chacun y va de son propre commentaire.

On vous avez estampillé proche de Me Wade. Qu’est-ce qui vous lie et gardez-vous toujours vos relations ?
Mes relations avec Wade ne datent pas de son accession à la magistrature suprême. Il fut disciple de mon père, feu Serigne Abdou Khadre Mbacké. Ce n’est pas la politique qui me lie à Wade, mais une reconnaissance qui date de très longtemps. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de préciser, aujourd’hui, qu’il ne m’a jamais demandé d’intercéder en sa faveur auprès du Khalife pour un «ndigël», lors de l’élection présidentielle, et même lors des élections précédentes.

D’aucuns pensent que Me Wade est fâché contre la Communauté mouride qui ne l’a pas soutenu lors de la dernière présidentielle, alors qu’il a injecté beaucoup d’argent à Touba ?
En ce qui me concerne, je n’ai pas trahi la reconnaissance qui me liait à lui grâce à mon père, dont il fut un disciple. Il reste un ami, un talibé. Maintenant, ceux qui parlent de milliards injectés à Touba avaient comme dessein de faire taire les guides religieux. C’était pour contraindre ces derniers à garder un mutisme sur le processus électoral, de peur d’être taxés d’avoir reçu de l’argent de Wade. Mais, je vous dis, aujourd’hui, qu’un seul milliard n’a été remis au Khalife général pendant et après les élections. Nous avons identifié les précurseurs de la médisance et de la calomnie qui sont, non seulement des détracteurs de la Communauté mouride, mais aussi des déstabilisateurs du monde musulman au Sénégal. Ils passent tout leur temps à s’attaquer aux chefs religieux, surtout aux mourides qui sont des gens vertueux et d’honnêtes citoyens qui vivent à la sueur de leur front. Il faut également préciser une chose. La Communauté mouride est vaste, il a un guide suprême qui est le Khalife général, moins de 3% connaissent l’Etat et comment ça fonctionne, d’autres ne savent même pas si l’Etat existe. Ce serait un tort et une grosse erreur de mettre tout le monde dans le même sac. Que les gens tapis dans l’ombre, qui tentent de ternir l’image de Touba, sachent que les colons étaient mieux outillés pour le faire, et ils ont lamentablement échoué. Tous les régimes, qui se sont succédé, se sont gardés de ternir l’image de Touba. Des millions de personnes ont fait acte d’allégeance à Touba. Il ne sera plus toléré qu’on ternisse son image pour des intérêts personnels. Est-ce que les 10 personnes qui ont une relation directe avec l’Etat peuvent ternir l’image de toute une Communauté ? C’est injuste.

Avez-vous clairement identifié les détracteurs de la Communauté mouride ?
Nous n’irons pas jusqu’à prononcer des noms. Mais, il y a des gens qui, quand on parle d’investissements ou de projets qui reviennent de droit à la ville de Touba, font des pieds et des mains pour les bloquer. Alors que, mis à part son statut de ville religieuse fondée par Cheikh Ahmadou Bamba, Touba est la deuxième ville du Sénégal sur le plan démographique. Nous sommes d’accord qu’on mette toutes les confréries sur le même pied, mais la ville de Touba ne peut être égale aux autres villes, vu sa dimension et son importance sur le plan démographique et économique. Ça, il faut que les détracteurs de Touba se le tiennent pour dit. Nous n’attendons rien de personne.

Un nouveau président vient d’être élu. Comment appréciez-vous son action à la tête de l’Etat depuis qu’il a prêté serment ?
Je profite de l’occasion pour le féliciter et l’encourager. Mais, il est trop tôt de tirer un bilan de son action à la tête de l’Etat. Il a des relations avec Touba qui ne datent pas d’aujourd’hui. Depuis son accession au pouvoir, ses relations avec Touba sont au beau fixe. En toute franchise, nous n’avons pas encore de critiques à lui faire. Nous n’avons pas aussi des lauriers à lui tresser. C’est encore tôt de le juger. Serigne Saliou Mbacké disait : «C’est une erreur de formuler des doléances à un chef d’Etat qui n’a pas encore fait 40 jours d’exercice du pouvoir». Nous lui souhaitons quand même une réussite dans sa mission.

Avez-vous des relations particulières avec le nouveau président ?
J’ai d’excellentes relations avec Macky Sall. Lui aussi a d’excellentes relations avec le Khalife général et la ville de Touba d’une manière générale. Nous l’avons connu sous le règne du président Wade, et depuis qu’ils se sont quittés, il a conservé ces relations. Et jusqu’ici, Touba n’a rien à lui reprocher.

Lors de sa première visite à Keur Nganda en tant Chef de l’Etat, le Khalife, par votre voix, lui a demandé d’être reconnaissant à l’égard de Wade qui est son «père». Certains ont estimé que c’était une manière de l’épargner d’éventuelles poursuites ?
Vous savez, les Sénégalais font beaucoup de commentaires sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas. Notre avis sur cette question a été dit en public ce jour-là. Nous lui avions conseillé d’être reconnaissant envers Wade et d’avoir du respect pour sa personne. On s’est limité à ça. Dieu merci, jusque-là, nous ne l’avons pas vu poser un acte contraire. Serigne Sidy Mokhtar Mbacké est un homme réservé. Il ne s’est jamais prononcé sur des poursuites ou non à l’endroit de Wade et de son régime. Il ne connaît même pas le mot audit pour aborder un tel sujet avec Macky Sall. Il est le chef de l’Etat, il y a des choses qui relèvent de son pouvoir discrétionnaire. La Communauté mouride n’a pas à se prononcer là-dessus. Nous lui avons simplement rappelé, conformément à l’islam, le droit d’aînesse et les relations parentales.

Les chantiers du Khalife général se poursuivent, au moment où ceux de l’Etat sont aux arrêts. Où en êtes-vous avec les travaux entamés par le Khalife, depuis son accession au trône de Khadim Rassoul ?
Les vrais chantiers de Touba sont ceux que le Khalife des mourides a entamés depuis qu’il est à la tête de la Communauté. Il a injecté plus de deux milliards dans ces travaux. Il s’agit des autres résidences Khadim Rassoul, de l’éclairage public de Touba, entre autres. Pour la mosquée «Massalikoul Djinane», les travaux se poursuivent. Le Khalife a déjà injecté, sur fonds propres, trois milliards cent millions dans le compte bancaire réservé aux travaux de cette mosquée, dont il souhaite qu’elle soit achevée, au plus tard dans deux ans.

Des informations ont fait état d’argent décaissé dans des conditions nébuleuses et remis à une entreprise de la place…
Ce sont de fausses informations. Aucune somme n’a été décaissée de façon nébuleuse. Tout se passe dans la transparence. Nous avons fait des investigations. La somme dont vous faites allusion a été décaissée pour permettre à la Cde d’acheter des baraques de protection du chantier. C’est une simple avance allouée à cette entreprise chargée de l’exécution de travaux. Trois signatures différentes sont autorisées à faire sortir de l’argent.

Vous avez évalué le Magal 2012 qui pourrait probablement se dérouler en 2012 encore. Ce qui n’arrive pas souvent. Comment préparez-vous le prochain Magal ?
Nous rendons grâce à Dieu qui fait évoluer et transformer la nature, selon sa volonté. Le Magal 2102 a vécu, et il est fort probable qu’il se déroule encore en fin 2012. Ce qui arrive rarement tous les cent ans, selon les géographes. Nous avons tiré un bilan satisfaisant de son déroulement et nous préparons le prochain Magal avec des innovations majeures que nous porterons à la connaissance du public, après le mois de Ramadan, s’il plaît à Dieu. Nous avons vécu le colloque et ses innovations, mais vous verrez d’autres grands changements dans l’organisation à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Pour finir, quel commentaire faites-vous de l’affaire Cheikh Béthio Thioune ?
Je viens fraîchement de l’extérieur du pays. J’étais en Mauritanie. Je n’ai pas suivi cette affaire. Donc, je me garde de donner un avis sur cette affaire. Et en plus elle est pendante devant la justice. Mais, en tant que musulman, je formule des prières pour Cheikh Béthio Thioune.

Propos recueillis par Alioune FAYE (Correspondant)
popxibaar.net

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