Sidy Lamine Niasse : le serment de Walfadjri (l’Aurore) (Par Yoro DIA)

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Il est parti le matin après le fadjri (l’Aurore), surtout après que la «nuit se soit écoulée». Ainsi, Sidy Lamine a respecté son serment jusqu’au bout. Toute sa vie a été un combat pour que la nuit de l’ignorance et de l’intolérance s’écoule, afin que se lève enfin l’aurore de la liberté et de la connaissance. Le Sénégal doit beaucoup à Sidy Lamine Niasse, qui va avoir une place de choix sur les langues de la postérité. Il a accompli son serment. Dans les années 70, armé de sa seule volonté, il est parti en croisade pour la liberté de presse. Aujourd’hui, elle est devenue une réalité. Dans les années 90, la radio Walf Fm où nous avons fait nos premières armes avec Mamoudou Ibra Kane, Alassane Samba Diop, sous l’aile de Grand Less, a permis à notre pays de passer de la «démocratie des lettrés» à une démocratie globale, avec à la clé, la première alternance politique. Walf a été une grande école qui a produit tant de grands journalistes, grâce à la générosité intellectuelle de Sidy et surtout cette grande liberté qui a permis à des talents d’éclore, car le «Mollah» comme on l’appelait, était aussi un détecteur de talents.
Sidy Lamine était un intellectuel mais pas seulement un «penseur». Par son courage physique et sa témérité, il a ouvert plusieurs brèches et fait tomber plusieurs murs dans notre longue marche vers plus de liberté et de démocratie. Dans les années 90, Sidy Lamine a été comme un témoin de Jehovah en disant aux Sénégalais, «Réveillez-vous», face à l’imposture de ce qu’était alors l’affaire Sheikhou Sharifou. C’est ainsi qu’il me demanda d’aller sur les traces de «l’enfant prodige», qui se révéla être une imposture religieuse et une véritable escroquerie. Je partis sur les traces de Sharifou en Côte d’Ivoire, en Ethiopie et Dar es Salam et Zanzibar en Tanzanie, pour enquêter et au finish, déconstruire une arnaque. L’enquête marqua la «fin de la nuit», titre du livre de Sidy Lamine sur la question.
Sidy Lamine était un intellectuel éclectique. Combien de fois ai-je passé des heures dans son bureau, à revisiter avec lui la pensée islamique, l’antiquité grecque, les romains, les penseurs allemands qu’il adorait, sans oublier les contemporains comme Francis Fukuyama et «sa fin de l’histoire», et Samuel Huntington et son «Choc des civilisations». Il m’a toujours fait l’honneur de me faire lire ses manuscrits, dont le plus important pour lui était sans conteste les écrits de son père. Quand l’Etat du Sénégal, pour des raisons démagogiques, a interdit le livre de la Tunisienne Hela Ouardi, Les derniers jours du Prophète (Psl), Sidy Lamine Niasse, par son courage intellectuel et sa légitimité religieuse, a sauvé l’honneur des intellectuels et du pays en montrant à la télé qu’il fallait lire le livre et en montrer les failles et démasquer les commanditaires. Par ce geste, il a montré qu’on ne peut pas combattre la plume par l’épée ou par les interdits. A l’époque, je lui avais dit qu’il s’était comporté comme Spinoza dénonçant l’intolérance et les ultimi barbari (les derniers barbares en date) à Amsterdam. Cette posture de courage intellectuel et surtout d’ouverture à l’autre était sa conception de l’islam symbolisée par le dialogue fécond qu’il a entretenu à la radio avec Abbé Jacques Seck à la fin des années 90. Sidy n’a pas seulement été un «Arabisant entre presse et pouvoir» mais un intellectuel au sens plein du terme, qui toujours été un pont entre les mondes de Hegel et de Ibn Arabi, entre la pensée de Huntington et de Ibn Taqmiya, entre la Perse et l’Arabie, entre les rives du fleuve Sénégal, entre Al Ahzar et la Sorbonne.
Jeune journaliste à Walf Fm, Sidy Lamine a été mon patron pendant deux ans, mais est resté un ami et un frère pour toujours. J’ai été très touché quand il a m’a envoyé son fils à la fin de ses études à Paris, pour me demander de le conseiller sur son parcours professionnel. Même honneur quand il a appelé de Paris pour me dire que son fils venait de réussir au barreau. J’ai quitté Walf, mais les liens fraternels avec Sidy ont été permanents. Il me faisait part des difficultés de Walf et j’ai toujours été admiratif face à sa détermination à ne jamais baisser les bras, qu’il expliquait par le verset «En réalité Dieu est avec les endurants». Je n’oublierai jamais ses mots à la prière mortuaire de mon père.
Sidy est parti, ses idées et ses écrits restent ; son œuvre immense, ses combats continuent. «La vie qui ressemble à un songe est éphémère mais la gloire est éternelle.» La gloire de Sidy restera éternellement dans nos cœurs et dans l’histoire du Sénégal. Adieu cher Ami, cher Frère. Que Dieu t’enveloppe de sa miséricorde.

Yoro DIA – [email protected]

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