Taïb Socé sur le ramadan en prison : «Le détenu n’est pas obligé de jeûner, si…»

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Dans un milieu où l’alimentation est défectueuse, l’insalubrité chronique et la promiscuité institutionnalisée, le musulman est dispensé du jeûne. C’est le cas dans les prisons sénégalaises, selon Oustaz Taïb Socé. L’islamologue décrie, dans cet entretien, les conditions de vie insoutenables des prisonniers qui croupissent dans ces cellules. L’Islam ne les oblige pas à jeûner, dit-il. Le prêcheur interpelle aussi les responsables des organisations de défense des droits de l’Homme notamment le président de la Raddho, Alioune Tine, afin qu’ils consacrent un peu de leurs emplois du temps à la vie carcérale au Sénégal.
Une personne dans les liens de la détention est-elle obligée d’observer le jeûne du­rant le mois de Ramadan ?
Un prisonnier n’a pas de liberté. Il peut être confronté à des problèmes d’alimentation. Cela dépend de ses moyens et de ses soutiens. Du mo­ment qu’il n’est pas libre pour vivre correctement, il n’a pas forcément accès au minimum, il peut ne pas jeûner. La liberté est nécessaire pour jeûner. Mais si une personne jouit de certaines conditions de détention, si de bons repas lui sont assurés, il peut jeûner. S’il a le temps de dormir, de se reposer, il peut observer le jeûne. Les con­ditions de détention des prisonniers ne sont pas les mêmes.
Dans certaines cellules, comme à la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss, les détenus se comptent par centaines. Sont-ils obligés de jeûner dans un tel état de promiscuité ?
Ils sont très nombreux dans certaines chambres. Ces derniers ne peuvent pas jeûner. Ils sont confrontés à de sérieux problèmes d’hygiène et d’alimentation. J’ai fait deux mois 17 jours à Rebeuss. Parfois, des prisonniers de ces chambres venaient me montrer les plats qui leur sont servis, mais ils n’étaient pas du tout bons. J’ai visité ces chambres. Je ne peux pas vous décrire la mauvaise qualité des repas qui y sont servis et l’insalubrité qui y règne. Certains ne voient pas leur famille. Donc, ils sont obligés de manger les repas servis par l’administration pénitentiaire. D’autres quémandent le petit déjeuner. Ces gens-là n’ont pas l’obligation de jeûner. Leurs conditions de détention ne leur permettent pas d’ob­server le jeûne. Néan­­moins, il y en a parmi les prisonniers, ceux qui font l’effort d’assurer les cinq prières malgré la promiscuité. Certains observent même le jeûne au-delà du mois de Ramadan. Ces gens-là vont certainement jeûner durant ce mois béni. A vrai dire, ils sont très braves, ces prisonniers-là.
Mais ce n’est pas évident pour tous. La prison a des endroits bien entretenus. Il y a de l’eau. Les toilettes sont bien propres et fonctionnelles. Fran­chement, j’étais dans un endroit salubre. J’avais la possibilité de faire mes ablutions et de prier comme il se doit. Tel n’est pas le cas dans toutes les cellules où respecter les prières et se consacrer à Dieu posent problème. Néan­moins, les gens prient. Tout le monde sortait pour la prière du vendredi. A l’occasion, je faisais même des sermons. Une chambre où vivent trois cents personnes est difficile à rendre propre. Malgré la promiscuité, ils se dé­brouillent pour prier.
Donc, des détenus condamnés à perpétuité sont dispensés du jeûne pour le reste de leur vie ?
Pour le cas des prisonniers con­damnés à perpétuité, Dieu le Tout-Puissant les dispense du jeûne. A chaque situation de l’être humain, le Tout-puissant consacre un régime de dévotion approprié. Ils peuvent jeûner volontairement. Mais ce n’est pas une obligation. Toutefois, il est toujours bon de jeûner, si c’est possible. En le faisant, on est très proche de la Miséricorde. J’ai vu en prison des gens qui jeûnent tout les lundis et jeudis. Ils pratiquent la Sunnah. Mais si on peine à avoir une tasse de café, on est vraiment dispensé du jeûne. J’y ai rencontré des personnes très fatiguées pour qui j’ai fait des bons de nourriture.
Quel est le niveau de responsabilité de l’Etat dans la prise en charge du jeûne des détenus musulmans ?
Il faut tout simplement dire que les conditions de vie du prisonnier doivent être améliorées. Ils sont incarcérés dans des conditions très mauvaises. Celui qui n’a pas un parent capable de lui assurer un repas, souffre énormément. Je lance un appel à l’Etat et toutes les bonnes volontés pour qu’ils aident les prisonniers à améliorer la qualité de leur nourriture et des conditions de vie d’une manière générale. Ce qui permettra aux musulmans incarcérés de jeûner durant le mois de Ramadan.
Il n’y a que quelques bonnes volontés qui pensent à eux durant ce mois sacré. Elles interviennent en prison en apportant le Ndogou. J’ai pris plusieurs initiatives en ce sens avec quelques bonnes volontés. Il faut savoir qu’on ne se nourrit pas uniquement durant le mois de ramadan. Au-delà de leur statut de prisonniers, ce sont des êtres humains qui ont des droits. On ne doit pas les priver d’une alimentation décente. En tous cas, ce n’est pas ce que recommande l’Islam pour le traitement d’un prisonnier.
Il faut demander à ceux qui traitent les dossiers des prisonniers qui n’ont ni avocat, ni soutien de famille d’accélérer le pas. Il y a des jeunes qui sont incarcérés depuis deux ans, sans jamais rencontrer un avocat ou un parent. C’est très dur. On doit les juger dans les plus brefs délais afin qu’ils connaissent la peine qu’ils doivent purger. Au cas où ils ne sont pas coupables, qu’on les libère.
N’est-ce pas les organisations islamiques doivent jouer leur partition ?
J’y vais toujours avec des organisations islamiques. On leur apporte des télévisions, de la nourriture et un soutien moral. Les organisations islamiques ne doivent pas être moins im­pliquées que celles spécialisées dans la défense des droits de l’Hom­me. Les êtres humains sont ont les mêmes droits. On ne doit pas minimiser les droits de quelqu’un. A ce propos, j’interpelle M. Alioune Tine, le président de la Rencontre africaine des droits de l’Homme (Raddho). Les droits de l’Homme sont larges. Il ne doit pas consacrer tout son temps aux Constitutions des pays, à rencontrer des chefs d’Etat en oubliant ceux qui souffrent dans les prisons. La défense des droits humains ne se limitent pas aux Constitutions. Il doit aller dans les prisons pour s’enquérir et dénoncer les conditions de détention, au lieu de passer son temps dans d’autres pays. Si un droit de l’Homme équivaut à un autre, Il n’a pas besoin d’aller loin. Alioune Tine a des choses à dire et à écrire sur la vie des prisonniers au Sénégal. S’ils les écoutent, il aura de quoi dénoncer afin que les détenus recouvrent leurs droits.
lequotidien.sn

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