Touche pas à ma Constitution ! Par Tafsir Ndické DIEYE

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Le décret N° 2011-702 ordonnant la présentation du Projet de loi relatif à la première loi de Finance rectificative pour l’année 2011 rendu public suite au Conseil de Ministre du jeudi 16 juin 2011 a été signé par le Président de la République depuis le 06 juin 2011.

Ce énième projet de modification de la Constitution installe de nouveau entre l’Etat et le peuple dépité par le manque de respect dont fait montre Wade vis-à-vis de lui à chaque fois qu’il prépare un coup politique tordu contre sa souveraineté. Cette loi est tout à fait dans les loges officielles de la logique du Président qui n’a jamais changé depuis 2000 dans sa volonté de se maintenir au pouvoir et de se faire succéder demain pour celui qu’il voudra bien choisir. La souveraineté du peuple lui importe peu. Ça, nous le savions déjà. Cependant, avec cette loi, ce qui est étonnant c’est le cynisme avec lequel le texte camouffle, sous des relents démocratiques, une démarche louche, antidémocratique, cynique et antirépublicaine.

Louche, la démarche l’est car, pour une décision de ce genre, qui bouleverse complètement l’attelage institutionnel de l’Etat du Sénégal, le peuple devrait être saisi à temps par voie référendaire. Que personne ne soulève l’argument d’un manque de budget pour organiser un tel référendum car, quand Wade a voulu organisé son FESMAN à coups de plusieurs dizaines de milliards il l’avait fait malgré l’opposition des populations. Ce gâchis financier du siècle aurait pu permettre à l’Etat de demander l’avis du peuple sur cette monstruosité.

Cette démarche est antidémocratique car, on ne change pas les règles du jeu électoral à six mois du démarrage de la campagne électoral. En plus du découpage de certaines localités qui brouille la carte électorale actuelle, Wade donne un nouveau coup de matraque sur la tête du code électoral. Cela nous rappelle Tandjan au Niger. Les questions électorales doivent faire l’objet de consensus entre l’opposition et le pouvoir, entre les acteurs en compétition.

La démarche est cynique et la réaction de son initiateur le prouve car, il prétend avoir assommé l’opposition.  Aujourd’hui, Wade se délecte d’avoir réussi un nouveau coup tordu sur le dos de la Constitution et de l’opposition. Et nous disons que la démarche est anti républicaine.

Dans l’exposé des motifs, on nous rappelle que « la loi constitutionnelle 2009.22 du 02 juin 2009 introduit dans le dispositif institutionnel du Sénégal, le poste de Vice-président. » Depuis deux ans donc ce poste existe et reste inoccupé. Ce qui signifie qu’il n’était pas nécessaire de le créer en son temps car le pays n’en a pas besoin. Mais passons !

Avec l’application de la nouvelle loi, les institutions de la République seront les suivantes : le Président de la République, le Vice-président de la République, le parlement qui comprend l’Assemblée national et le Sénat, le Gouvernement, le Conseil Economique et Social, le Conseil Constitutionnel, la Cour des Suprême, la Cour des Comptes, et les Cours et Tribunaux. Relevons avant de continuer que le texte devait nous édifier sur les prérogatives du Vice-président vis-à-vis du Gouvernement. Qui est le chef du gouvernement ? Le Vice-président ou un premier ministre, dans l’article 6, on ne parle pas de premier ministre.

Retournons à l’article 2. Ici, il est dit, en modifiant l’article 26 de la Constitution, que « Le Président et le Vice-président sont élus pour la même durée au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours assorti d’un minimum bloquant de 25% des suffrages exprimés. Le ticket présidentiel ainsi constitué n’est pas soumis à la contrainte paritaire. Le Vice-président assiste le Président qui, à cet effet, lui délègue des pouvoirs et lui confie des missions (…) »

Cet article nous apprend que pour gagner l’élection présidentielle, on a plus besoin d’avoir plus de 50% des suffrages exprimés mais tout juste plus de 25%. Aux citoyens de relever la subtilité et le cynisme dans la démarche. Il nous apprend aussi que la parité instituée par Wade à grand coup médiatique, dès que cela concerne son cas électoral, l’élection présidentielle, devient une « contrainte ».  Comment un Président élu par 26% des électeurs peut-il gouverner 74% de voix contre ? C’est quelle légitimité ça ?

Le flou revient dans le vote des militaires et paramilitaires. Le texte dit, en modifiant l’article 33 de la Constitution,  que pour ces derniers,  « le vote peut se dérouler sur un ou plusieurs jours fixés par décret. »

Le même flou revient à  l’article 8, modifiant l’article 36 de la Constitution, qui dit qu’ « au cas où, avant son entrée en fonction, le Président élu décède, se trouve définitivement empêché ou renonce au bénéfice de son élection, le Vice-président de la République élu est proclamé Président de la République par le Conseil Constitutionnel. Il nomme un Vice-président de la République. » L’article poursuit : «  Dans tous les cas de nomination d’un Vice-président par le Président élu, par suite de décès, empêchement définitif ou démission,  le Président peut mettre fin aux fonctions du Vice-président après en avoir informé le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale. »

Donc, demain, le Président élu, peut permettre à  son colistier, en démissionnant, d’être le Président du Sénégal. Et ce colistier, une fois installer dans ces nouvelles fonctions de Président,  peut mettre fin aux fonctions du Vice-président qu’il aura au préalable nommé, après en avoir informé le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale. Et ceci à tout moment.  Donc l’article 8 permettra au colistier devenu Président d’être le seul capitaine à bord. Cet article donne raison à ceux qui pensent que Wade prépare la dévolution monarchique du pouvoir.

Bref, pour poser cette loi, la constitution verra les articles 2, 6, 26, 27, 28, 31, 33, 34, 36, 37, 39, 41, 101.  Le texte est d’une nullité extraordinaire. Même les bandits pensent avec dextérité leurs forfaits. Et, en tout état de cause, personne ne doit oublier que Wade est disqualifié en 2012 par la Constitution. Il ne pourra pas se représenter comme le stipule la Constitution. Une Constitution, c’est du sérieux, ce n’est le joujou de personne.

Alors, il revient aujourd’hui aux leaders politiques d’être comme Amath Dansokho et de participer au premier plan aux marches spontanées des populations, aux marches des jeunes des partis politiques. Il revient à la société civile de dénoncer cette loi scélérate à l’intérieure et à l’extérieur du Pays. Nous interpellons le mouvement Y’en a marre, les élèves et étudiants, toute la jeunes sénégalaise. Il revient aux chefs religieux de parler. Si le pays s’enflamme  leur responsabilité sera engagée. Si cette loi passe, autant laisser les Wade nous ambastiller à leur guise, autant arrêter la parlotte inutile et considérer une bonne fois pour toute que ce pays ne nous appartient plus. Ce cette violation de la Constitution passe comme lettre à la poste, autant dire aux candidats à l’élection présidentielle de 2012 de renoncer à leur candidature une bonne fois pour toute.

Tafsir Ndické DIEYE

Auteur de polars et de poésie dont :

Odeur de sang (polar), Silence ! On s’aime (Poésie)

Editions Le Manuscrit Paris mars 2008

Horreur au palais NEI/CEDA Abidjan Novembre 2010

E-mail :[email protected]

 

 

 

 

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