Trafic international du bois de la Casamance: le pillage organisé de la forêt continue

Date:

xalimasn.com-Le « plan de guerre » sorti il y a deux mois par le ministre d’Etat, ministre de l’Environnement et de la protection de la nature, Djibo Leyti Kâ, contre les réseaux internationaux de pilleurs et de trafiquants du bois de Casamance n’a rien altéré à la détermination des organisateurs de ce trafique vers la Gambie. Le bois des forêts de Casamance continue de remplir des conteneurs envoyés en Chine et Taiwan à partir du port de Banjul.

 

Les tapis forestiers du nord de la Casamance font l’objet d’un pillage organisé à l’échelle de la sous-région. La complicité des populations autochtones favorise l’infiltration d’hommes d’affaires gambiens et étrangers qui financent le pillage à destination de Banjul où se trouvent des filières chargées de l’exportation vers la chine et Taiwan. Des élus locaux de cette partie du pays cèdent à la vue des billets de banque des pillards de la forêt au mépris de l’équilibre de l’écosystème. Et le conflit armé vient porter l’estocade. Les massifs forestiers lâchent leur dernier souffle alors que le désert menace. La réalité se fait plus terrifiante à la vue du nombre de camions chargés de troncs d’arbres de Casamance traversant la frontière chaque jour pour se rendre en Gambie. Du nord-ouest de la Casamance jusqu’à Sédhiou, toutes les forêts n’échappent plus à la furie des tronçonneuses qui déciment le plus grand poumon vert du Sénégal. Les arbres son coupés avec la complicité des populations, des rebelles du Mfdc et des élus locaux.

La filière transgambienne

De l’ouest à l’est de la partie sud de la Gambie, les villages de Dimbaya, Darsilami, Ormortoh, Sutu Sinjang et Alla Kunda constituent, entre autres points, les escales nocturnes des camions qui transportent nuitamment le bois en provenance de la Casamance. Le bois est ensuite acheminé dans les scieries appartenant à des étrangers dont des occidentaux et des chinois et qui pullulent à Serrekunda dans des quartiers comme Tallinding, Churchill’s Town, Latrikunda, Bundung et Abuko. A partir de ces scieries, le bois casamançais est chargé dans des conteneurs à destination de la Chine et de Taiwan. En tout, c’est une filière bien organisée qui rapporte un gros chiffre d’affaire aux différents acteurs de ce trafique. L’on se souvient encore de juin 2007 lorsque 12 camions gambiens chargés de bois de veine, une espèce protégée au Sénégal avaient été saisis dans le département de Bignona et dans le périmètre des forêts de Touba à Diouloulou. Les coupables furent condamnés par le tribunal de Ziguinchor à six mois de prison avec sursis. Par la suite et sur ordre du Président de la République du Sénégal  Abdoulaye Wade, les camions avaient été convoyés au parc de Hann à Dakar. Ce qui avait provoqué l’ire du président Gambien Yahya Jammeh qui avait déclaré « si le Président Wade et Sénégal veulent la paix, ils n’ont qu’à libérer mes compatriotes et nous restituer, dans un court délai, les véhicules immobilisés ainsi que leur matériel« . Or, deux des camions fraudeurs appartenaient à Diakaye et aux hommes du commandant en chef du Front nord du maquis de l’époque, Ismaïla Magne Diémé. Souleymane Ndéné Ndiaye, alors tout nouveau ministre d’Etat, ministre de l’environnement et de la protection de la nature n’avait pas tardé à apporter la réplique. « Mes connaissances rudimentaires me permettent de dire que le président gambien ne peut pas parler comme ça au Sénégal. Il n’a pas à s’immiscer dans la justice sénégalaise. Nous allons vendre le bois et les véhicules. Notre forêt fait l’objet d’agressions souvent par des individus qui viennent le plus souvent de la sous-région« , avait déclaré M. Ndiaye. Les 12 camions avaient été ensuite libérés sans aucune autre forme d’explication.

 

Le trafique a encore de beaux jours devant lui

 

Les activités du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) qui mène une guérilla rurale depuis près de trois décennies pour réclamer l’indépendance de cette partie méridionale du Sénégal et les opérations de ratissage que lance très souvent l’armée dans la zone ont fini d’y installer un cocktail d’insécurité quasi permanent. C’est donc un chèque en blanc tendu aux bourreaux des arbres qui, de fait, squattent les pauvres villages meurtris par des années de conflit armé pour arracher la complicité des riverains, soit par des billets de banque, soit par des produits alimentaires ou tout cruellement par des menaces ostensibles et ostentatoires. Dans un rapport de trois pages établi en mars dernier par la commission du conseil rural de Kandion Mangana, chargée de la gestion des ressources naturelles et environnementales, et intitulé « La poudrière environnementale », le pillage du couvert végétal y est décrit comme un génocide des peuplements de surface. « La communauté rurale de Kandion Mangana sise dans le Nord ouest du département de Bounkiling est une corniche frontalière à la république de Gambie dotée de potentialités énormes ( pastorales, agricoles, (…), forestières). Elle est au bord du chaos écologique à cause de la destruction forestière. Après l’extermination des peuplements de rôniers et des caïlcédras, aujourd’hui, ce sont les espèces appelées vènes qui payent le plus lourd tribut« .

Sans détours, le rapport accable et charge le pays de Yaya Jammeh dans ce pillage « (… ) c’est le fait des Gambiens de connivence avec les populations autochtones qui pénêtrent dans les forêts casamançaises armés d’engins destructeurs appelés tronçonneuses. Dans les villages gambiens frontaliers à notre communauté rurale que sont Kampassa et Kamamoudou, vous trouverez un spectacle macabre des produits de la forêt en provenance de la Casamance » révèle le rapport.

Le document révèle par ailleurs que « une enquête menée auprès de certains chefs de village nous a permis de déceler que certains conseillers ou responsables au sommet des institutions locales se font passer pour des agents des eaux et forêts uniquement pour s’enrichir sur le trafic de bois« . Et le rapport de conclure « en menant une enquête judiciaire sur la déforestation dans la communauté rurale de Kandion, on trouvera inéluctablement que les véritables acteurs ne sont personne d’autre que des élus locaux. Et nous sommes prêts à offrir nos services pour dénoncer et débusquer ces criminels« .

Le ministre Djibo Kâ s’était saisi du dossier et a menacé de sévir, mais jusqu’ici, le trafique international du bois de Casamance continue encore avec la Gambie.

 Frédéric TENDENG


LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

CAN 2023

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

France : Stéphane Séjourné sur le franc CFA, « Si les pays africains se mettent d’accord pour changer le nom, c’est de la souveraineté des...

XALIMANEWS-Le ministre français Affaires étrangères Stéphane Séjourné a accordé un entretien...

Football-Match amical : le Sénégal en maîtrise face au Gabon (3-0)

XALIMANEWS-Ce vendredi soir à Amiens au stade de la...