Tunisie : les principaux cadres de Ben Ali écartés du nouveau gouvernement

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Après plusieurs jours d’intenses négociations au sommet de l’Etat, le premier ministre de transition, Mohamed Ghannouchi, a annoncé, dans la soirée du jeudi 27 janvier, le nouveau gouvernement à la tête de la Tunisie de l’après Ben Ali.

Allant à l’encontre des revendications populaires, Mohamed Ghannouchi a également indiqué, lors de son allocution télévisée (visible en arabe sur Youtube), qu’il restait à la tête de l’équipe dirigeante, formée selon lui à la suite de « consultations avec tous les partis politiques et les composantes de la société civile qui ont accepté d’y participer ».

Toutefois, d’importants changements dans l’équipe gouvernementale remaniée témoignent d’une prise de conscience manifeste des attentes du peuple tunisien. Les principaux ministres qui appartenaient à l’ancien régime Ben Ali (intérieur, défense, affaires étrangères, finances) ont ainsi été écartés des postes clés. En tout, ce sont douze ministères qui changent de main au sein de ce nouvel exécutif (dont la liste complète est consultable ci-dessous), chargé d’organiser des élections démocratiques dans les prochains mois.

EXPLOSION DE JOIE

« La mission [du nouveau gouvernement] sera d’organiser des élections pour que le peuple choisisse en toute liberté », a ajouté Mohamed Ghannouchi à la télévision, appelant les Tunisiens « à retourner au travail », alors que les manifestations appelant à faire table rase du régime Ben Ali ont continué de rythmer la vie du pays depuis le départ, précipité par la rue, de l’ancien dirigeant.

Le « gouvernement s’engage à ce que les élections soient organisées sous le contrôle d’une commission indépendante, en présence d’observateurs internationaux pour en garantir la transparence », a par ailleurs précisé le premier ministre.

Son allocution et ses annonces ont été accueillies par une explosion de joie de la part des centaines de Tunisiens dans les rues de la capitale, Tunis, mais l’AFP a indiqué que ces manifestants continuaient à réclamer le départ du premier ministre, qui était un fidèle de Ben Ali.

L’UGTT EN ACCORD AVEC LE MAINTIEN DE GHANNOUCHI

Un peu plus tôt, le ministre des affaires étrangères, Kamel Morjane, déjà en poste sous Ben Ali, avait lui même annoncé sa démission « dans l’intérêt de la Tunisie ». Il sera remplacé par Ahmed Abderraouf Ounaïs, diplomate de carrière ayant servi sous les présidences de Habib Bourguiba et du président Ben Ali jusqu’en 1994.

L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), principale force d’opposition, avait aussi indiqué qu’elle ne souhaitait pas participer au nouveau gouvernement. Mais le syndicat, qui a joué un rôle majeur dans les manifestations de la révolution tunisienne, avait également exprimé son accord pour voir M. Ghannouchi rester au poste de premier ministre : un facteur de nature à calmer les rues tunisiennes, alors que la journée de jeudi a de nouveau été marquée par une mobilisation importante, notamment menée par l’UGTT.

A Tunis, des milliers de manifestants ont à nouveau fait le siège du bureau du premier ministre, Mohamed Ghannouchi, après avoir campé, pour la quatrième nuit de suite malgré le couvre-feu, sous les fenêtres de son bureau pour réclamer un remaniement du gouvernement qui soit fidèle à l’esprit de la révolution en cours dans le pays.

Des manifestants venus de la région de Sidi Bouzid protestent devant le bureau du premier ministre, Mohamed Ghannouchi.AFP/FETHI BELAID
« DÉGAGEZ LES POURRIS ! »

A Sidi Bouzid – le berceau de la révolte, dans le centre-ouest du pays –, des milliers de Tunisiens ont également défilé aux cris de « Non au vol de la révolution! » pour exiger la démission du gouvernement de transition. Ils manifestaient à l’appel de l’UGTT.

« Dégagez les pourris! », « Ghannouchi, est-ce que tu ne nous a pas encore compris ? » scandaient encore les manifestants à l’adresse du premier ministre, dernier chef du gouvernement du président Ben Ali, qu’il a servi pendant onze ans jusqu’à sa fuite en Arabie saoudite, le 14 janvier.

La veille, l’UGTT avait effectué une démonstration de force en organisant une grève générale dans son bastion historique de Sfax, la deuxième ville du pays, où des milliers de manifestants ont exigé la démission du gouvernement.

La liste complète du nouveau gouvernement (source AFP)
Il comprend 22 membres, y compris le premier ministre. Dix sont reconduits du précédent gouvernement de transition formé le 17 janvier, et douze y font leur entrée. La plupart sont des technocrates et des personnalités indépendantes.
Premier ministre : Mohamed Ghannouchi (reconduit)
Ministre de la défense nationale : Abdelkarim Zebidi
Ministre des affaires étrangères : Ahmed Ouneies
Ministre de l’intérieur : Farhat Rajhi
Ministre de la justice : Lazhar Karoui Chebbi (indépendant, reconduit)
Ministre des affaires religieuses : Laroussi Mizouri (indépendant, reconduit)
Ministre du développement régional et local : Ahmed Néjib Chebbi (dirigeant du Parti démocratique progressiste, ex-opposition à Ben Ali, reconduit)
Ministre de l’éducation : Taieb Baccouch (syndicaliste indépendant, reconduit)
Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique : Ahmed Brahim (dirigeant du parti Ettajdid, ex-opposition à Ben Ali, reconduit)
Ministre de la santé publique : Habiba Zéhi
Ministre du commerce et du tourisme : Mehdi Houas
Ministre des affaires sociales : Mohamed Naceur
Ministre de l’agriculture et de l’environnement : Mokhtar Jalleli
Ministre de la planification et de la coopération internationale : Mohamed Nouri Jouini (membre du dernier gouvernement Ben Ali, reconduit)
Ministre de l’industrie et de la technologie : Mohamed Afif Chelbi (membre du dernier gouvernement Ben Ali, reconduit)
Ministre des finances : Jelloul Ayed
Ministre de la culture : Ezzedine Bach Chaouech
Ministre des affaires de la femme : Lilia Laabidi (responsable associative, reconduite)
Ministre du transport et de l’équipement : Yacine Ibrahim
Ministre de la formation et de l’emploi : Said Aydi
Ministre de la jeunesse et des sports : Mohamed Aloulou (indépendant, reconduit)
Ministre auprès du premier ministre, chargé des réformes économiques et sociales : Elyes Jouini

lemonde.fr

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