Une belle occasion pour changer – Par Madiambal Diagne

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On avait beau dire que le cheval enfourché par l’opposition partait perdant. Ils avaient voulu transformer le référendum d’hier en une élection présidentielle anticipée, occultant ainsi les bases du projet de réformes institutionnelles. Le combat des leaders de l’opposition n’était point de savoir si les réformes pourraient renforcer ou non le système démocratique comme le prétendait le camp du régime du Président Macky Sall. Jamais durant la campagne, les figures de proue de l’opposition n’ont remis en cause les choix institutionnels proposés par Macky Sall. Ces responsables politiques ont plutôt appelé à sanctionner le bilan du chef de l’Etat pour ne pas dire sa personne même. Ainsi, peut-on présumer que si paradoxalement Macky Sall avait appelé à voter contre son propre projet de réformes, l’opposition aurait appelé à voter «oui».

Les électeurs ne les ont donc pas suivis dans cette logique nihiliste. Les résultats sortis des urnes ne laissent pas de doute, le projet de réformes institutionnelles a été adopté par le Peuple souverain. On notera que le taux de participation aura été l’un des plus faibles de l’histoire des référendums au Sénégal. L’enjeu politique n’était peut-être pas très mobilisateur, mais il faut bien relever que le détournement de l’objet et du sens du vote du référendum n’a pas manqué de jeter le flou dans la lisibilité dans le choix des électeurs. Ils sont sans doute nombreux à s’être abstenus, faute de pouvoir s’expliquer de façon claire le sens de leur vote. Le constat de la désaffection des urnes par les électeurs pourrait faire regretter à l’opposition la stratégie adoptée lors du référendum. En effet, si l’opposition, comme l’avaient préconisé d’ailleurs certaines franges du Pds, s’était abstenue de participer au référendum, elle aurait pu mettre à son actif le fort taux d’abstention, évalué à près de 60%.
La victoire du «Oui» peut être lue comme une certaine forme de conforter la gouvernance du Président Macky Sall. L’opposition avait cherché à faire arbitrer par les électeurs la poursuite du mandat du chef de l’Etat. Il est certain que si les «nonistes» avaient remporté la victoire, une situation «d’ingouvernabilité» du pays aurait été imposée au Président Sall. Sa légitimité politique aurait été fortement remise en cause. Dans une grande démocratie, un référendum qui cristallise les passions comme celui du 20 mars 2016, et gagné à de telles proportions, devrait conforter le pouvoir en place. En outre, il sera en effet difficile dès lors de choisir de garder la Constitution de 2001, qui fixe le mandat du chef de l’Etat à sept ans et de refuser à Macky Sall de poursuivre son mandat jusqu’en 2019. Aussi, on se demande si le Pds sera à l’aise d’avoir à bénéficier du statut du chef de l’opposition que lui confère la nouvelle réforme constitutionnelle sur laquelle il a ainsi craché.
Il reste que les résultats du référendum devront induire d’importants changements dans la gouvernance du Président Sall. Des leçons devront être fatalement tirées. Les résultats indiquent une bonne alerte. Le vote des électeurs de la conglomération urbaine Touba-Mbacké indique une certaine bérézina pour le camp du «Oui». Le camp du «Non» a gagné avec plus de 75% des suffrages. Ce vote traduit sans doute un rejet ou la sanction d’une certaine arrogance affichée par le député Moustapha Cissé Lô et sa famille. Ce responsable de l’Alliance pour la République (Apr) s’illustre négativement par des bisbilles contre certaines familles religieuses et cela n’a sans doute pas manqué d’avoir un impact sur le choix des électeurs. Le meilleur geste d’amitié que le député Cissé Lô pourrait poser à l’endroit de Macky Sall serait certainement de démissionner de ses responsabilités politiques locales. Ce vote peut aussi être lu comme un manque d’apanage de l’élite maraboutique de Touba sur le choix des électeurs. Les consignes de vote de ces religieux ont manifestement suscité une certaine rébellion des disciples. Il s’y ajoute que le Président Sall a pu payer sa politique d’évitement ou même de bannissement de la distribution de prébendes à des chefs religieux pour être dans leurs bonnes grâces.
Modou Diagne Fada a pu confirmer son leadership local à Darou Mousty. Oumar Sarr et Aïda Mbodji du Pds gardent d’une main ferme leurs fiefs.
La défaite du camp des «Ouistes», dans la zone de Sédhiou, devra aussi interpeller le gouvernement. Est-ce dû à l’absence de responsables politiques d’envergure favorables au camp de Macky Sall ? Ou bien, et on le présume fortement, le sentiment des populations d’être laissées pour compte a-t-il pesé sur la balance ?
Sur un autre registre, la victoire du «Oui» traduit quelque part l’importance stratégique de l’Alliance entre Macky Sall et Ousmane Tanor Dieng. Les Socialistes restés dans le camp de Ousmane Tanor Dieng ont largement contribué dans leurs fiefs à la victoire. Le maire socialiste de Dakar, Khalifa Sall, et Madame le maire de Podor, Aïssata Tall Sall, viennent de payer leur émancipation de la tutelle de Ousmane Tanor Dieng.
Le scrutin peut constituer un excellent sondage pour le Président Macky Sall. Les résultats révèlent une perte de terrain pour des leaders comme Khalifa Sall, qui a perdu dans nombre de ses bastions politiques, notamment dans les circonscriptions de ses lieutenants Moussa Sy, Barthélemy Dias, Bamba Fall ou Idrissa Diallo. C’est aussi le cas de Elhadji Malick Gakou qui a perdu son test de popularité à Guédiawaye contre le maire Aliou Sall. Idrissa Seck a pu gagner d’une courte tête dans la commune de Thiès, mais a perdu le département et la région qu’il avait l’habitude de gagner. Le leader du parti Rewmi perd inexorablement du terrain d’une élection à une autre. La hargne viscérale avec laquelle il a battu campagne lors du référendum a fini par accréditer l’idée que Idrissa Seck ne semblait plus s’écouter parler. Abdoulaye Baldé de l’Ucs n’a pas été, lui non plus, plus heureux. Il a perdu du terrain dans la ville, le département et la région de Ziguinchor.
Le Président Macky Sall tient de l’or en barre entre les mains. Va-t-il tirer les bons enseignements du scrutin de dimanche dernier pour impulser les changements ou risque-t-il de le transformer en plomb ? De toutes les façons, il a l’occasion de balayer toutes les scories de son régime et tous les responsables politiques qui constituent de véritables repoussoirs. Le Président Sall est attendu pour donner une orientation économique et faire des réalisations pour le reste de son septennat.
Sur le plan politique, il urge pour le Président Sall de songer à mettre en selle un personnel politique nouveau. Le renouvellement de la classe politique constitue une nécessité pour conforter les résultats. L’exemple du ministre de l’Economie, des finances et du plan, Amadou Ba, entré récemment en politique et qui s’est investi avec bonheur aux Parcelles Assainies à Dakar, peut constituer un bon cas d’école. Il devrait notamment faire des émules chez de nombreux cadres et technocrates.

Madiambal Diagne

9 Commentaires

  1. Monsieur Diagne, j’adhère en partie à votre analyse du scrutin du référendum. En partie, car vous apparaissez comme objectif au lendemain de cet affrontement indigne par endroit et vous avez trouvé les mots pour les dénoncer. En partie aussi en pensant que « Le scrutin peut constituer un excellent sondage pour le Président Macky Sall ». Non et non, absence totale de perspective. Macky Sall et tous ces opposants que vous dites perdants doivent se méfier du sénégalais qui vient de démontrer sa maturité politique et son dégoût pour le tapage et la violence. Cette campagne a confirmé l’inculture des responsables des deux bords. Elle a aussi révélé votre parti pris, vous Monsieur Diagne qui avez préféré des coups en dessous de la ceinture pour utiliser une expression du « noble art ». Votre sortie contre Monsieur Mbaye est indigne et ne vous grandit pas. Le pays attend de votre part des analyses non commandées (votre argument sur le scrutin de Touba est intéressant par ailleurs), des analyses argumentées et non des coups bas. En fin de compte vous oubliez les 60% de sénégalais (les vainqueurs) dans votre chute. Le président Macky Sall a plusieurs enseignements à tirer de cette affaire à commencer par se débarrasser de toute cette horde de béni oui-oui pour ne pas dire des moutons opportunistes qui ont surtout participé à nous dégoûter. Nous voulons des sénégalais compétents (pas des bouffons au palais excusez cette expression), des ministres qui maitrisent leur sujet (pas des ministres-animateurs-conseillers de je ne sais quoi) … Les 40% de sénégalais abstentionnistes ont beaucoup de choses à dire, il faut seulement savoir les écouter et les entendre.

  2. On ne perd jamais avec la vérité. Par conséquent l’opposition, dans sa posture actuelle face au pouvoir de Macky Sall, ne perdra jamais. Au demeurant, Madiambal reconnait qu’il y a quelque chose à changer chez Macky.
    L’opposition elle doit comprendre que tout dialogue avec Macky est à considérer comme une trahison des aspiration du peuple.

  3. Madiambal !
    Votre analyse est partiale, partielle et parcellaire.
    Premièrement, ce référendum n’a pas été loyal. Le PR Macky SALL avait avancé sa tenue pour le mois de Mai 2016 devant l’Association de la Presse Etrangère le 17 Mars 2015.
    Le 20 Février 2016, il prend de court les sénégalais en fixant sa date au 20 Mars 2016. Il avait ramené Thiendella Fall à la Direction Générale des Elections le 20 Janvier 2016 et le Ministère de l’Intérieur préparait discrètement cette consultation.
    Contrairement à ce vous avancez, les sénégalais savent très bien la portée d’un référendum. Le boycott n’est pas fortuit. L’absence de dialogue de la part du Chef de l’Etat est la principale cause. En 2001, Wade a obtenu 95% de OUI avec un taux de participation de 65,74 % car le projet de révision était largement partagé; le PS principal parti d’opposition avait appelé à voter OUI.
    La campagne électorale a été ponctuée par les achats de conscience et les débauchages éhontés. Votre quotidien « Le Quotidien » a rendu compte des 45 millions offerts aux Maires du Département de Mbacké, des enveloppes offertes dans les mosquées, du relèvement des salaires de chefs de quarier, la défection des Maires Alioune Ndoye, Pape Seck, Doudou Issa Niasse, Ousmane Ndoye, Santi Agne….des rangs de Khalifa SALL, des responsables de l’UCS.
    Réduire la cuisante défaite de Touba à l’arrogance de Moustapha Cissé LO est simpliste. Où sont les SADAGA, Abdou Lahat KA, Galass Mbacké Kaltom, Modou Bousso Dieng… ? Que dire de la raclée que Fada a administré à Thierno LO, Ibrahima SALL …à Daou Mouhty ?
    L’argent a coulé à flots pour la presse gloutonne et sans éthique. Que dire des insertions publicitaires de Amadou BA Ministre des Finances, de Cheikh Kanté PAD, Cheikh Mbengue CMU, Thierno NIANE CDC, Abdou Karim SALL ARTP, Amadou Samba KANE LONASE, Cheikh BAKHOUM ADIE, Doudou KA FONGIP… dans vos colonnes et celles de vos confrères (Mamadou Oumar Ndiaye a même appelé à voter OUI dans son journal Le Temoin du Samedi 19 Mars 2016 violant de manière délibéré le code électoral car la campagne était terminée) ?
    Que dire de la propagande éhontée sur RTS ?
    Que dire du parti pris contre espèces sonnantes de la TFM, de 2STV, de SENTV ?
    Que dire de la nouvelle trouvaille journalistique « Interview-publireportage » ?
    NON Madiambal ! Le Parti prime toujours sur la Patrie

  4. Où sont les blabateurs et les irresponsables qui nous tympanisaient depuis des semaines avec leur stupide NON ? Vous pensiez les Sénégalais naïfs ou manipulables ? Ils vous ont montré aujourd’hui que dofouniou en votant massivement OUI. Les Y en marre, Idrissa Seck, Seydina Seck, Adama Gaye, Ndiaga Loum, Decroix, Mame Adama Guèye, Khalifa Sall et consorts, maintenant de grâce fermez vos g… pour les 2 prochaines années et laissez les gens travailler. Et vous n’avez encore rien vu, attendez 2019…

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