Une cité islamique dans un pays laïc: La Charia fait loi à Thiénaba

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LE QUOTIDIEN – Le saviez-vous ? Il y a une cité qui applique la charia dans un Etat laïc. A Thiénaba, cette loi est en vigueur même si elle n’y est pas appliquée dans toute sa rigueur. Et pour cause, les gardiens de cette justice islamique n’ont pas le droit de tuer ni d’amputer un membre de ceux qui osent enfreindre la loi. Aussi, cette application reste-t-elle dans les limites permises par les fondamentaux de la laïcité étatique sénégalaise. La charia exige la peine capitale. Mais n’ayant pas les pouvoirs de l‘appliquer, on se limite aux coups de fouet.

Fondée en 1882 par Ahmadou Amary Ndack Seck, l’un des chefs religieux compagnons de Cheikhou Ahmadou Ba, fils de Limamoul Mahdiyou Ba de la localité de Wouro Mahdiyou qui menèrent le mémorable djihad de 1875, la cité de Thiénaba, chef-lieu de la communauté rurale du même nom, l’une des trois sous-préfectures du département de Thiès, est située à 85 km de Dakar sur la route de Diourbel, entre les communes de Thiès et Khombole. Ce site dont le choix aurait été révélé au saint homme par un signe lumineux et qui fait ainsi partie des premiers foyers religieux du Sénégal se veut gardien du temple de la charia, la loi islamique, dans un Etat laïc comme le Sénégal où 95% de la population sont des musulmans.

Dans cette cité religieuse, les autorités religieuses qui, tout en reconnaissant l’autorité administrative, sont les descendants du fondateur de la localité, ont pris le soin de créer une sorte de ligne de démarcation qui divise la localité en deux parties : Thiénaba Gare et Thiénaba Seck. Cette dernière partie qui abrite les autorités religieuses, distante de Thiénaba Gare d’environ un kilomètre, abrite également l’autorité administrative et toutes les infrastructures liées à l’Administration, créées par le colon. Ainsi, les autorités religieuses, pour perpétuer cette volonté de leur guide religieux, ont instauré la charia pour juger ceux qui osent franchir les interdits de l’islam. Toutes les dispositions sont prises à cet effet. En effet, aux côtés du khalife, il y a l’imam de la grande mosquée qui se charge de veiller à l’application de la loi islamique. De ce fait, il a la garde du fouet, un des instruments pour la correction de ceux qui bravent les interdits.

Lapidation 

Ce fut Ahmadou Amary Ndack Seck (1830-1899), l’un des chefs religieux les plus courtisés durant les 17 dernières années de sa vie, puisqu’un grand nombre d’hommes de sciences islamiques séjournèrent auprès de lui, soit pour compléter leur savoir soit pour dispenser leur enseignement, qui adopta la charia à Thiénaba : le fouet pour les coupables ou même l’expulsion définitive du village. Le guide religieux, premier khalife de Thiénaba, préside aux destinées des fidèles de la confrérie tidiane.

Exigeant avec ses talibés, il leur imposa une orthodoxie sans complaisance dans la pratique, ainsi qu’une pureté des mœurs exemplaire. S’acquittant de ses cinq prières à la mosquée, il leur demandait d’en faire autant. Il réglementa la dot conformément à la charia dans ce gros village de 5 000 habitants, en simplifia à l’extrême les cérémonies familiales et institua des règles de conduite pour les fidèles des deux sexes et de tout âge. Ce patelin qui fait partie des premiers foyers religieux du Sénégal se veut le gardien de l’orthodoxie musulmane dans un Etat laïc. Depuis son instauration, la charia continue d’y être appliquée.

Jamais une femme enceinte hors mariage n’a accouché dans ce village. Après la disparition de Amary Ndack Seck, son fils Serigne Mor Talla Seck, à la tête du khalifat, s’efforça toute sa vie de conformer ses moindres paroles et gestes à l’esprit et à la lettre de la charia. Ainsi, après la disparition de ce dernier, les autorités religieuses, pour perpétuer cette volonté de leur guide religieux, ont instauré la charia pour juger ceux qui osent braver les interdits de l’islam.

Le khalife de Thiénaba, avec à ses côtés l’imam de la grande mosquée, se charge de veiller à l’application de ladite loi. Les populations de Thiénaba Seck font acte d’allégeance chaque année à l’occasion du Gamou célébrant la naissance du Prophète Mohamed (Psl). Les populations de cette localité comme les fidèles qui ont fait allégeance à Thiénaba prennent l’engagement, devant la mosquée et le khalife général en tête qui incarne l’autorité religieuse, de respecter et faire respecter les principes et valeurs de l’islam. C’est pourquoi dans la localité religieuse, la consommation de boisson alcoolisée, de tabac, ainsi que l’adultère et la fornication sont sévèrement réprimées. Selon Ndiouga Mbengue, membre de la commission communication de Thiénaba, pour la dernière interdiction, la cité est plus exigeante. Jamais une femme enceinte hors mariage n’a accouché dans ce village.

A son retour après accouchement, elle reçoit 100 coups de fouet de même que l’auteur de sa grossesse. « Une femme qui tombe enceinte sans être dans les liens du mariage est exclue de la communauté rurale jusqu’à son accouchement. Si elle souhaite revenir dans la localité, informe-t-il, elle doit au préalable subir la flagellation, comme prévue par la charia, en prenant 100 coups de fouet à la place du village, au vu et su de tout le monde. L’expulsion du village est souvent prononcée lorsque l’un des deux refuse de recevoir les coups. La charia exige la peine capitale si la personne n’est pas mariée, mais n’ayant pas les pouvoirs d’appliquer la peine capitale, on se limite aux coups de fouet », renseigne Ndiouga Mbengue. L’imam est chargé d’exécuter la sentence.

Peine de mort interdite 

Après la punition, la victime fait deux rakkas et renouvelle son engagement à respecter la charia pour ensuite réintégrer les siens. Pour ce qui est de l’adultère, les coupables sont simplement bannis de Thiénaba Seck, puisque la peine de mort prévue pour ce cas n’est pas autorisée au Sénégal. Ainsi depuis 1882, date de la création du village de Thiénaba, la charia continue de s’appliquer dans toute sa rigueur. Enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), le Professeur Souleymane Dia renseigne que Mame Amary Ndack, fondateur de Thiénaba, avait un principe :

« Si on vous dit qu’il est interdit de s’asseoir sur le lit, lui, Mame Amary Ndack Seck, choisit d’interdire d’entrer dans la chambre. Pour lui, si vous n’entrez pas dans la chambre, vous n’allez pas vous asseoir sur le lit. » Pour dire, selon l’historien, « c’est le choix d’une orthodoxie pure. Laquelle orthodoxie est valable quelle que soit la pratique. Ici personne ne fume ni ne boit. Il n’y a pas de musique encore moins de chants non religieux etc. ». Dans la même lancée, Professeur Souleymane Dia d’informer que « si vous êtes atteint par un péché dont le lavement suppose que vous soyez flagellé, on le fait sans problème devant la mosquée. C’est le cas de l’adultère. C’est valable pour les autres péchés. On a plusieurs fois flagellé ici des gens pour avoir volé dans un champ ou insulter ».

Rappelons que Serigne Ahmadou Ndack Seck a combattu la présence française avec les armes aux côtés de Cheikhou Ahmadou entre 1871 et 1875, année de la grande bataille de Samba Sadio, avant de fonder Thiénaba. La localité qui s’étend sur une superficie de 158 km2 est composée de 38 villages pour une population estimée à environ 20 mille âmes. Il est à signaler qu’elle partage avec quatre autres communautés rurales l’arrondissement de Thiénaba.

Serigne Amary Ngoné Ndack Seck (1831–1899) fut un fervent disciple, dévoué et très intéressé par la culture islamique. Il reçut de son père tout un arsenal de connaissances coraniques telles que le Fiqh (droit coranique), le Nahwou (grammaire), le Tarbiya (éducation des gens à l’islam) etc. Malgré la rigueur et la dureté de l’enseignement, il se consacra néanmoins à l’agriculture et à l’élevage, et devint très vite un grand cultivateur et un excellent éleveur, aidé en cela par les nombreux talibés dont il disposait au niveau de ses deux daaras. Sa réputation fit rapidement le tour des villages. Il devient aussi populaire que son père et la famille royale du Damel fit de lui son marabout. Parmi ses compagnons, trois noms sont souvent cités : Daour Diop, Madiodio Fall et Alassane Guèye.

Le vénéré Cheikh Ahmed Saib Seck, père de Amary Ndack, s’éteignit en 1860. Peu de temps après, en 1867, la mort allât lui ravir sa mère Ndack Fall. Malgré ces cruelles et pénibles pertes, sa foi en Dieu fut inébranlable et il réorganisa le village de sorte que tout y prospérait. Mais Amary Ndack avait une soif inaltérée de connaître tous les secrets que renfermaient le Coran et les grandes théories du Soufisme. Il entendit parler d’un marabout installé à SaintLouis et décide d’aller le voir. C’est ainsi que, toujours assoiffé de savoir, il s’y rendit en 1870 pour rencontrer les vénérés Dahirou Madiyou et son frère Cheikhou Amadou Ba, fils du Mahdi Mouhamadou Ahmed Ba. Après 3 jours de consultations satisfaisantes où toutes les contraintes furent éclaircies, il reçut de ce dernier le fameux « wird » appelé « Sala toul fatiha ».

Wird que les deux frères avaient reçu de leur père, le vénéré Mouhamadou Ahmed dit Limamoul Mahdiyou, lequel, comme Cheikhou Omar Foutiyou Tall, a été un condisciple à l’école du Sage Abdel Karim Nagel dit Abdoul Karim Ba en Mauritanie. A la fin de leurs études, ces derniers Cheikhs reçurent le wird et avaient aussi bien « L’idiassa » et autres distinctions qui leur conféraient les pouvoirs de donner le « wird » et de nommer des « moukhadames » (grands érudits). Ils furent alors les dignes représentants de la « Tarikha Tidiane » dans toute la contrée. Abdoul Karim, leur maître, avait pris le wird de Mawloud Fall qui l’avait de Mouhamadou Hafaz, qui l’avait directement de Cheikh Sidy Ahmed Tidiane Chérif, fondateur de l’ordre des Tidianes. Il est né à Aynoumady en 1737 et a été rappelé à Dieu à Fez au Maroc en 1815. Cheikh Ahmed Tidiane Chérif, petit-fils d’ascendant direct du Prophète Mohamed, l’Elu d’Allah, est le guide vénéré et le fondateur incontesté de la confrérie Tidiania du monde.

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