Vente des peaux de moutons : Une activité en perte de vitesse à Dakar

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Derrière son aspect festif ou religieux, la fête de tabaski est aussi une opportunité pour faire des affaires. L’une des activités les plus en vogue le jour de la fête est devenue, depuis quelques années, la vente des peaux de moutons. Mais ce business âprement convoité par les professionnels du cuir devient de plus en plus un arbre qui cache la forêt.

Au moment où l’odeur alléchante de la viande de moutons s’échappe des toits des immeubles, de jeunes personnes font le tour des habitations, non pas pour prendre part au festin, mais pour quémander des peaux de béliers. Quoique concernés par la fête de l’Aïd el kabir, ils préfèrent d’abord profiter de l’aubaine pour collecter les peaux de moutons. Maison après maison, ils récupèrent gratuitement les bisquains, dont les propriétaires ne savent pas le plus souvent quoi en faire après le dépeçage, pour les embarquer à bord des charrettes.

Et pourtant, derrière ce geste de donation banal, se cache une chaîne de business. Mais cette activité, jadis très lucrative, est aujourd’hui, de mois en moins rentable pour les commerçants du cuir. Bientôt deux ans, les prix d’achat de cette matière première sont en chute libre dans le principal lieu d’approvisionnement de la capitale dakaroise.

Baisse du prix d’achat

Route de Seras. Dans ces environs du haut lieu de vente des petits ruminants, les activités ont timidement repris, après quelques jours de repos occasionnés par la fête. Aux abords de la route, des bouchers exposent, de part et d’autre, leur viande sur des étals noirâtres. Les rares gargotiers qui ont ouvert, se tournent les pouces, faute de clients. Mais, s’il y a des commerçants qui ne chôment pas en cette période de tabaski dans ces lieux, c’est bien les vendeurs de peaux de moutons. Des tas de peaux de béliers sont exposés à même le sol, çà et là, le long de la rue, sous l’œil vigilant de leurs propriétaires. Difficile de s’approcher sans se boucher les narines, tant l’odeur qui s’en échappe est méphitique.

‘’J’ai acheté la pièce entre 100 et 200 francs CFA pour le revendre à 400. Alors que l’année dernière, le prix d’achat à l’unité allait jusqu’à 700 francs FCFA. Nous les cédions à 1000 francs CFA’’, renseigne, sous le sot de l’anonymat, un collecteur qui dit avoir fait 19 ans dans le secteur. L’homme âgé d’environ 40 ans fait le tri des peaux devant son magasin. Etant préférées par les clients, il range soigneusement de côté toutes les peaux non trouées lors du dépeçage. Elles sont revendues, selon lui, à Sénégal Tannerie (Senta), une société spécialisée dans l’exportation du cuir. Les moins bonnes, explique le commerçant, sont écoulées dans le marché local pour la fabrication de chaussures en cuir, ceinture, sac, etc.

Monopole dans le secteur

De temps en temps, le collecteur grossiste fait des allers et retours dans son magasin, pataugeant au passage avec ses bottes noires sur le sol complètement détrempé du fait de la fonte du sel malaxé sur les peaux afin d’éviter la décomposition. ‘’Il y a en ce moment une seule société qui rachète les peaux. Les autres ont fermé depuis plusieurs mois. Actuellement, il n’y a pas de concurrence sur le marché. Nous sommes en position de faiblesse pour négocier des bons prix avec l’exportateur qui détient le monopole du marché. Ce qui n’était pas le cas auparavant’’, tente-t-il de justifier.

Non loin de là, devant un magasin, des ouvriers déchargent une camionnette à moitié remplie de bisquains. Avant même la fin de la décharge, un groupe de femmes se disputent les épidermes des ovins. ‘’Cette année, il y a beaucoup de peaux que nous avons été obligés de jeter pour défaut de sel. Les collecteurs nous ramènent des peaux en état de décomposition’’, informe Ismaël Diaw qui dit en avoir acheté moins cette année, par manque d’argent. Le sexagénaire poursuit : ‘’Nous avions des clients italiens, portugais, turcs, indiens… Ils ne sont pas venus depuis deux ans. Nous avions l’habitude de vendre des conteneurs, en cette période. La filière doit avoir des problèmes. Ce n’était pas comme ça auparavant’’, s’interroge le commerçant.

L’Etat interpellé…

A plusieurs dizaines de mètres de là, en face de l’entrée principale du foirail, d’autres commerçants recueillent des peaux des bêtes dans un magasin enclavé par les habitations. A bien des endroits, les fourrures blanches des bêtes et des cornes de bœufs demeurent encore visibles sur les lieux. Même si dès le lendemain de la fête, les services de la mairie ont pris le devant pour nettoyer les lieux. Sous un hangar recouvert d’une veille natte, trois hommes attendent d’hypothétiques vendeurs de peaux. ‘’La pluie a beaucoup contribué, cette année, à la dégradation rapide de la matière. D’habitude, toute la façade du magasin est remplie. Pour le moment, nous n’avons qu’une seule salle de stock pleine’’, explique Malang Koma.

Parlant au nom de Moussa Coulibaly alias Bambara, gérant de la société Jiguiya Teranga, ce commerçant pense que les difficultés rencontrées actuellement dans ce secteur sont dues à un manque de soutien de la part de l’Etat. ‘’Dans certains pays, l’Etat appuie financièrement les vendeurs de peaux de bêtes. Au Sénégal, rien n’est fait pour aider le secteur cuir à se développer. Alors que c’est un domaine qui peut absorber un nombre important des jeunes chômeurs. Nous demandons à l’Etat de tourner aussi le regard vers nous’’, sollicite-t-il.

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