Village de BARALE NDIAYE : Dans l’univers des spécialistes des fractures osseuses

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Le  village  de  Baralé Ndiaye  est  l’univers  clos  où les  membres  de  la  famille  Ndiaye  viennent à  bout  des  fractures  osseuses, même  les  plus   compliquées. Cela,  par le  biais  d’une  science  héritée  de  leur  ancêtre, qui à son  tour,  avait  volé  le  secret à un …vautour. En tout  état  de  cause, devant  les  cas  de  fractures  complexes, les  formations  sanitaires situées  au  sommet  de  la  pyramide  sanitaire  du pays, conseillent à leurs  patients  au  bord  du  désespoir  d’y faire  un  tour. En  une  lune, la  fracture  devient  un  mauvais  souvenir. Les honoraires sont laissés à l’appréciation  du patient. Même quelques  grains  de  sable  peuvent  suffire. Immersion dans  un  univers  tout  en codes  et périphrases.

Baralé Ndiaye. Vendredi, 11  heures. Ici, la  saison  de  pluies  a  fini de  s’installer. Des  flaques  d’eau  cassent le  tapis  vert  herbacé. Il  fait  une  chaleur  d’étuve, dans cette  localité située à la  sortie  d’un  virage  sur  la  route  nationale n°2  à mi-chemin  entre  Saint-Louis  et Louga. En  m’y  rendant, je  croyais  dur  comme  fer  que  j’allais  me  retrouver  dans  une « cour des  miracles », avec  ses  éclopés, fracturés   au  premier  degré ou  des  malades  en  attente  de  rétablissement  complet. Rien  de  tout  cela.

Dans ce village situé à 28 km de la commune de Louga, la  vie  est  rythmée  par l’arrivée  et le  départ  des patients et leurs  accompagnateurs dans les  maisons  des membres  de la famille Ndiaye   qui  sont les  dépositaires  de  ce  savoir.

Les  fractures  n’ont  aucun  secret  pour  ces  gens  de  l’art. Tous  les  genres   sont pris  en  compte   et  traités  puis  guéris  rapidement.  Selon  Moussa  Ndiaye   que  nous  avons  trouvé  sur  place, «  nous  remettons  en  place  les  os  mais pour les  fractures  ouvertes,  nous  conseillons  aux  patients   dans  ce  cas  de  se  rendre  à l’hôpital, car  notre traitement comprend  l’utilisation de  l’eau   et  ce  liquide  n’est  pas  recommandé  en  cas  de  fracture  ouverte », a-t-il  noté.   Selon Moussa  Ndiaye, les  patients  viennent  de  toutes  les  régions  du Sénégal, de la Mauritanie, de la Gambie  et rarement  de la  Côte  d’Ivoire   et du Mali .

Si  le  village   s’est  rendu  célèbre, cela  est  dû  au  fait  que  depuis  toujours, la  famille  des Ndiaye   est  détentrice  du  secret  de  la  guérison  de  tout  genre  de  fracture  osseuse. « Cela  remonte  à la  nuit  des  temps  la prouesse de guérir en 15 ou 30 jours des fractures. C’est pourquoi les gens viennent en consultation à Baralé, village de la région de Louga, presque tous les jours ».

A Baralé, les descendants de Mandiaye Arame Thiendou sont réputés capables de soigner, en un temps record, toutes sortes de maladies liées au fonctionnement des os. « Même les enfants qui sont au lycée et qui sont les petits-fils d’Arame Thiendou ont hérité de cette science mystérieuse qui leur permet de replacer et ressouder les os ».

Ce qui se fait ici en médecine traditionnelle est épatant, lance-t-il. « Nous rendons d’éminents services aux patients qui   viennent des quatre coins du pays. On nous présente très souvent des fractures sérieuses et délicates,  des os du bassin, de l’humérus, du radius et du cubitus. D’autres malades arrivent avec des problèmes au fémur, au tibia ou au péroné. Il nous suffit tout simplement de les emmener chez tout initié pour qu’ils soient bien pris en main. En général, au bout de quinze jours, le malade est guéri, surtout, s’il s’agit d’une simple fracture. »

Partout, dans ce village, on vous assure que les tradipraticiens réalisent des merveilles. Les populations de Barale, même si la demande sociale est importante, restent dignes. Elles nourrissent l’espoir de voir un jour leur village se développer. Cela, eu égard au passé glorieux de leur localité, à sa belle histoire et au rôle prépondérant qu’elle joue dans la mise en œuvre de la politique de l’Etat en matière de santé publique. Dans  la  mesure  où la  pratique  des  Ndiayène  de  Baralé  est  normée  et  suit  des  trajectoires claires, nettes  et précise  dans  les  soins.

A Baralé, seuls  les  hommes  et les  jeunes  gens  soignent  les  fractures. «  C’est  un cercle  masculin, car  la  souffrance  exprimée  sur  le  visage  du patient pendant la  remise  en  place  des  os, fait  que  les  femmes  craquent  souvent. Cependant, à Golbi Ndiaye, les  femmes  s’exercent à  soigner », a indiqué Moussa  Ndiaye,   qui  a  débuté  assez  jeune  dans le  métier.

Pour  les  tradipraticiens, c’est  un  devoir  de  soulager  la  détresse  humaine, surtout  que  certaines  fractures  sont  incapacitantes. C’est  ainsi  qu’ils  sont  souvent appelés  au  chevet  de  fracturés  alités  dans  les  formations  sanitaires. « Parfois, nous  avons  des accrochages  avec  certains  médecins, alors  que  d’autres  autorisent  même  les  malades  à venir  se  faire   soigner   et  regagner  le  dispensaire.  A  notre  avis, il y a  de  la  place  pour  tout le  monde », dit-t-il.

Très  vite, on  se  rend  compte,  au  fil  de  la  discussion  chez Moussa Ndiaye, le  bras-droit  du chef de village Mama Ndiaye, qu’une  épaisse  chape  de  plomb  entoure  le secret  de  la  famille. C’est avec  parcimonie qu’il consent à lever  un  coin  de  voile. Il supplée son frère, actuellement malade. Il est secondé dans sa tâche par son   frère    Mbaye Ndiaye.

 

Le  secret de la famille Ndiaye

 

C’est  quand  il  était adolescent que Moussa Ndiaye  a  commencé  à pratiquer, alors  qu’il  venait  juste  d’entrer  au collège. « Jusqu’à l’obtention  de  mon bac, je  soignais. Lorsque  j’ai obtenu un  emploi  dans  une  Ong  à Kébémer, mon  passé  m’a rattrapé. Après  trois  années, on me  demanda  de  revenir  au village, car  j’étais le  seul garçon dans  ma  lignée  maternelle. Et  depuis  lors, je  suis  resté », a noté  notre  interlocuteur  à l’aise  en  Français.   Il  tient à préciser  aussi  que  l’objectif premier  pour  eux, c’est  de  soulager  la  douleur   et  non  de  faire  fortune. Celui  qui  fixe  un  prix  pour  le  traitement  s’exclut  de  notre  cercle  de  guérisseurs. « Le  seul  cas  de  figure  où  nous  demandons  de  l’argent, c’est  quand  nous  sommes  sollicités  à l’extérieur  du village. En ce moment, le  malade  prend  en charge  les  frais  de  transport   et d’hébergement, s’il y a lieu », a ajouté Moussa  Ndiaye.

« Nous ne demandons rien aux patients. Nous nous contentons simplement de ce qu’ils nous offrent. L’argent ne nous intéresse pas, car nous savons que nous avons le devoir de perpétuer une tradition instituée par nos ancêtres », précise-t-il.

Moussa   indique qu’ils soignent tout ce qui touche à l’os. Il s’empresse : « nous ne prenons pas en charge les fractures ouvertes. Si ce cas se présente, nous conseillons la personne qui vient en consultation de se diriger vers les hôpitaux. A part cela, nous nous débrouillons bien avec les malades qui nous soumettent des problèmes de maux de tête, de poitrine, de côtes cassées, de mâchoires décrochées, etc.  Il nous arrive de recevoir des malades qui se sont déjà adressés à une structure sanitaire. »

Autre précision de Moussa, « après le diagnostic, nous mesurons la partie qui fait mal avec un bout de bois ; attelle  de  bambou  sur  une  bande  de  tissu  pour éviter l’irritation de la  peau. Mais, pas n’importe lequel. Nous utilisons le « khat ». Le malade ne se présente qu’une seule fois chez nous. Surtout s’il habite très loin de Barale. Tout le travail mystique porte sur ce bout de bois que nous gardons soigneusement dans une chambre, chez nous. Puis, le malade, arrivé chez lui, est tenu d’arroser deux fois par jour la partie qui fait mal avec de l’eau froide. »

Le plus souvent, indique encore ce guérisseur, il est formellement interdit au malade de faire des massages. Au bout de quinze jours, le problème est résolu. S’il s’agit d’une fracture de la jambe, le traitement peut s’effectuer dans un délai de trente jours. Tout dépend de la nature de la fracture et de l’âge du patient. Les recommandations et les conseils donnés doivent être scrupuleusement respectés par les patients qui ne doivent pas trop bouger. Le traitement à l’hôpital, par le plâtre, peut prendre parfois 45 à 90 jours. « Il nous arrive de recevoir des malades qui se sont déjà adressés à une structure sanitaire », soutient encore Moussa.

L’arrivée d’une dame qui vient de se fracturer l’avant-bras à Kelle, interrompt cet entretien. Pleurant à chaudes larmes, elle supplie le rebouteux de faire quelque chose pour calmer sa douleur. On l’a débarquée d’une voiture qui a peut-être roulé à tombeau ouvert pour la conduire à Barale. Avant elle, un habitant de Ross-Béthio venait juste de prendre congé en précisant, sur le seuil de la chambre, qu’il était très satisfait du traitement qu’il avait subi.

Une phrase est revenue   dans les propos du jeune homme   : « Nous ne devons pas négliger nos valeurs culturelles, nos coutumes ancestrales. Cette science secrète des os, nous sommes très fiers de l’avoir héritée de nos ancêtres. Nous nous limitons à traiter les maladies qui relèvent de notre domaine d’intervention. Si nous ne pouvons rien faire pour un patient, nous l’orientons tout simplement vers d’autres tradipraticiens. »

 

Une science volée à un… vautour

 

Les  dépositaires  actuels  de  la  science  de  la  guérison  des  fractures   sont  très  avares  en  explications  sur  l’origine  de  leur  technique. Seul, comme  à contrecœur, Moussa   Ndiaye  consent à lâcher : « le village de Barale, existe depuis 1860. Il a été fondé par Mandiaye Arame Thiendou, qui venait du Djolof. Ce grand éleveur s’était installé d’abord à Barale Tiendieng, puis il était allé à Gouye Ndiaye, situé à 900 mètres de l’actuel  village. Là, il fut attaqué par une panthère qu’il parvint à tuer sans difficulté. C’était tout juste avant la prière de “ takussan ” (fin d’après-midi).     « C’est en épiant un vautour que Mandiaye Arame Thiendou aurait eu ce pouvoir de ressouder des os fracturés. Il dormait à l’ombre d’un baobab lorsqu’un petit charognard tomba par terre. Le grand charognard ne l’ayant pas trouvé dans le nid se précipita pour lui donner à manger en bas. Au même moment, il se rendit compte que son petit s’était fracturé une patte. Tout en lui donnant la becquée, il formulait des prières intenses pour le guérir.

Pendant quinze jours, Arame Thiendou s’arrangea pour assister discrètement à cette scène. Il était réputé grand marabout, à l’époque, et avait le don de décoder le langage ésotérique dans lequel le grand charognard faisait ses prières mystiques. Au bout de 15 jours, il se rendit compte que le petit pouvait ainsi voler.

Mais ce fut son fils Mar qui exploita réellement cette science mystique que possédait ce charognard, en l’appliquant régulièrement au bétail. Daour, le frère de Mar, hérita de ce pouvoir et le transmit à ses descendants.

Reportage de Saliou Fatma LO lesoleil.sn

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