Viol au Sénégal: Des proportions inquiétantes

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Avec ce que beaucoup considèrent comme une crise des valeurs et « une dépravation des mœurs », il semble y avoir au Sénégal une résurgence des agressions sexuelles. Des spécialistes tentent de donner une explication à un phénomène inquiétant, au vu des chiffres dont disposent les services de sécurité et de santé en charge de la question.

«Une jeune fille de 12 ans violée puis sauvagement tuée par un déséquilibré, un maître coranique viole 25 fillettes, des viols collectifs commis lors de manifestations contre les délestages et après des combats de lutte, une jeune fille de 16 ans séquestrée et violé des jours durant par six hommes, une femme enceinte violée par un jeune homme de 20 ans. Un homme lynché à mort pour avoir commis un viol sur une petite fille de 10 ans, un garçon de huit ans victime de pédophilie, Un jeune homme accusé de viol sur une élève de terminale, un homme de 68 ans viole une fille de 14, un violeur en série arrêté après le viol et le meurtre d’une femme mariée et mère de trois enfants, Un étudiant de 24 ans condamné à 10 ans de prison ferme pour viol et pédophilie».

Les colonnes des faits divers donnent froid dans le dos. Il y a quelques années, le Dr Omar Ndoye du réseau des parlementaires pour la protection de l’enfant contre les abus et violences, estimait à deux le nombre de viols commis par jour. Toujours selon le Dr Ndoye, repris par le site d’information Léral.net à la date du 20 septembre 2012, 9 cas sur 10 surviennent au sein même des familles. En 2008, l’Ong GRAVE (Groupe d’Action Contre les Violences faites aux Enfants) a relevé près de 423 cas de viols, sans compter les affaires réglées à l’amiable ou étouffées en familles.

Si le viol existe depuis longtemps, il a connu un effet amplificateur avec la relation systématique des agressions dans les colonnes des faits divers. Le développement exponentiel des médias et ce que des bien pensants considèrent comme la dégradation des mœurs, ont mis en lumière des pratiques pourtant inscrites dans les logiques de domination homme-femme de certaines sociétés.

En cas de viol, toute une synergie est mise en œuvre pour prendre en charge les victimes et appréhender les agresseurs.

Quelle prise en charge ?

Prendre en charge une victime de viol requiert une équipe pluridisciplinaire, nous dit le Commissaire Mamadou Sylla Sy de la Brigades des Mœurs. Il explique que le viol est une infraction infamante et de nombreuses victimes, par honte, n’ont pas recours aux services de sécurité. « Certaines trouvent le courage de s’adresser à nos services ». La brigade peut toutefois s’autosaisir quand les victimes sont mineures, âgées de moins de 16 ans. Dans quel cas les services de police considèrent l’agression comme un acte de pédophilie. Les victimes reçues à la brigade des mœurs sont redirigées à des structures de santé pour constater l’agression et déceler d’éventuelles maladies, comme les maladies sexuellement transmissibles ou le VIH Sida. Ensuite la victime est conduite dans un service spécialisé pour la prise en charge psychologique.

La Division de la police technique et scientifique intervient (DPTS) notamment dans l’analyse et l’exploitation de la scène du forfait ou des habits de la victime. Au moyen de l’écouvillonnage, ces services peuvent déceler des indices et les préserver. Ces échantillons sont acheminés vers un laboratoire de médecine moléculaire pour faire des tests ADN et confronter les traces biologiques laissées sur la victime aux prélèvements effectués sur le présumé agresseur.
Pour les victimes d’abus sexuels, « La prise en charge est effectuée en synergie avec la brigade des mineurs, les services de la police et de la gendarmerie, le tribunal et les éducateurs spécialisés pour connaitre la dimension psychologique des abus sexuels et apporter un soutien autant à l’enfant qu’à la famille », affirme Thierno Sagna, éducateur spécialisé et thérapeute familial à l’Unité de Pédopsychiatrie Keur Xaleyi du Centre Hospitalier National Universitaire Fann.

La pédopsychiatrie permet de prévenir les conséquences éventuelles de la maltraitance et des abus sexuels pouvant entraver l’apprentissage social et scolaire des victimes. Dans cette optique, des sessions de formation sont organisées depuis des années pour les acteurs judiciaires et les agents des services de sécurité. L’objectif est de les capaciter dans la prise en charge de la relation d’aide et la prise en compte des spécificités de l’enfant victime d’abus sexuel. Pour l’éducateur spécialisé, il ya autant de conséquences liées à l’abus qu’à la prise en charge. Les interventions peuvent renforcer le traumatisme notamment en cas d’audience publique au tribunal.

Pour plus d’efficacité de la prise en charge, l’accent doit également être mis sur la prévention à l’école et dans les familles pour respecter les étapes de développement de l’enfant. Un abus qui survient au sein même de la famille est plus difficile à prendre en charge. Car l’enfant est dans une relation d’emprise et de dépendance. Il a besoin d’être outillé par rapport aux abus en lui inculquant la notion d’intégrité physique et d’hygiène corporelle. Thierno Sagna considère que l’enfant qui découvre sa sexualité ne doit pas être « castré », il faut contenir les stades de son développement et l’aider à structurer une sexualité normale. Les conséquences de l’abus et une mauvaise prise en charge peuvent définir une orientation sexuelle, ou une déviance.

La prévention doit être faite au niveau des jeunes car des recherches ont montré que 55% des abuseurs commencent leurs forfaits pendant l’adolescence. Ils s’en prennent en général à de jeunes garçons. Il ne faut pas seulement se limiter à une condamnation. L’intervention des structures spécialisées visent à éviter la récidive et le basculement dans la déviance sexuelle voire de la criminologie. En somme, il faut une bonne articulation entre le judiciaire, l’éducatif et le thérapeutique pour anticiper les conséquences psychologiques éventuelles.
Thierno Sagna a aussi attiré l’attention sur la prolifération de structures de prise en charge qui ne disposent pas toujours des compétences pour un suivi et un soutien adéquats.

Une préocupation des organisations de droits

Le viol et les abus sexuels sont des infractions prévues et punies par la loi. L’article 320 du code pénal dispose que « toute acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Il est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans. D’après l’article 320 bis, est considéré comme acte de pédophilie « tout geste, attouchement, caresse, manipulation pornographique, utilisation d’images ou de sons par un procédé technique quelconque, à des fins sexuelles sur un enfant de moins de seize ans de l’un ou l’autre sexe ». La pédophilie est également punie d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans.
La recrudescence des violences sexuelles mérite une prise en charge particulière, selon Oumou Kantom Sarr, responsable du département Genre et Droits Humains à la RADDHO et membre de la fédération des organisations féminines du Sénégal. « Le viol est banalisé et semble être lié au destin des fillettes et femmes », dit-elle.

D’après elle, les organisations de défense de droits ont inscrit la question au centre de leurs préoccupations et mettent l’accent dans leurs formations à la sensibilisation aux violences sexuelles. C’est dans ce cadre que l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS) organisent régulièrement des campagnes de sensibilisation sur les violences basées sur le genre et des séminaires de formations des professionnels de la justice à l’audition des mineurs victimes d’abus sexuels.
Les organisations féminines et de défense des droits humains apportent assistance juridique et judiciaire aux victimes, elles en accueillent chaque jour et travaillent en synergie avec des structures pour l’appui psychologique. A l’image de la RADDHO, elles ne poussent pas la victime à ester en justice, mais lui donnent toutes les voix de recours possibles. Pour elle, les violences sexuelles doivent faire l’objet d’une préoccupation nationale et une réflexion globale, pour trouver des solutions, notamment réfléchir à des centres d’accueil pour les victimes pris en charge par l’état.

La législation en la matière a évolué, mais, remarque Oumou Kantom Sarr, l’impunité et une sorte de légitimation du viol favorise de telles pratiques. Elle plaide pour une mobilisation nationale à tous les niveaux pour enrayer le phénomène « Des cas ont été portés devant la justice, mais le travail ne doit pas être laissé aux seules organisations de défense des droits. Ça doit être une préoccupation nationale, le chef de l’état, le ministre de la Justice, de même que le ministre de la santé les chefs religieux pour sensibiliser sur des comportements et les violences sexuelles qui sont portés sur toutes les tranches d’âge, des tout jeunes enfants aux vieilles femmes ».

Les organisations réfléchissent à des actions collectives de sensibilisation sur les violences sexuelles et les viols collectifs. Le Collectif pour les droits des femmes et des filles à une vie sans violence a répertorié différentes réformes nécessaires pour une meilleure protection des femmes et des filles contre la violence basée sur le genre. Il s’agit entre autres de protéger la vie privée des victimes d’agression sexuelle, de prohiber sous peine de sanction pénale, la diffusion dans les médias d’éléments permettant de les identifier, de tenir les audiences à huis-clos à la demande de la victime, de criminaliser les agressions sexuelles et de permettre aux victimes femmes d’avoir accès à l’avortement médicalisé pour lutter contre les infanticides et les avortements clandestins.

Dans une contribution intitulée, « on l’a violée, Ñàw », (bien fait pour elle), la présidente de l’Association sénégalaise des femmes juristes, Fatou Kiné Camara écrit « Le nombre d’agressions sexuelles que subissent les femmes et les enfants (filles et garçons) dans une société découle directement de la construction sociale des sexes dans cette société. Là où le masculin est défini en termes de domination et de contrôle de l’autre et non de soi, là où le féminin est éduqué à se soumettre à l’autre sexe et à le craindre, les germes de la violence sexuelle comme outil de contrôle et de domination sont plantés ». Pour elle, certains sont enclins à la violence sexuelle car dans une situation de faillite sociale. Ils n’intègrent pas les canons de virilité définis par une société encore patriarcale et ont besoin d’exercer leur domination sur des personnes plus faibles.

Aux yeux de la Loi

Le viol et les abus sexuels sont des infractions prévues et punies par la loi. L’article 320 du code pénal dispose que « toute acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Il est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans.
D’après l’article 320 bis, est considéré comme acte de pédophilie « tout geste, attouchement, caresse, manipulation pornographique, utilisation d’images ou de sons par un procédé technique quelconque, à des fins sexuelles sur un enfant de moins de seize ans de l’un ou l’autre sexe ». La pédophilie est également punie d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans

sudonline.sn

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