«Wulu», Long Metrage Du Realisateur Daouda Coulibaly Un Deconcertant Recit Initiatique

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En compétition officielle lors de la toute dernière édition du Fespaco, d’où il est d’ailleurs reparti avec le prix Sembène et celui de la meilleure interprétation masculine pour Ibrahim Koma, «Wulu», le long métrage du réalisateur franco-malien Daouda Coulibaly a récemment été projeté ici à Dakar, et à trois reprises. La dernière, c’était ce mercredi 29 mars à l’Institut français. Un film sur la frustration, porté par la complexité d’un personnage quasi impénétrable, embarqué malgré lui dans un trafic transfrontalier… Jusqu’à la métamorphose.

L’écran affiche Bamako, l’image n’est donc pas apatride, loin de là, mais disons que la scène, sinon le décor, l’ambiance, les petits et grands bruits, a un faux air de toutes ces capitales africaines surchargées, saturées, contrastées, inachevées pour ne pas dire approximatives, où l’on bricole et rafistole au quotidien, où l’on étouffe parfois, avec l’air de se laisser prendre à une sorte de débrouille institutionnalisée. Le bruit des villes, leurs petites ruelles, ces gares informelles, la petite monnaie ou les billets froissés qui passent d’une main à l’autre, les permis de conduire sur commande, les petites combines et autres astuces des rabatteurs, la pêche au client…

Au cœur de cette jungle urbaine, de cet «univers impitoyable» : Ladji, personnage principal de «Wulu», long métrage de fiction du réalisateur franco-malien Daouda Coulibaly, vous paraîtra presque trop tendre ou trop vulnérable. Mais ne vous faites surtout pas avoir par sa petite…gueule d’ange, ou par ses grands yeux, noir sur blanc, qui vous dévisageront sans ciller, ou qui vous donneront l’impression qu’il n’y comprend pas grand-chose…Ni par ses longs silences. Ladji, c’est le prénom de ce jeune apprenti qui rêve de passer chauffeur, et à qui le patron va tout simplement répondre par le mépris. Ladji, c’est encore ce jeune homme frustré, pour ne pas dire victime de népotisme, qui va se retrouver embarqué dans un trafic de drogue transfrontalier, (dans « Wulu » on est d’ailleurs très souvent sur les routes) entre Dakar et Conakry : «du cannabis à l’aller, de la cocaïne au retour». Voilà pour la version officieuse…

Car pour la version officielle, Ladji ne transporte rien d’autre que de la viande, en toute innocence, de quoi servir de planque ou de couverture à ce commerce illicite, où les abattoirs, et le sang de leurs bêtes égorgées, sont d’une récurrence toute symbolique…Dans une histoire où les petits trafiquants, petites mains et petits poissons, à la botte des requins, passeraient quasiment pour les agneaux du sacrifice.
Métamorphose

Sans oublier que «Wulu», le mot, est lui-même dans le symbole, quand on sait qu’il correspond, en langue bambara, au tout «dernier des cinq niveaux d’initiation N’tomo», («la première des six principales sociétés ou étapes d’initiation chez les bambaras») : le chien. On pourrait même penser, quelque part, à une sorte de métamorphose nietzschéenne, mais ne nous égarons pas… «Wulu», le film, a quelque chose de ces récits initiatiques : du gentil garçon, inexpérimenté, presque malléable comme de la pâte à modeler, côté pile, à ce tueur presque froid, silencieux, pragmatique, côté face.

Derrière ce calme olympien, retranché qu’il est derrière son masque ou sa carapace, derrière cette apparente «passivité», vous donnant l’impression qu’il ne ressent pas grand-chose, Ladji aura peut-être le don de vous surprendre, de piquer votre «curiosité», peut-être même de vous émouvoir ; avec son histoire de gentil garçon, qui cherche à sauver sa sœur de l’enfer de la prostitution. Mais encore faudrait-il se donner la peine d’aller voir…

Et d’une certaine manière, le film a peut-être le don d’humaniser cet univers de la drogue, mais moins l’indulgence que l’empathie. Car derrière le rideau, il y a tout ce que l’on ne nous dit pas, ou que l’on ne voit pas : quelques fragments d’aventure humaine, quelques blessures de guerre aussi, des trajectoires avortées, et même quelques braves gosses, frustrés et manipulés.

En compétition officielle lors de la toute dernière édition du Festival panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (Fespaco), le film a été présenté à trois reprises au public sénégalais (la dernière, c’était ce mercredi 29 mars), sans doute parce qu’il y a «beaucoup d’acteurs et autres techniciens sénégalais associés au film». Sans parler des nombreuses «semaines de tournage au Sénégal».

Lors de la projection du 22 mars dernier, par exemple, Daouda Coulibaly a dû répondre à un certain nombre de questions : entre autres sur les scènes de violence, et sur les scènes de nu. Le réalisateur, qui s’est défendu d’avoir un penchant pour ce types d’images, a laissé entendre que toutes les fois où il y en a eu, c’était avant tout parce qu’il avait le sentiment que «cela racontait quelque chose».

sudonline.sn

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