[Video] Youssou Ndour est un « monument » selon Rama Yade

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Rama Yade est l’invitée de Roselyne Febvre et de Valérie Gas pour le Rendez-vous RFI – FRANCE 24. La première vice-présidente du Parti radical, ancienne secrétaire d’État aux droits de l’homme et aux sports dans le gouvernement Fillon, a quitté le navire UMP pour la barque de Jean-Louis Borloo. Elle revient sur son parcours et sur ses projets en ce début d’année présidentielle.
POLITIQUE
Roselyne FEBVRE.- Bonjour et bienvenue dans le rendez-vous France 24 / RFI avec notre invitée aujourd’hui. Rama Yade, bonjour.

Rama YADE.- Bonjour.

Roselyne FEBVRE.- Vous êtes première vice-présidente du Parti radical avec Jean-Louis Borloo et, à mes côtés, pour vous interroger, Valérie Gas du service politique de RFI.

Valérie GAS.- Bonjour.

Rama YADE.- Bonjour.

Roselyne FEBVRE.- Alors Rama Yade, ancienne secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme, puis aux Sports. Sur le perron des ministres de Matignon, vous détoniez à côté des tailleurs fluo de Roselyne Bachelot. Vous étiez la beauté noire et espiègle du gouvernement, l’une des étoiles filantes du sarkozysme, celle qui ose, qui cause et qui a fini par agacer par son audace. Vous étiez l’une des rares à critiquer tout haut la visite du colonel Kadhafi, ce qui demandait à l’époque tout de même un certain courage lorsque tout le monde était sous le tapis. Mais, à trop attirer la lumière, vous avez récolté la foudre et vous avez été en quelque sorte un peu débarquée. Enfin, totalement même. Vous avez quitté le navire amiral UMP pour rejoindre la barque de Jean-Louis Borloo qui était votre nouveau héros mais le héros a calé et il ne s’est pas présenté à l’élection présidentielle. Il a buté devant l’obstacle.
J’imagine que ça a été une immense déception pour vous. C’est vrai que vous avez quitté l’UMP. N’avez-vous pas eu le sentiment quand même de vous être fait un peu avoir ?

Rama YADE.- Non. C’est vrai que ça a été une grande déception. Sur le coup, on se dit…

Roselyne FEBVRE.- Vous ne vous y attendiez pas ?

Rama YADE.- Non. Et nous étions nombreux à prendre un coup sur la tête parce que, au fond, il avait des choses à dire. Et d’ailleurs il va toujours les dire mais, quand on est candidat, la dimension n’est pas la même, la singularité dans l’espace public n’est pas la même. Donc il avait des choses à dire. Nous avions travaillé à un projet pendant des mois, nous avions loué des locaux etc. Et là, quand il se retire comme ça, c’est vrai que c’est une grande déception. Mais, en même temps, pour lui en avoir parlé, je ne peux que comprendre. Parce qu’il faut le vouloir. Il faut le vouloir.

Valérie GAS.- Est-ce que vous avez adhéré à son explication ? Il a justifié sa décision en disant : « Il y a le risque Front national, je ne peux pas ajouter de la confusion à la confusion » alors que, pendant des mois avant, il avait dit : « Je serai peut-être le meilleur rempart contre la montée du Front national ».

Rama YADE.- Oui, j’ai préféré l’autre explication qui consistait à dire : « Je n’ai pas réussi à fédérer autour de moi les centristes. » Parce que, effectivement, il y avait, au sein de sa propre formation politique, le Parti radical, et puis, au-delà, du côté des centristes, des élus, des grands élus qui étaient, eux, sensibles au discours de l’UMP, qui ne voulaient pas d’un candidat Borloo. Et l’UMP, quand elle ne veut pas, eh bien elle sait manier la carotte et le bâton.

Valérie GAS.- L’excuse du Front national, du risque FN, ce n’était pas pour vous la justification de sa décision ?

Rama YADE.- Cette raison, c’était un argument de l’UMP pour décourager la candidature de Jean-Louis Borloo et nous avions combattu cet argument parce que nous pensons que c’est de la restriction de l’offre politique que prospère le Front national. Plus il y a une offre politique diverse, moins il y a de raisons que les gens aillent vers le Front national puisqu’ils sont représentés par les partis traditionnels dans leur pluralité. Donc non, c’était une des raisons qu’il a invoquées mais je crois que l’autre raison a bien plus pesé.

Roselyne FEBVRE.- Parce qu’il y avait aussi une version officieuse qu’on n’a pas tellement entendue mais qui a couru dans les milieux journalistico-parisiens. C’était quand même les pressions qu’il aurait eues, voire certaines menaces qui émanaient soit de l’Elysée, soit de l’entourage.

Rama YADE.- Je n’en ai pas eu connaissance. Je crois vraiment qu’à partir du moment où il s’est engagé dans cette démarche de quitter le gouvernement, parce qu’il n’a pas été renvoyé, lui, il est parti, à partir du moment où il a engagé le Parti radical, qui depuis 2002 était associé à l’UMP, sur le chemin de l’indépendance à 93 % des troupes, à partir du moment où, pendant des mois, il définit un projet, eh bien écoutez, s’il y a eu des pressions ou des menaces, elles se sont déjà exprimées et il a quand même tenu – et nous avons tous tenu. Moi, j’étais ambassadeur de France. J’ai quitté mes fonctions pour pouvoir accompagner ce mouvement. Donc je ne crois pas. Peut-être que, sur le coup, j’ai pu me faire cette réflexion tellement on était étonnés de la soudaineté du retrait mais, après-coup, avec le recul, je me dis que ce n’est pas ça et que vraiment il ne s’estimait pas en confiance. Pas assez de troupes, quoi.

Roselyne FEBVRE.- On a vu Yves Jégo aussi, qui avait rejoint Jean-Louis Borloo, faire un petit peu machine arrière et revenir dans le giron de Nicolas Sarkozy. Est-ce que vous, vous allez vous impliquer ? Est-ce que, petit à petit, vous allez aider Nicolas Sarkozy pour la campagne ou ce n’est pas encore décidé ?

Rama YADE.- Moi, je garde ma ligne d’indépendance, de fidélité au Parti radical. Je partage l’opinion que nous avons exprimée depuis le début. Ce n’est pas une UMP réduite à la droite de sa droite qui permettra à Nicolas Sarkozy de gagner. J’en suis convaincue. Ça ne marchera pas dans ces conditions. Donc je préfère garder ma liberté, mon indépendance et puis l’originalité de nos idées, qui sont fondées sur des idées républicaines, humanistes, sociales, écologiques. Nous avons des priorités : l’école, l’emploi. Pas seulement la lutte contre les déficits, la rigueur mais aussi l’emploi et il faut faire preuve d’imagination.

Jean-Louis Borloo a été un élu d’imagination, un ministre d’imagination. Il est allé chercher les emplois, les créer à Valenciennes – des emplois verts, la rénovation urbaine. Donc, comme les partis n’ont plus d’idées, eh bien ils disent : rigueur. Ben non. Non.

Roselyne FEBVRE.- Donc vous voulez dire qu’il manque en quelque sorte dans la campagne ?

Valérie GAS.- Il va bien falloir soutenir quelqu’un quand même pour le premier tour. Vous allez rester en dehors du jeu ?

Rama YADE.- A l’heure d’aujourd’hui, nous sommes comme 44 % des Français qui ne savent pas pour quel candidat ils vont voter. Parce que, un, tous les candidats ne se sont pas déclarés, en tout cas les candidats de la droite et du centre. Nous considérons le Parti socialiste et toute la gauche comme des opposants politiques et nous voudrions justement avoir un candidat qui soit en capacité de battre la gauche. Parce que François Hollande n’a pas le costume pour être Président, il n’est pas taillé pour ça. Moi, je suis profondément déçue par ce personnage qui a été élu au cours d’une primaire citoyenne par des tas de gens et qui n’est pas à la hauteur de la situation. Donc il faut épargner à la France un François Hollande.

Roselyne FEBVRE.- Vous dites comme Accoyer qui dit que, s’il est élu et qu’il applique son programme économique, il est dangereux pour la France ?

Rama YADE.- Non. C’est ça qui nous différencie de l’UMP : on n’emploie pas des mots comme ça. On est sur le fond, on est sur les idées, on n’est pas dans l’invective. Ça ne sert à rien. Les Français ne sont pas des idiots. Ils savent très bien qui fait quoi, qui propose quoi. Et là, en l’occurrence, il ne propose rien. Un matin, il nous dit : « Je suis pour la suppression du quotient familial » ; l’après-midi il nous dit : « Finalement non ». Il ne sait pas décider, il ne sait pas trancher, il ne sait pas où il va. Il doit se coltiner tous les Verts avec qui il a signé un accord en rase campagne pour, le lendemain, dire : « Finalement je ne peux pas » parce qu’il s’est rendu compte que la place, par exemple, de la France au Conseil de sécurité des Nations unies, ça ne se brade pas comme ça, sur un coin de table avec Mme Duflot. Enfin, vous voyez, c’est ça, Hollande. C’est fragile, c’est le hasard, c’est un coup de dés.

Roselyne FEBVRE.- Alors qui vous…

Rama YADE.- La droite et le centre, ils ne se sont pas tous déclarés. Nicolas Sarkozy n’a encore rien dit.

Valérie GAS.- Au centre, François Bayrou est déclaré et il occupe une place importante.

Rama YADE.- Oui, il occupe une place…

Valérie GAS.- Est-ce un candidat que vous pourriez potentiellement soutenir ?

Rama YADE.- Ne me faites pas encore regretter le retrait de Jean-Louis Borloo. Si, soudainement, François Bayrou est passé de 7 % à 14 %, c’est bien qu’il a récupéré les 7 points de Jean-Louis Borloo. Voilà ce qui s’est passé. Donc…

Valérie GAS.- Ça n’a pas été simultané quand même, le retrait de Jean-Louis Borloo et la montée de François Bayrou.

Rama YADE.- Le temps que les choses se positionnent, ça s’est fait. Parce que nous, nous étions convaincus que les gens qui soutenaient Jean-Louis Borloo n’étaient pas des gens qui auraient voté ou qui votaient forcément Nicolas Sarkozy. Donc on allait chercher ça en plus pour la majorité. Et ça, l’UMP ne l’a pas compris. Et elle a fait monter d’ailleurs pour une part François Bayrou. A un moment donné, on ne pouvait pas ouvrir Le Figaro sans voir que François Bayrou était le meilleur. Juste parce qu’il fallait démontrer que le vrai centre, c’était lui. Moi, je ne suis pas centriste.

Valérie GAS.- Pour vous, c’est le centriste que l’UMP a choisi dans cette campagne présidentielle ? C’est celui qu’elle épargne ?

Rama YADE.- Mais à ce moment-là, au moment où Jean-Louis Borloo devait être découragé, c’est vrai que François Bayrou a été fortement mis en avant par les journaux qui défendent systématiquement les points de vue de l’UMP. C’est dommage parce que, résultat : peut-être que la créature, elle va échapper à son créateur. Qui sait ? Mais c’est regrettable, je trouve.

Roselyne FEBVRE.- En tout cas, ce qui est clair, c’est qu’Hervé Morin n’en a pas profité puisque, selon une blague de son collègue, il est à 0 % mais 0 % dans le fromage blanc, c’est bien ; dans les sondages, c’est mauvais.

Rama YADE.- Sympa !

Roselyne FEBVRE.- Visiblement, ça ne se passe pas très bien pour Hervé Morin. Est-ce que vous pensez qu’il doit se retirer ? Sa candidature a-t-elle un sens ?

Rama YADE.- A lui de réfléchir. Moi, je ne fais pas partie de ceux qui dénigrent Hervé Morin sur le thème : il est à 0 %, donc il ne faut pas qu’il soit candidat. Il est président d’un parti, le Nouveau Centre, qui existe depuis 2007, donc il est légitime en tant que président d’un parti, qui est un parti d’élus, de militants, à se présenter pour manifester la singularité de ses idées. C’est tout à fait normal. Je veux dire, le Nouveau Centre, ce n’est pas l’UMP. Il y a des différences sur l’Europe, sur la mise en avant des initiatives individuelles de la société civile. Il y a des racines démocrates-chrétiennes qu’il n’y a pas ailleurs. Il y a une originalité du Nouveau Centre, donc il est légitime à être candidat. Je ne fais pas partie de ceux qui le critiquent, surtout que Jean-Louis Borloo était candidat pour les mêmes motifs.
Néanmoins c’est à lui de juger, d’apprécier.

Roselyne FEBVRE.- Mais vous attendez quoi ? Comme le disait Valérie, il y a François Bayrou comme offre à droite. Bon, Nicolas Sarkozy, vous réfléchissez visiblement dans l’attente de son programme.

Rama YADE.- Son programme. Parce que nous aussi, on a un programme.

Roselyne FEBVRE.- Et Villepin alors ? Par exemple ? C’est votre genre de beauté ?

Rama YADE.- Mon genre de beauté ?

Roselyne FEBVRE.- Politique, évidemment.

Rama YADE.- Dominique de Villepin, je ne le connais pas. Pas plus d’ailleurs que François Bayrou. Ce sont des candidats que je ne connais pas du tout sur un plan personnel. Je trouve qu’ils sont très moi, moi, moi. Ça manque de générosité. On sent qu’ils font ça pour d’autres raisons que la France.

Valérie GAS.- N’est-ce pas le propre du candidat à la présidentielle qui a besoin d’un ego un peu surdimensionné pour s’affirmer ?

Rama YADE.- A ce point-là, je ne suis pas sûre.

Valérie GAS.- Plus que Nicolas Sarkozy ?

Rama YADE.- Ce qui me gêne un petit peu, sans le connaître et en respectant l’homme, surtout l’homme des Nations unies, de cette France qui dit non à laquelle, moi, j’adhère à 100 %, je respecte tout cela, simplement on a le sentiment un peu gênant que Dominique de Villepin est candidat parce qu’il a une revanche à prendre, qu’il est dans une espèce de combat personnel avec Nicolas Sarkozy qui, moi, ne me concerne pas. Donc, vous voyez, ce n’est pas très encourageant.
Quant à François Bayrou, je ne le connais pas plus. Il appartient à une famille politique qui est la démocratie chrétienne, qui n’est pas la mienne culturellement. Le Parti radical auquel j’appartiens, c’est plus l’affirmation de la laïcité. C’est un parti qui a inventé la laïcité, la loi de 1905 en France, donc ça n’a rien à voir.

Valérie GAS.- Mais c’est un des plus grands défenseurs de la laïcité. C’est l’un de ses chevaux de bataille.

Rama YADE.- Ah pardon. Moi, comme citoyenne, je n’ai jamais connu François Bayrou autrement que comme un homme de la démocratie chrétienne et un homme de droite.

Roselyne FEBVRE.- Bon, on a senti que Villepin, ce n’est pas votre…

Rama YADE.- Vous voyez, moi, je suis comme beaucoup de Français. Je me dis : bon, tout ça, c’est pas génialissime en fait. Ben non.

Roselyne FEBVRE.- Et le niveau de la campagne n’est pas génialissime non plus.

Rama YADE.- Non plus.

Valérie GAS.- Est-ce que les annonces de Nicolas Sarkozy sur la taxe sur les transactions financières et sur l’annonce du sommet social – qui semble avoir fait énormément plaisir à Jean-Louis Borloo, qui aurait été un peu associé à cette démarche – vont vous convaincre d’apporter votre soutien à Nicolas Sarkozy ? Est-ce un élément dans le cheminement ?

Rama YADE.- Premier élément dans le cheminement : que l’UMP cesse sa droitisation. Moi, je ne peux pas…

Valérie GAS.- Est-ce que, pour vous, c’est un indicateur d’un virage social justement ?

Rama YADE.- Alors il y a le social et il y a la droitisation. La droitisation, c’est quand on a entendu dire pendant des mois des choses que je trouve blessantes et qui ne ressemblent pas d’ailleurs à Nicolas Sarkozy, notamment à celui de 2007. Quand on entend dire que les Français ne se sentent pas chez eux, que les enfants d’immigrés sont responsables de l’échec scolaire, que le débat sur l’islam stigmatise les musulmans alors que personne n’avait rien demandé. Tout ça m’a profondément heurtée. Je ne me suis pas reconnue. C’est pour ça que j’ai pris mes affaires et que…

Roselyne FEBVRE.- Vos cliques et vos claques.

Rama YADE.- Ça, c’est un premier problème. Donc quand on cessera ces petites phrases qui n’apportent rien… Vous savez, De Gaulle disait toujours : « Aux épreuves du pays, il ne faut pas rajouter la division des Français. » Ça, c’est la première chose. Donc que ça cesse. Ce n’est pas beaucoup demander. D’autre part, sur le virage social, je suis complètement d’accord, c’est-à-dire que quand j’ai quitté l’UMP…

Roselyne FEBVRE.- Qu’attendez-vous de ce sommet social ?

Rama YADE.- Ce que j’attends de ce sommet social ? Que l’on parle enfin d’emploi. Ça fait quand même des mois qu’on nous parle de la crise et donc qu’il faut serrer la ceinture des Français. Moi, je trouve que le serrage permanent de ceinture, ça fait pas une vision, ça ne crée pas de l’espérance. Les Français ont beaucoup souffert. La moitié ne sont pas partis en vacances à cause des problèmes d’argent. Le taux de chômage a augmenté de manière forte ces derniers mois. Voilà. Que voulez-vous serrer de plus ? Ils sont déjà vraiment mal en point. Donc, de ce fait, il faut travailler. Travailler à quoi ? A l’emploi. C’est absolument indispensable. Pas seulement en France mais aussi au niveau européen. La politique de change, c’est absolument indispensable. Le choix de suivre l’Allemagne dans la lutte contre l’inflation a conduit à sacrifier une bonne partie de la croissance européenne, qui est l’une des plus faibles du monde, qui est la plus faible du monde ces 15 dernières années. Ça, c’est une première chose.
Deuxième chose : la jeunesse. La jeunesse, c’est absolument indispensable. On ne peut pas avoir une jeunesse française qui connaît 25 % de taux de chômage. On ne peut pas avoir 150 000 jeunes qui sortent de l’école sans diplôme, sans formation. L’angoisse profonde de la société française est là.

Roselyne FEBVRE.- Quelles sont vos priorités à vous ?

Rama YADE.- Mes priorités ? Un, l’emploi et le pouvoir d’achat. Deux, l’école, l’éducation parce que là, ce n’est pas possible, on ne peut pas continuer comme ça. Une école qui jette chaque année 150 000 jeunes sur le marché du travail sans diplôme, sans formation, ce n’est pas possible. Ça, c’est un deuxième sujet.
Troisièmement : la laïcité, l’affirmation des principes de la laïcité. C’est très important. On ne peut pas avoir laissé échapper ce concept si fondamental pour la nation française à l’extrême droite. C’est Marine Le Pen qui parle de laïcité. Mais on rêve ! Qu’ont fait donc les partis républicains ?

Roselyne FEBVRE.- Quand Eva Joly, la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts, propose un jour férié pour la fête de l’Aïd-el-Kebir et un jour férié pour Kippour, cette proposition fait-elle partie…

Rama YADE.- Il faut vraiment qu’Eva Joly arrête sa campagne parce que là, ce n’est plus possible. Les musulmans, les juifs, est-ce que vous les voyez manifester dans les rues de France pour demander ce jour férié ? Ils n’ont rien demandé. Moi, je suis musulmane aussi, je n’ai jamais pensé à ça. Donc on ne demande pas à Mme Joly de faire notre bonheur malgré nous. Qu’elle laisse les musulmans et les juifs là où ils sont et qu’on arrête surtout de communautariser le débat. Il n’y a que des Français. Je ne vois pas de musulmans, de juifs ou de je ne sais quoi. Je vois des Français qui sont unis par un concept qui est celui de la laïcité, qui est le ciment de notre société. Qu’est-ce que c’est que cette manière qu’on a de systématiquement diviser les gens ? Personne n’a rien demandé. C’est comme le vote des étrangers : on n’a rien demandé.

Valérie GAS.- Un sondage dit que 31 % des personnes interrogées adhèrent aux idées du Front national. Qu’est-ce que ça vous inspire sur l’état de la société dans cette campagne ?

Rama YADE.- Quand Eva Joly, qui représente une formation politique, les Verts, qui n’est maintenant plus vraiment négligeable, fait une telle proposition, la conséquence, c’est aussi que les gens se disent : « Finalement, la laïcité, elle n’est plus défendue par les partis qui devraient la défendre. » Et que fait l’extrême droite ? Une OPA sur ce concept tellement précieux, tellement fondamental. C’est ce qui s’est passé avec les prieurs de rue. C’est Marine Le Pen qui a soulevé ce sujet. Alors que les musulmans n’ont pas envie de prier dans la rue. Ils ont envie de prier dans une mosquée ou dans une salle de prière. Et donc on a fait une erreur. C’est-à-dire que, à force de lâcheté, la République abdique sur une laïcité combattante et conduit à faire monter les extrêmes.
Ce n’est pas le talent de Marine Le Pen qui fait que 31 % des Français se retrouvent en elle. C’est l’incapacité des partis traditionnels. Et ça, je le regrette.

Roselyne FEBVRE.- Y a-t-il un vote Front national qui s’est décomplexé aujourd’hui et pour quelles raisons ?

Rama YADE.- Je crois. C’est ce que j’avais dit. En partant de l’UMP, j’avais expliqué que l’UMP n’avait pas compris que le succès de ces idées-là n’était pas lié au pointage du doigt des immigrés. Marine Le Pen a pris un tournant social. Elle parle aux déclassés, elle parle aux invisibles, elle parle aux sans-grade, à ceux à qui nous n’aurions jamais dû cesser de parler. C’est ça, le virage social de Marine Le Pen. Elle parle de l’autorité de l’Etat. Son père était beaucoup plus libéral que ça. Donc l’UMP n’a pas compris. Elle a focalisé sur les immigrés alors qu’il fallait focaliser sur la France entière. Immigrés compris. Ce n’était pas le problème. Donc, aujourd’hui, on récolte ce qu’on a semé.

Roselyne FEBVRE.- Valérie, vous souhaitiez parler du Sénégal.

Valérie GAS.- Oui. Vous avez un lien particulier avec le Sénégal. Comment vous voyez la campagne électorale qui s’engage là-bas et la candidature de Youssou N’Dour ?

Rama YADE.- Oh, j’ai assez à faire avec mes propres campagnes, vous savez, pour ne pas aller me chercher des ennuis sur la campagne sénégalaise. Surtout que les Sénégalais ont une culture politique assez extraordinaire. Ce qui me frappe, c’est que c’est un pays profondément démocratique. Déjà. C’est la première chose. On a souvent dit : « exception africaine », expression que j’ai toujours trouvée assez méprisante d’ailleurs, mais c’est quand même la fierté du Sénégal d’avoir une culture démocratique aussi forte, impulsée par Senghor, puis Diouf qui a su se retirer sans bruit au profit de son principal opposant politique, Wade. Alors oui, j’aimerais beaucoup que le Sénégal continue sur ce chemin démocratique qu’on lui connaît et qui fait sa renommée et son orgueil aussi.

Roselyne FEBVRE.- On peut dire que le chanteur, c’est folklorique, le fait qu’il se…

Rama YADE.- Youssou N’Dour ? C’est un moment historique pour le Sénégal.

Roselyne FEBVRE.- C’est comme si, chez nous, Yannick Noah se présentait.

Rama YADE.- Ah, Youssou N’Dour, c’est Yannick Noah x 10, donc vous imaginez ce que c’est. Au Sénégal, c’est un monument. Moi, c’est le chanteur de mon enfance.

Roselyne FEBVRE.- C’est une star mondiale mais…

Rama YADE.- Youssou N’Dour qui se présente à l’élection présidentielle, c’est du lourd.

Roselyne FEBVRE.- Est-ce que c’est du lourd en politique ?

Rama YADE.- C’est un artiste, un homme engagé. Moi, j’ai beaucoup d’admiration pour lui. C’est un homme d’affaires. C’est quelqu’un qui a su réinvestir tout ce qu’il a gagné en Afrique même. Il n’a pas taillé la route. Il est resté pour investir dans son pays. Maintenant, en tant qu’homme politique, j’avoue que j’ai été un peu surprise parce que j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le rencontrer et je n’avais pas soupçonné cela. Mais pourquoi pas ? Je pense qu’il veut secouer le cocotier. Je pense qu’il veut jouer un rôle de vigie. Il a l’autorité pour ça.

Roselyne FEBVRE.- Très bien. Youssou N’Dour qui va secouer le cocotier, dixit Rama Yade. Eh bien merci Valérie. On arrive au terme du rendez-vous RFI avec RFI / France 24. Tout de suite les infos mais on se retrouve. Restez avec nous pour parler sur un ton un petit peu intimiste dans l’aparté avec Rama Yade.

France24.fr

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