L’Université de Saint-Louis, devenue Université Gaston Berger du nom du philosophe, industriel et administrateur français du même nom, né à Saint-Louis en 1896 et décédé en 1960, fête cette année ses vingt ans d’existence. Mieux, elle est en passe de devenir une référence en matière de formation des cadres dans toutes les disciplines. Allant des sciences exactes aux sciences sociales en passant par les nouvelles technologies. Elle semble ainsi respecté sa vocation d’excellence telle que l’avait souhaité le Président Senghor, son initiateur. S’il est vrai que son recteur (comme d’ailleurs ses prédécesseurs) a de quoi être fier du bilan des 20 ans d’existence de l’institution, pourtant il ne doit pas occulter les nouveaux défis qui sont surtout liés à la massification et à l’exigence d’ouverture de nouvelles filières. Heureusement qu’il semble en être bien conscient et il le souligne dans cet entretien.
Monsieur le Recteur, votre institution universitaire fête cette année les vingt ans de son existence. Quelle signification peut revêtir un tel événement pour une université qui a vocation d’être une Université d’excellence comme l’UGB ?
En 1990, lorsque l’Université de Saint-Louis qui allait devenir l’Université Gaston Berger en 1997 a ouvert ses portes, avec comme vocation d’être dès le départ une université d’excellence, ce pari était pour le moins osé. Tant faisaient défaut les moyens matériels, humains et pédagogiques requis pour bâtir une université ! A l’époque, très peu de personnes et de partenaires au développement croyaient réellement à la faisabilité du projet au point qu’il a fallu un intense lobbying mené par des Sénégalais de bonne volonté auprès de l’Etat afin que l’autorisation soit donnée d’ouvrir l’Université de Saint-Louis. Ainsi la principale signification à tirer de la célébration des vingt ans d’existence de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, c’est qu’il a été possible à des Sénégalais, à des Africains de bâtir, de consolider et de pérenniser une université entièrement africaine dont les orientations pédagogiques et de recherche, tout en répondant aux besoins spécifiques de notre pays et de l’Afrique en général, sont conformes aux standards internationaux, à en juger par la qualité des étudiants que nous formons et par le fait que l’Université Gaston Berger de Saint-Louis est aujourd’hui une université de référence en Afrique et dans le reste du monde.
En tant que troisième recteur de cette institution, cet événement sera-t-il une occasion de dresser un bilan ou de mesurer l’ampleur des défis qui se posent à l’UGB ?
Les deux à la fois, dirais-je. En termes de bilan, il n’est pas difficile de le dresser d’autant qu’il s’agit d’un bilan qu’on peut brandir avec beaucoup de satisfaction et de fierté. Avec seulement cinq pionniers de rang magistral, l’Université Gaston Berger a en effet renforcé, tout le long de ces vingt dernières années, la qualité de son personnel d’enseignement et de recherche, à tel point qu’aujourd’hui une section comme celle de mathématiques appliquées ne compte plus d’assistant. Les publications des enseignants-chercheurs, des équipes de recherches, leurs résultats positifs dans les appels internationaux à concurrence et ceux des étudiants dans les concours nationaux et internationaux ont fini par convaincre les élèves de la nécessité d’intégrer l’UGB pour réussir leur projet de développement personnel. Ce sont, depuis plusieurs années, plus de huit mille demandes de nouveaux bacheliers que reçoit l’institution.
En termes de défi, il s’agit aujourd’hui pour l’Université Gaston Berger, tout en consolidant ses acquis et tout en gardant sa vocation première d’être une université d’excellence, d’assurer sa montée en puissance en s’appuyant sur une démarche qualité. Cela signifie, entre autres, prendre plus de bacheliers sénégalais non pas en massifiant les filières déjà existantes mais en créant de nouvelles filières. C’est d’ailleurs tout le sens que revêt son Plan Stratégique de Développement. En effet, en plus de ses quatre Unités de Formation et de Recherche (UFR) que sont l’UFR de Lettres et de Sciences Humaines (UFR/LSH), l’UFR de Sciences Economiques et de Gestion (UFR/SEG), l’UFR de Sciences Juridique et Politique (UFR/SJP), l’UFR de Sciences Appliquées et Technologies (UFR/SAT), d’autres UFR et filières de formation portées par des projets pédagogiques tout aussi pertinents qu’innovants sont en gestation. Il s’agit de l’UFR des Sciences de la Santé (UFR 2S), de l’UFR des Sciences Agronomiques, d’Aquaculture et de Technologie Alimentaire (UFR S2ATA) et de l’UFR Civilisation, Religions, Arts et Communication (UFR CRAC). Cette tendance sera renforcée dans les prochaines années avec le démarrage de l’UFR des Sciences de l’Education et du Sport (UFR SEF), de l’Institut Polytechnique de Saint-Louis (IPSL) et de l’enseignement à distance à travers l’Institut de Formation Ouverte et à Distance (IFOAD). A la suite des filières conduisant à des diplômes, l’UGB va offrir des formations certifiantes, ouvrant ainsi l’université à des apprenants qui peuvent ne pas être titulaires du baccalauréat. Entre enracinement et ouverture, l’Université Gaston Berger, dans sa stratégie d’élargissement de son offre de formation, met l’accent sur la formation à un métier, sur l’enracinement culturel africain de l’université et sur l’adéquation de ses filières à la stratégie de développement choisie par les pouvoirs publics.
Naturellement, afin de faire face à ce défi de montée en puissance par la diversification de son offre pédagogique en recrutant plus de bacheliers et même en s’ouvrant à des non bacheliers dans certains domaines, l’Université Gaston Berger de Saint-Louis a besoin de l’appui financier des pouvoirs publics et des partenaires au développement en sus de sa stratégie en cours de génération de ressources propres escomptées du Domaine d’Initiative et d’Innovation économique dont l’objectif est de nouer une relation win-win avec les entreprises, les banques, les opérateurs économiques en général.
Après 20 ans d’existence, l’UGB a-t-elle réellement confirmé sa vocation d’université d’excellence ou continue-t-elle toujours à se chercher ?
A dire vrai en vingt ans d’existence, l’Université Gaston Berger a confirmé sa vocation d’université d’excellence. Ceci grâce à un projet pédagogique clair porté par un corps enseignant et de recherche de qualité et par un personnel administratif dévoué à sa cause, l’UGB a trouvé, dès les premières années de son existence, ses marques dans l’espace de l’enseignement supérieur, ce qui lui a évité des errements. Et si elle continue à se chercher, ce n’est pas par rapport au cœur de métier qu’est l’enseignement et la recherche, mais plutôt par rapport à l’obtention de plus de moyens financiers et humains en vue de faire plus et mieux.
Après donc 20 ans peut-on avoir une idée du nombre de diplômés produits par l’Université de Saint-Louis et leur taux d’insertion dans le marché de l’emploi ?
A ce jour, l’Université Gaston Berger est forte de quinze mille diplômes délivrés. Pour ce qui est du taux d’insertion, il est très difficile d’avancer des statistiques. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’en vingt ans d’existence l’UGB a fourni de nombreux cadres à presque tous les secteurs d’activités du pays, aussi bien à l’Administration centrale et locale, au secteur économique public et privé qu’au secteur des banques et de la finance. Par exemple, la nouvelle génération de cadres de l’Inspection du Trésor, de l’Inspection des Impôts et Domaines, de l’Inspection des Douanes est constituée de nombreux anciens étudiants de l’UGB. Il en est de même pour ce qui est du secteur de l’informatique et des télécommunications.
Ce constat peut être fait au niveau des autres pays africains. En effet, du fait de sa vocation d’être une université africaine, l’UGB a accueilli et formé beaucoup d’étudiants ressortissants du Cameroun, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso qui sont devenus aujourd’hui cadres dans leurs pays d’origine.
Dans les pays du Nord, notamment en France, aux Etats-Unis et au Canada, il est courant de croiser d’anciens étudiants de l’UGB devenus professeurs d’université, des informaticiens, des financiers, etc. Ce tableau n’exclut pas bien entendu les anciens étudiants qui travaillent à leur propre compte.
Le nombre de diplômés et leur taux d’insertion peut constituer un indicateur de qualité fiable pour une institution universitaire mais également son rôle dans les activités de recherche n’est pas un facteur négligeable surtout par rapport aux critères d’évaluation et de classement. C’est juste pour vous demander quel est le niveau actuel de participation aux activités de recherche des universitaires de l’UGB ?
Le niveau de participation aux activités de recherche des universitaires a connu un grand progrès à l’UGB. On peut en juger par le nombre annuellement croissant d’inscrits au CAMES. En effet, en 1990, il n’y avait à l’UGB que cinq enseignants de rang magistral, aujourd’hui plus des deux tiers de nos enseignants sont inscrits sur les listes d’aptitude du CAMES, soit comme Maîtres Assistants comme Maître de Conférences, soit comme Professeurs Titulaires. Signalons que ces inscriptions sont établies, entre autres critères, sur la base de la production scientifique des intéressés. La recherche à l’UGB, ce sont les laboratoires et groupes de recherches qui sont aujourd’hui autour d’une quinzaine et qui participent à l’encadrement des étudiants qui font des thèses en lettres et sciences humaines, en sciences économiques et de gestion, en sciences appliquées et technologie, en sciences juridique et politique. Et grâce à ces laboratoires et groupes de recherches, sont de plus en en plus nombreux les étudiants qui soutiennent leur thèse de doctorat à l’UGB. Cela montre que nos structures de recherches sont performantes, en attestent par exemple les appels à candidature au niveau international et international qu’ils remportent.
Pour finir sur cet aspect, l’élément qui matérialise davantage cette dynamique de la recherche à l’UGB, c’est la montée en nombre des publications des enseignants de l’UGB dans des revues nationales et internationales reconnues et chez des éditeurs nationaux et internationaux réputés sérieux.
L’Université de Saint-Louis à l’instar des autres institutions universitaires est traversée toutes ces dernières années par de nombreuses crises marquées par des mouvements de grèves d’étudiants et d’enseignants. De telles crises ne vont-elles pas, à la longue affecter la qualité de l’enseignement et la vocation d’excellence de l’institution ?
Justement, c’est parce que les crises répétitives peuvent avoir une incidence négative sur la qualité de l’enseignement et la vocation d’excellence de notre université que le Recteur que je suis fait tout afin de multiplier les cadres de concertation entre les étudiants, les enseignants et l’institution pour une résolution pacifique des problèmes rencontrés. Toutefois, force est de noter, quels que soient les conflits, nous parvenons toujours à nous réunir autour d’une table de discussion en vue de les régler, ce qui nous permet d’une manière générale de respecter notre calendrier académique.
Nous savons que l’UGB a été conçue pour accueillir un nombre d’étudiants très limité environ cinq mille, au grand maximum, mais aujourd’hui son effectif semble avoir largement dépassé le nombre. Cette massification n’est-elle pas annonciatrice de changement d’orientation et de vocation pour l’UGB ?
Cette question fait appel à deux précisions. Il est bien vrai que les effectifs d’étudiants des années 1990 de l’UGB ne sont plus les mêmes que ceux d’aujourd’hui. D’environ 600 au début, nous sommes en effet à 5000 d’étudiants actuellement sans toutefois dépasser ce nombre. Autre précision, c’est que l’Université Gaston Berger n’est pas fondamentalement contre la massification. Seulement, nous sommes pour la massification par la diversification des filières de formation et non pour la massification des filières déjà existantes.
L’enseignement supérieur au Sénégal est handicapé par la faiblesse de ses ressources, du moins c’est le problème évoqué au niveau de l’UCAD. Etes-vous confrontés au même problème à l’UGB ?
Je ne dispose pas de tous les éléments me permettant de me prononcer objectivement sur la situation de l’UCAD. Mais j’ose croire que nos deux universités sont confrontées au même problème de financement mais selon des proportions différentes. D’ailleurs, c’est pour réfléchir sur ce problème que l’UGB, dans le cadre de la célébration de ses vingt ans d’existence, organise, ce vendredi 28 mai 2010 à l’Amphithéâtre Madické Diop, un symposium sur l’enseignement supérieur et un des panels de ce symposium va justement porter sur comment arriver à résoudre le problème de financement auquel est confronté l’enseignement supérieur sénégalais.
Au demeurant, il urge de préciser que les pouvoirs publics sénégalais ont consenti beaucoup d’efforts pour l’enseignement supérieur sénégalais en général et pour l’UGB en particulier. Seulement avec un peu plus de moyens mis à notre disposition, nous serons en mesure de faire plus et mieux
L’Université de Saint-Louis n’est pas au moins affectée par le phénomène de la fuite des cerveaux ?
D’une manière générale, l’Université Gaston Berger a su fixer et fidéliser son personnel enseignant. A cela il y a plusieurs facteurs dont le plus décisif est le fait que ceux qui l’ont intégrée en 1990 sont des individus qui s’étaient fixé comme défi de bâtir une université et de la pérenniser. Ces pionniers ont par la suite encadré des étudiants jusqu’au doctorat qui sont devenus des enseignants de l’UGB, des enseignants fidèles à l’institution. Et les enseignants de l’UGB formés par d’autres universités ont pu trouver à Saint-Louis un cadre de travail qui a facilité leur intégration. Je profite de l’occasion pour rendre un vibrant hommage à tous les enseignants de notre université dont la fidélité a fait de l’UGB un véritable label dans le paysage de l’enseignement supérieur sénégalais, africain et mondial.
Quels sont les rapports de l’UGB avec les autres institutions universitaires du pays (UCAD, Thiès, Ziguinchor et Bambey) ?
Avec toutes ces institutions universitaires, l’UGB entretient des rapports de collaboration scientifique et pédagogique fructueux. Il ne faut pas perdre de vue que les pionniers qui ont bâti l’UGB ont commencé leur carrière à l’UCAD et que pendant de nombreuses années l’UGB a été accompagnée par des enseignants de l’UCAD en attendant que les choses se mettent en place. C’est le moment de leur rendre un vibrant hommage.
Avec les universités de Thiès, Bambey et Ziguinchor nouvellement créées des pistes de collaboration très prometteuses sont en perspectives. Récemment, par exemple, une forte délégation de l’UGB a été invitée par le CUR de Ziguinchor pour échanger sur la réforme LMD.
EXERGUES
1- Le défi aujourd’hui pour l’Université Gaston Berger, c’est d’assurer tout en consolidant ses acquis et en gardant,sa vocation première d’être une université d’excellence, sa montée en puissance en s’appuyant sur une démarche qualité.
2- A ce jour, l’Université Gaston Berger est forte de quinze mille diplômes délivrés.
3- A la suite des filières conduisant à des diplômes, l’UGB va offrir des formations certifiantes, ouvrant ainsi l’université à des apprenants qui peuvent ne pas être titulaires du baccalauréat.
4- En 1990, il n’y avait à l’UGB que cinq enseignants de rang magistral, aujourd’hui plus des deux tiers de nos enseignants sont inscrits sur les listes d’aptitude du CAMES,
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