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Au soir de son élection du 25 février 2012, le président Macky Sall a dédié sa victoire aux victimes des forces qu’avait Gorgui. Ces tués étaient au nombre de 15. Ce sentiment transcende son symbolisme républicain pour s’épandre comme un monde de fumées sur une terre de sens. Pour sacrifier à cette tradition des honneurs ou des hommages, nous autres citoyens et camarades de certains disparus, sommes tenus de participer aux ajustements du tapis rouge en souvenir de nos morts. Nous réclamons que justice soit rendue. Car le préjudice est incommensurable.

Loin de nous, les hypothétiques événements de tête. N’imaginons même pas que ces malfaiteurs se dénoncent. Ils ne se dicteront jamais publiquement leur peine. Ils n’auront jamais le sentiment orgueilleux d’honorer notre justice. Ils n’exerceront jamais leur puissance en se punissant. Pourtant, par une punition volontaire, ils auraient pu, dans la franchise, la grandeur, s’élever au-dessus de leur délit, et cet acte l’effacerait moralement, ce qui serait au moins un aveu et un bienfait public. Pour dire vrai, nous ne sommes pas de ceux qui pensent qu’il faut aider à éloigner du monde l’idée de punition devenue envahissante. Au contraire, l’existence elle-même reste pour nous une punition. Par conséquent, maintenons cette idée morale ou mordante dans les conséquences de notre façon d’agir. En tout cas, le Sénégalais n’est pas immoral ni amoral. Il est moral et véridique. Pourquoi donc épargner le président vaincu ? Devons-nous manquer de courage pour désigner et arrêter les hommes en tenue ou les civils impliqués dans les crimes crapuleux ?

Nous devons continuer d’exploiter le cas pathologique de l’ancien président (Wade). C’est une manière de le punir, de se faire justice. Son discours, à notre égard, n’a pas été sérieux. Comment peut-on marcher sur 15 cadavres et assimiler la sacralité des dépouilles à des brises maritimes, à des épiphénomènes insignifiants ? Quelle insolence ! Quel drame ! Quel traumatisme ! Quel héritage de la rancune ! Que de maladresses. Un psychologue des profondeurs aurait décrit cette flétrissure du discours comme suit : les convulsions et l’écume de l’épileptique qu’elle porte laissent croire le signe visible d’une manifestation absolument involontaire ; et du coup, semblent être le masque et le porte-parole d’une force obscure réclamant plus de vénération de soi ; elle n’a pas de remords mais elle court le risque d’être le prophète et le martyr de ses écarts de langage.

Ces écarts du langage peuvent être aussi le produit des folies du génie ou du gêneur. Dans ses élans de sainteté, Wade rappelle l’univers mystique du Sorcier des Indiens, du Saint des Chrétiens du Moyen Age, de l’Anguécoque des Groenlandais, du Paje des Brésiliens. Il aimait jouer au génie. Et dans ce sentiment d’homme supérieur poussé irrésistiblement à rompre le ban des coutumes et à proclamer un langage déchaîné, tout le monde sait bien que, de nos jours, on donne sans cesse encore à entendre que le génie possède, au lieu d’un grain de bon sens, un grain de folie. Mais, cette fois, malheureusement pour Platon, ce n’est point par la folie que la démocratie aura ses lettres de noblesse ; notre vieux génie, ce «métal en fer», n’a pas répandu de grands bienfaits dans notre pays. Il s’est retrouvé dans les bras et dans les recoins de la conscience avec 15 belles âmes mortes.

Personne n’a le droit de pardonner. Pour le bien de la société et de la dignité humaine, justice doit être obtenue. Les âmes doivent être protégées et cultivées depuis la petite enfance pour que, en notre for intérieur, on puisse être sensible à la bonté, à la beauté, à l’ordre et à la justice. Pour parler dans le sens de Dostoïevski, nous ne voulons pas que les corps de nos compatriotes, avec leur souffrance, servent uniquement à fumer du gain, au profit de Macky. Ces 15 morts pour la démocratie sont à montrer aux nations, non pas pour accabler les esprits, mais que chacun aie l’expérience de la preuve que la démocratie est tâchée de sang.

Elle ne s’acquiert jamais, et ne saurait s’acquérir par des hommes ordinaires. Pour construire un édifice pareil, tout peut faire défaut, à commencer par les matériaux. Nietzsche avait vu juste, en communiquant que nous tous avions cessé d’être matériaux de construction d’une société juste, et libre. Par contre, nos 15 morts forts ont compté, promis, anticipé notre avenir démocratique par leurs engagements, en apportant des sacrifices de telle sorte que leurs actes ne peuvent avoir de valeur et de sens qu’en symbolisant la pierre dans le vaste édifice.

Ils ne sont pas des hommes de peu fuyant toujours le risque des grandes causes qui donnent la dignité. Ils savaient qu’ils ne sont pas du monde d’héritiers, mais des héritiers du monde, et dans cette posture de la responsabilité, le devoir exige que les acquis d’humanité soient préservés et renforcés, pas question de retomber dans l’esclavage que nos ancêtres ont déjà vaincu, dans le sang. Que le Président Macky comprenne qu’il a, au dos, un Grand-Sénégal. Il est arrivé au moment où l’ostracisme du mythe sélectif de nos quatre communes s’est écroulé et qu’est mort ce «petit paysan» de Marx qui ne rêvait que de terre. Le Sénégal est devenu une mère commune où se mélangent les métaux. Ce qui nous unit est la croyance d’une méritocratie. Ceux qui sont méritants doivent gouverner. Et ceux qui ne le sont pas doivent être gouvernés, ou aidés à se gouverner.

Finie alors cette politique expansionniste. Personne ne pourra comprendre que les 15 honorables morts soient maltraités encore. Qu’on ne dise surtout pas que leurs bourreaux auront leur enfer. Qu’on ne songe surtout pas à la grâce du nouveau président. D’ailleurs que vaut une victoire sanguinolente et assise sur 15 morts ? Même les parents des morts politiques n’ont pas le droit de pardonner. Ils peuvent essuyer leurs larmes et pardonner leur souffrance de parent, mais non ce qu’ont souffert leurs disparus, déchirés par des coups de feu ou des charges d’acier. Pour procurer la paix et le repos à nos 15 morts qui ont versé leur sang pour tous et pour tout, il leur faut une sentence judiciaire juste. Où sont passés la bonne foi et le courage des juges ? En aucun cas, personne ne peut dormir dans une chambre à côté de 15 morts.

Tôt ou tard, un mouvement des étudiants fort, par exemple, exigera la lumière sur la mort de Mamadou Diop, cet éternel vaillant et discret camarade de la liste rouge, déchiré par la charge du «dragon» sous mes yeux. Une impunité fera trainer l’ombre des morts partout où leurs bourreaux traineront. Faute de justice, une odeur de mort continuera à hanter notre trame démocratique. L’impunité serait un emprunt obligataire dans les mains du Président Macky. Nos propos punitifs ou purgatifs sont sous-tendus par la valeur transcendante des humains. Sous une apparence de paradoxe, Nietzsche n’est pas le seul à confirmer que l’expérience du drame montre que l’homme est le grand miroir des attributs et actes de Dieu. Il n’est pas cette preuve de la simple finitude du roseau pensant dont parle Pascal. Il semble juste n’être qu’un petit corps peccable. Mais, en réalité, il a une dignité sacrée qui le rend égal à l’univers entier avec toute sa richesse de caractère qui peut être développée jusqu’à l’excellence ou jusqu’au Surhomme cher à Goethe ou à Luther. (A suivre)

Ndéné MBODJI Ancien président des étudiants (Flsh -liste rouge) Président de Raak Rek (le combat) Benno ak Tanor [email protected]

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